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sur 2656 notes
Le colonel Chabert, ou la descente aux enfers d'un homme qui, alors qu'il parvient à regagner les berges du Styx, et qu'il pourrait saisir la main amicale qu'un samaritain lui tend, fait le choix de la misère et du naufrage, se laissant dériver jusqu'au néant social.

Le colonel, un homme brisé par la vie qui lui a par le passé apporté la gloire et le bonheur, reste animé au début du livre par une dernière fibre d'espoir et d'énergie, qui l'amène maladroitement auprès de la bonne personne : Derville, un homme de loi, animé par son intérêt propre, mais aussi par le respect des institutions, et une bienséance morale et bourgeoise qui l'amèneront à prendre pitié de ce malandrin qui a tant servi le pays.

Face à cette figure rationnelle, qui sait présenter au vieux colonel abîmé par les événements ses intérêts et la stratégie pour les atteindre, s'érige la comtesse Ferraud. Celle-ci, comme tant d'autres personnages du Naturalisme du XIXème, a gravi les échelons grâce à la séduction et à un usage impitoyable de celle-ci en vue d'obtenir et préserver ses intérêts.

Contraire de la figure froide et bienveillante de maître Derville, elle est la Passion incarnée, celle qui sait aller réveiller au fin fond du colonel les sentiments les moins raisonnables, et s'en servir comme des liens inoxydables pour ligoter le colonel et ainsi s'en débarrasser à jamais.

Et si finalement, le colonel était un personnage tout romantique ?
Chevalier de l'épopée impériale, dernière geste des héros au coeur vaillant, il avait épousé une jeune femme par amour, par-delà la condition de cette dernière, par-delà le qu'en-dira-t-on, par-delà ses intérêts de long terme. Sa première mort, celle de laquelle il ressuscite, l'a transporté dans un monde nouveau, qu'il ne reconnait plus. Ce nouveau monde, où intrigues factieuses, bureaucratie, tromperies et intérêt individuel priment, n'est pas le sien. le romantisme est mort, et avec lui, Chabert.
Aussi, la comtesse, de prime abord responsable de la nouvelle défaite du colonel, n'est en réalité qu'un moyen, un moyen par lequel cette nouvelle époque se débarrasse d'un personnage qui n'a rien à y faire. Et celui-ci accepte son destin sans guère protester - malgré tous les efforts de Derville - car, dans le fond, il connait cette triste vérité, et s'y plie.

Le colonel Chabert, c'est aussi, comme bien souvent avec les romans De Balzac et de ses congénères, une belle reconstitution du Paris du XIXème, quand la misère absolue fréquente le faste le plus étalé, et quand les hommes de droit doivent régler des problématiques d'époque : les tribulations issues des changements de régimes, et les querelles de fortunes des uns et des autres (noblesse d'Empire, noblesse ancienne, noblesse nouvelle etc).

Je reprocherais à ce livre d'être finalement bien court, et de ne présenter qu'un nombre très limité de péripéties et de personnages. J'aurais apprécié que le personnage de la comtesse soit plus développé, notamment sur sa relation avec Chabert : on aurait pu faire durer le suspens, ce qui n'est pas le cas ici. Dès leur premier entretien seule à seul, elle l'envoûte aussitôt.

Doit-on finalement plaindre ce pauvre colonel ? Sans doute, oui, sur un point.
Celui de ne pas être mort en héros, la première fois. Chabert incarne l'Empire, il est l'Empire. Sa mort sur le champ de bataille, c'était l'évidence, et il n'est pas parvenu à l'atteindre. Jamais il n'aurait pu revenir dans le Monde, car celui-ci n'était plus le sien. Alors, de héros, il passe à vaurien, que Derville n'aurait pu sauver. Derville est le chevalier des temps modernes, celui d'une époque faite de droit, d'argent et de conciliabules. Il a vu en Chabert un lointain aïeul, dont les outils étaient autres, et a tenté de l'aider... en vain.
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C'est un élève qui m'a conseillé ce classique et c'est suffisamment rare pour que j'en tienne compte! L'histoire du colonel Chabert, revenu d'entre les morts mais que "la société entière veut faire rentrer sous terre" est terrible.

Le roman s'ouvre sur une scène à l'étude d'avoué aux allures de sketch. D'une part parce que personne ne prend au sérieux cet homme sensé être "mort à Eylau", et d'autre part parce que le contraste est saisissant entre la vitalité et la légèreté des jeunes clercs en plein déjeuner et le vieil homme usé et affamé, le "vagabond", qu'est devenu le colonel. C'est triste et drôle à la fois.

Il est vrai que son histoire semble invraisemblable. D'ailleurs "les gens de loi m'ont tous pris pour un fou". Derville est le premier à l'écouter avec bienveillance et à croire le concours de circonstances (tombé en catalepsie, comme l'Olivier Bécaille de Zola, puis enterré vivant sur le champ de bataille) ayant mené à cette situation.
En vérité, Chabert dérange et cela arrangerait tout le monde qu'il reste officiellement mort ("Il s'agit de le prouver judiciairement à des gens qui vont avoir intérêt à nier votre existence"), à commencer par sa femme qui a empoché la rente et s'est remariée ("L'on m'a cru mort, me voilà! Rendez-moi ma femme et ma fortune; donnez-moi le grade de général auquel j'ai droit"). Pour autant l'affaire n'est pas si simple...

D'abord Chabert doit prouver son identité. Sa femme le pourrait mais n'y trouve aucun intérêt ("Elle est décidée à tout pour arriver à ses fins"). Manipulatrice, elle le prend par les sentiments ("Je la désire et la maudis tour à tour") pour le piéger ("Je dois rentrer sous terre"). Résultat des manoeuvres, l'ancien colonel finira "dégoûté de l'humanité" ("Je ne suis plus un homme"). L'histoire prouve surtout qu'il existe "des crimes contre lesquels la justice est impuissante. Toutes les horreurs que les romanciers croient inventer sont toujours au-dessous de la vérité."
Lien : https://www.takalirsa.fr/le-..
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J'ai adoré ! Non pas parce que c'est Balzac, ce n'est pas forcément lui que j'aime le plus dans les grands auteurs du XIXème siècle. C'est parce que c'est un livre parfait si l'on veut se remettre dans l'ambiance de la Restauration après celle de l'Empire.
L'édition Folio précise qu'il y avait beaucoup de Chabert à l'époque, le nom, comme la situation.
Cette version, comme d'habitude, est une vraie mine d'or, elle va jusqu'à relever les tics du romancier. Parfait avant d'entamer un autre de ces chefs-d'oeuvre.
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Le chef d'oeuvre d'un homme qui revient et que l'on croyait mort. Un pitch qui a depuis été repris et repris d'Hugo à Dumas.
Pas grand chose à dire de plus que d'autres ont déjà souligné. Roman court, puissant et habile, on se prend d'une affection folle pour ce pauvre colonel Chabert.

Cette empathie se mue parfois en irritation tant cet héros de la guerre est par trop généreux et altruiste. J'ai préféré les Illusions perdues.
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Mes souvenirs de lecture concernant Balzac datent du lycée...et surtout de lectures imposées. Balzac était synonyme de lenteur, grandes descriptions qui ne font pas avancer l'action... Décidé à relire des "classiques", Balzac se devait d y figurer et j ai décidé d'en découdre avec le Colonel Chabert.
Alors oui je ne fus pas déçu de mon souvenir, les descriptions sont là ! Dans les 10 premières pages, la description de l étude d avoués est un modèle du genre...et surprise c'est avec bonheur que je lis (et même relis) ce passage. La précision, l'ambiance, le style, tout me plaît et j'ai l impression d être assis au milieu de l'étude. Et tout au long de cette lecture, ces moments de description m ont ravi et non, ils ne ralentissent pas l histoire, ils la sublime. Et non, ce n est pas lent, c'est avec joie que j ai suivi les péripéties de ce Colonel mais aussi de son conseil, mi ange, mi démon (ce personnage est passionnant). J'ai vibré pour cette histoire grâce au talent De Balzac, à son écriture qui était une (re) découverte. du bonheur.
A suivre...Balzac le retour !
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C'est l'histoire de Hyacinthe Chabert, colonel laissé pour mort à la bataille d'Eylan en 1807.
Sauf que Hyacinthe n'est pas mort et qu'il rentre au pays ...

Renouer avec ses classiques peut être édifiant et retrouver le Colonel Chabert a été pour moi, un véritable enchantement.
L'histoire terrible de cet homme revenant au pays pour découvrir que ses proches et sa femme ont poursuivi leurs existences, le croyant mort au combat.
Renouer avec son désespoir, le voir aimer douloureusement.
Colonel Chabert est un roman extraordinaire et magistral que je pourrais lire et relire encore et encore sans jamais en éprouver de lassitude.
Un grand roman d'un grand auteur.
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Grand classique assez lourd à lire malgré tout.
Quand bien même la description des personnages, des décors restent très bien faites, l'adaptation filmographique m'a mieux permise de cerner l'histoire sans trop m'ennuyer.
En même temps, le tandem Fabrice Luchini et Gérard Depardieu est une merveille.
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Encore du Balzac...
Ici, si l'on retrouve déjà dans cet opus de "jeunesse" le tableau acéré de la société française, le regard acerbe et désenchanté de l'auteur sur ses semblables, le style Balzac n'est pas encore tout à fait "entier" : un texte "express", pas d'ouverture sur une très longue description des lieux, pas de personnage dépeint profondément, pas de temps pour une action longuement amenée. On est plus proche de la nouvelle que du roman Balzacien. Plus proche de Sarrasine que des autres ouvrages déjà critiqués dans mes pages.
Mais ça reste de la grande littérature et un grand plaisir de lecture. le plus désespéré des opus que j'ai lu De Balzac jusqu'à présent.
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Le colonel Chabert /Honoré de Balzac
Alors qu'au sein de l'étude de l'avoué Me Derville un groupe de clercs plaisante tout en faisant semblant de travailler, un vieil homme porteur d'un vieux carrick usé à la corde se présente en demandant à voir l'avoué malgré les moqueries des clercs qui le considèrent tel un intrus dans leur joyeuse compagnie. Il apprend que Me Derville ne consulte qu'à partir de minuit, et en réponse à la question d'un saute-ruisseau, le vieil homme déclare être le colonel Chabert officiellement mort à la bataille d'Eylau. Une sombre défaite de l'Empereur.
Minuit venu, Derville reçoit Chabert qui lui raconte son histoire.
Effectivement, les rapports officiels disent bien que Hyacinthe Chabert, colonel de l'armée impériale de Napoléon, grand officier de la Légion d'honneur, est mort lors de bataille d'Eylau, en 1807. Sa veuve Rose Chapotel, ancienne fille de joie qu'il a sorti du ruisseau pour l'installer dans un luxueux hôtel particulier, a hérité de sa fortune et s'est remarié avec le comte Ferraud, aristocrate émigré, conseiller d'État, qui ambitionne une carrière politique sous la Restauration. Elle est une bonne cliente de l'étude de Me Derville.
C'est alors que dix ans plus tard, en 1817 réapparaît un colonel Chabert !
Chabert, en pleine déréliction, confie à l'avoué Me Derville qu'il souhaite à tout le moins récupérer son dû, c'est à dire sa fortune. Il a déjà entamé maintes démarches chez des gens de loi qui tous l'ont pris pour un fou. L'avoué compréhensif et empressé, lui explique que la tâche va être ardue car il va falloir prouver judiciairement qui il est, à des gens qui vont avoir intérêt à nier son existence. Derville et Chabert auront contre eux deux personnes puissantes qui pourront influencer les tribunaux. C'est pourquoi, l'avoué préconise la transaction.
Mais comment va réagir la comtesse en apprenant le retour de son défunt mari, elle qui est remariée avec le comte Ferraud depuis des années et a eu deux enfants ?
« Bientôt personne ne se souviendra de toi » écrivait Marc-Aurèle ! Balzac nous offre ici un court roman illustrant brillament cet aphorisme du grand penseur latin. Un classique incontournable plaisant à lire.

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Un roman d'une centaine de pages , à peine plus long qu'une nouvelle , mais aussi dense que d'autres oeuvres plus reconnues.
Si nous n'avons pas ici les disgressions philosophiques dont nous gâte Balzac dans la plupart de ses livres, cet officier nous donne plusieurs niveaux de lecture : portrait humain , le colon est un des héros les plus volontaires et les plus costauds de toute la comédie humaine . Il égale facilement Vautrin / Trompe-La-Mort , ne serait-ce que par le récit de son réveil et de son évasion de la fosse commune après la bataille d'Eylau . Mais le côté extraordinaire de cet exploit sera presque dépassé par la suite de ses péripéties ; clochardisation, retour au pays, pauvreté , lutte contre ses proches, l'administration...
En plus du portrait humain, Balzac nous donne à lire un moment d'histoire : guerres napoléoniennes, restauration, apparitions du code civil, de l'administration et des fonctionnaires...Il suffit à Balzac de , en trois pages, raconter le parcours de Ferraud le nouveau mari de Madame Chabert, pour synthétiser 20 ans de l'histoire mouvementée de notre pays.
Et la description de l'étude d'avoués, avec ses employés paresseux et goguenards, l'exposé de la situation absurde de Chabert , déclaré mort dans un monde n'admettant pas plus la résurrection que l'erreur ou les cas particuliers , pourrait servir aussi bien à Kafka qu'à Courteline. Mais on est chez Balzac , alors le lecteur ressent divers sentiments : sympathie, injustice, grandeur épique et est accroché par l'histoire .
Signalons aussi la grande maitrise de l'évocation du temps : l'action principale se déroule pendant la transaction de justice mais un des grands moments du roman, l'évocation de la bataille d'Eylau, a eu lieu plusieurs années avant. Tout comme l'épilogue campagnard se déroulera vingt ans plus tard. Et l'écrivain nous donnera des indications dès le début : arrivé en fin de matinée, il sera demandé à ce qui n'est encore qu'un risible pauvre diable, de revenir à l'étude à une heure du matin. Comme si heure et bienséance n'avaient plus d'importance .
Et , pendant tout le livre , on ne peut pas vraiment donner un âge au héros . En le retrouvant dans l'épilogue, nous ne serons pas si nous sommes devant un vieillard sénile ou un homme lucide et abandonné .
Au fond, notre brave colonel Chabert a été porté disparu à Eylau. Il est revenu mais , comme un mort-vivant, les heures et les années n'ont plus d'emprises sur lui. Immortalité du héros ? de l'écrivain ?
A ma connaissance ce sera , dans la comédie humaine , la seule apparition du colonel Chabert . N'empêche , ce passage éclair en fait l'un des personnages les plus attachants et surhumains de cette comédie pourtant bien humaine .
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