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sur 2198 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Plus le temps passe et plus les juifs sont convaincus qu'ils ne peuvent choisir qu'entre la mort ou l'exil. Mais si tous les pays libres et démocratiques trouvent leur sort horrible, aucun ne se presse pour les accueillir. Il faut accepter ce qui se présente (même quand l'accueil est assuré par un autre dictateur), accepter d'abandonner sa patrie, sa famille, son métier, ses passions et parfois même une partie de son identité.
Un roman qui, à travers un pan d'histoire méconnu et une femme étonnante qu'on ne peut qu'admirer et aimer, rend hommage à ces personnes qui sauront trouver leur bonheur malgré le malheur qui les entoure et qui se créeront de nouvelles racines. Un long roman qu'on lit avec plaisir tellement il est agréable de partager la vie d'Almah.
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C'est un premier roman, et c'est une réussite. Catherine Bardon a vécu et aime la République Dominicaine, et cela irradie dans tout ce texte de 600 pages que l'on aimerait lire d'une traite(ce n'est pas peu dire!)
Le roman commence à Vienne en 1921 et se termine en République Dominicaine en 1961;
A Vienne , Almah,jeune fille de bonne famille tombe amoureuse de Wilhelm, ils sont juifs et ils vivent l'émergence du nazisme, ils sont jeunes et vont quitter le pays en y laissant ,non sans douleur, leur famille.
Commence l'itinérance, le désordre, le refus des USA de les laisser entrer, ils connaissent les camps de réfugiés aux portes de NY, et sont emmenés d'office en 1940 à La Dominique encore sous influence d'un dictateur, Trujillo. Mais un but avec leurs compagnons d'exil leur est donné, il s'agit de créer un kibboutz, la vie est très dure, l'espoir et le courage ne manquent pas.
Les amoureux, en charge de famille maintenant le sont toujours,(avec quelques soubresauts tout de même) ils s'acclimatent au pays même si Willhem a quelques doutes quant à cette communauté ; il a l'impression quils servent de cobaye;l 'Etat d'Israel sera crée en1948.
Ensuite c'est le déchirement, quitter cette terre, cette vie, crées de toute pièce, ou rejoindre le nouvel Etat, le leur?
Le roman est bâti sur un ordre chronologique, ce qui facilite la lecture documentée sur l'histoire; mais c'est avant tout un magnifique roman , d'aventures , d'amour, d'amitiés.
Un vrai beau roman.
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Un premier volume, les premiers émois d'une famille juive. de Vienne en 1932 aux Caraïbes en 1961.
La montée du nazisme en Autriche, des départs, des exils, des refus, des pertes humaines.
C'est le destin exceptionnel d'Almah et de Wilhelm. Un couple amoureux, heureux. Unis dans la peine et le désespoir de cette guerre. Après désillusion et refus de l'Amérique, ils seront accueillis en République dominicaine par un dictateur. Il n'y a rien, tout est à construire pour nos Robinson juifs. Dans un premier temps, fini le journalisme pour Wil et être dentiste pour Almah. Ils seront exploitants agricoles. Deux enfants … beaucoup d'intrigues sur cette nouvelle terre de jungle et de chaleur.

Un moment de l'histoire de notre monde, méconnu. Une belle fresque, un phrasé et une fougue de la plume, rendent les anecdotes riches d'émotions. Difficile de terminer le livre, on attend la suite de cette famille au coeurs pleins de bonnes résolutions. Loin d'être dans le pathos, on sourit plus que l'on ne pleure.
A suivre donc …
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Voilà une série en 4 tomes que je voulais lire depuis longtemps...

Almah Kahn et Wilhelm Rosenheck se rencontrent dans les années 30. C'est le coup de foudre et une complicité immédiate les unit. Ils décident de ne plus se quitter et de se marier.
Leurs familles sont aisées. Julius le père d'Almah est un chirurgien renommé, et sa mère Hannah, très fragile psychologiquement, est musicienne. du côté de Wil, Jacob est imprimeur et Esther, une femme douce et discrète qui se consacre à sa famille.
Almah poursuit ses études pour devenir dentiste. Wilhem a délaissé l'imprimerie familiale pour devenir journaliste.
Ils vivent à Vienne, une ville magnifique, d'une grande richesse culturelle dans laquelle les amateurs d'art, de musique, de théâtre trouvent leur bonheur. Ils sortent, fréquentent les milieux intellectuels, les bars où on parle souvent politique. L'ambiance est légère.
Ils ne se doutent pas un instant de ce qui les attend...car nous sommes dans les années 30. le climat se détériore, les violences montent en puissance et cela s'aggrave brutalement après l'Anschluss quand, en 1938, Hitler envahit et annexe l'Autriche...la traque des Juifs a commencé.
Myriam, la soeur de Wilhem qui vient de se marier avec Aaron, décide de s'exiler à New York, mais Wil et Almah ne veulent pas abandonner leurs parents.
Cependant, la situation devient tellement intolérable et violente qu'ils doivent se décider à fuir d'autant plus que les voilà devenus parents d'un petit Frédérick, né en 1936.
Sur les routes de l'exil, de nombreuses péripéties et drames les attendent : ils découvrent arrivés en Suisse, que leur visa pour les Etats-Unis est un faux. Ils vont alors attendre durant des mois avant d'accepter de partir pour la République Dominicaine, afin de participer avec d'autres exilés à la fondation d'une sorte de communauté dans la pure tradition des Kibboutz.
Ils apprendront beaucoup plus tard dans leur vie, que le dictateur, Rafael Trujillo, a donné 100 000 visas aux juifs d'Europe uniquement pour éviter des sanctions diplomatiques consécutives au massacre de 20 000 haïtiens (hommes, femmes et enfants), massacre perpétré par le dictateur entre le 2 et 4 octobre 1937, appelé aussi le massacre du Persil.
Après un passage éprouvant par Ellis Island, où ils espéraient encore pouvoir débarquer à New York, et y rester, Almah et Wil arrivent à Sosúa. Là, ils vont réapprendre à vivre, se sentir à nouveau en sécurité, tout en découvrant la vie de groupe. Car au coeur de cette colonie pas comme les autres, l'amitié, l'entraide, la générosité sont bien là et la vie de famille prend un tout autre tournant dans un environnement quasi paradisiaque. Cependant, si Almah pourra continuer à exercer son métier, Wil devra renoncer au sien.
Mais pour eux, malgré des périodes de doute, le plus important est finalement d'être en vie. Ils vont apprendre à apprécier ce qui leur est offert, et au lieu de se retourner sur leur passé, de penser à tout ce qu'ils ont perdu, et à ceux qu'ils ont laissé là-bas, c'est vers l'avenir qu'ils vont irrémédiablement se tourner...

C'est un premier tome qui ne peut laisser personne indifférent. Tout d'abord tous les événements historiques sont basés sur des faits réels.
Les évènements ayant lieu à Vienne, la montée du nazisme et la persécution des Juifs est un sujet qui me touche beaucoup.
Je ne savais pas grand chose de l'Anschluss avant de lire le récit d'Eric Vuillard "L'ordre du Jour", présenté ICI. Dans ce roman, les évènements sont relatés différemment puisqu'il s'agit d'une fiction, l'auteur se place non pas du côté de l'Histoire et des acteurs comme l'avait fait Eric Vuillard, mais du ressenti des personnes auxquelles le lecteur s'est déjà attaché.
Je ne savais rien du tout par contre de la DORSA, cette organisation qui avait réussi à obtenir des VISAS pour sauver des juifs en leur offrant l'accueil dans d'autres pays comme Cuba ou la République Dominicaine.
C'est grâce à la DORSA que nait la colonie de Sosúa qui a réellement existé. Tous ces juifs exilés, venus de différents pays, nantis pour la plupart, exerçaient tous un métier qu'ils aimaient. Ils ont souffert de se retrouver étiquetés à cause d'une religion que la plupart ne pratiquait pas. Là, ils deviendront charpentiers, agriculteurs ou autres et feront tout pour retrouver une vie normale.
Le roman nous fait entrer dans la psychologie des personnages avec beaucoup de délicatesse. On découvre leurs hésitations, la peur de l'inconnu et la douleur d'abandonner leurs proches, et le mal du pays qui ne les quittera jamais. Cela rend les personnages particulièrement attachants et nous donne envie de poursuivre la lecture de la série pour savoir ce qui va leur arriver, quelle décision ils vont prendre, s'ils vont un jour rentrer chez eux.
Le lecteur s'attache particulièrement au couple formé par Almah et Wil que nous allons suivre dans ce tome pendant 40 ans (1921-1961). L'amour fusionnel qui règne entre ces deux-là est plus fort que tout et sera renforcé par leur éloignement de leur famille et de leur pays. Mais les personnages secondaires ne sont pas en reste et nous allons les suivre aussi avec beaucoup d'attention, tout comme les enfants, Frederick et la petite Ruth, la première née de la communauté quelques mois à peine après leur arrivée en 1940.
Peut-on réellement reconstruire sa vie après avoir vécu tous ces événements, et surtout peut-on retrouver le bonheur ensuite, au point de donner envie aux générations futures de continuer à vivre ?
C'est toute la question de cette excellent série que j'ai lu avec beaucoup d'émotions et que je vous conseille vivement de découvrir si ce n'est pas déjà fait pour vous.
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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Lorsqu'on découvre que ce gros pavé de 600 pages est en fait le premier roman de Catherine Bardon, on est assez surpris. Et admiratif !
En grande partie inspirée de faits réels tirés de l'histoire familiale, cette remarquable saga qui court sur trente ans, des années 30 aux années 60, conduit le lecteur de Vienne à l'île de la Dominique, avec escale à New-York puis séjour à Jérusalem. Documenté, intéressant, plein d'humanisme, de sentiments et d'émotions, ce roman historique nous plonge dans la Vienne d'avant la période de l'Anschluss. Puis avec la montée du nazisme et la persécution des juifs autrichiens dont certains vont émigrer sur l'île de la Dominique où ils seront accueillis dans une colonie/kibboutz on suit le parcours d'une famille qui va tout abandonner et après une longue errance, et de nombreux espoirs déçus, devoir s'installer sur l'île tropicale dirigée par Trujillo, féroce dictateur.

Cette saga pleine de rebondissements et de surprises souffre sans doute de quelques défauts évoqués dans plusieurs chroniques, défaut de style que certains trouvent ampoulé, défaut de posture narrative pas toujours limpide et de tournures un peu désuètes qui m'ont aussi un peu gênée au début. Mais très vite, j'ai trouvé que l'auteure trouvait son souffle. Sa construction en chapitres courts avec le recours au "je" du journal intime de certains protagonistes modifie le point de vue et apporte une profondeur et une intimité plus grande avec les personnages. Cela donne du relief et romp avec le style plus "classique" voire scolaire des chapitres avec narrateur omniscient manquant parfois d'ampleur et de surprise. J'ai apprécié malgré tout cette plume gourmande de détails et de précisions historiques qui gagne en fluidité au fil des chapitres, avec dans la seconde moitié de beaux passages pleins de poésie et de lyrisme.
Et surtout ce roman fait sortir de l'ombre tout un pan de l'histoire de la seconde guerre mondiale, l'hypocrisie des accords d'Evian, la lâcheté des belligérants, le cauchemar des migrants, rejetés de toute part et contraints à accepter des conditions d'accueil indignes à l'autre bout du monde.
Ce roman m'a rappelé « la passagère du Saint Louis », de Armando Lucas Correa, lu il y a quelques années et dont les circonstances tragiques méconnues sont similaires.
Commencer sa carrière d'écrivaine par un ouvrage de cette densité et de cette qualité mérite une mention spéciale.
Conquise par ce premier opus que j'ai dévoré, je m'attaque donc sans tarder à la suite : L'Américaine »
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J'en ai vu des critiques passer sur ce livre. J'en ai vu des posts de Catherine Bardon sur les réseaux sociaux. J'en avais envie de lire ce livre… alors sortie de confinement un p'tit tour à la ma #librairie à Saint-Quentin (02) et je l'ai acheté.
Dans l'Autriche d'avant guerre, à Vienne deux jeunes adultes tombent amoureux, ils se marient et vivent des jours heureux. La montée progressive du nazisme et avec lui de l'antisémitisme leur complique la vie, ainsi qu'à leurs familles respectives. S'ils veulent vivre, ils n'ont pas le choix et comme beaucoup d'autres ils fuient. Aux termes d'une longue errance ils s'installent dans un pays improbable…
Partant de faits réels1 Catherine Bardon nous entraîne à travers l'Europe, les Etats-Unis et la République dominicaine. Alternant le récit par la voix d'Almah et le journal de Wilhelm on partage leurs galères, leurs joies, leurs espoirs. On suit des personnalités disparates qui n'ont pour seul point commun que d'êtres juives. Mais c'est aussi cette appartenance qui leur permettra de s'en sortir. Tout le monde s'entraide, on est solidaire en cas de coup dur, on se réconforte. Et ceux qui n'étaient pas trop versés dans la religion y attache petit à petit une plus grande importance parce que ça permet de rester soudés et de ne pas être mis au ban.
Un roman à caractère historique, basé sur des faits réels ça ne pouvait que me plaire. le récit est bien construit sur une base réelle bien documentée.
Un bémol toutefois, l'écriture manque parfois un peu d'intensité, du coup il y a, à mon goût, des longueurs qui auraient pu être évitées. Ceci ne m'empêchera pas de lire le tome 2 « l'américaine ».


1 http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/republique-dominicaine-terre-d-asile-des-juifs-victimes-du-nazisme-07-07-2011-1699_118.php

Sur le même sujet Louis-Philippe Dalembert Avant que les ombres s'effacent
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Celui-ci commence à Vienne dès 1921, Wilhem est heureux avec sa jeune soeur Myriam.
Peu à peu, Vienne l'idyllique, la merveilleuse, pétrie de culture et d'humanité, va devenir un enfer.
Myriam, jeune mariée, parvient à quitter à temps le vieux continent. Pour Wil, c'est plus compliqué. S'exiler n'est pas une décision facile à prendre, encore moins quand ça implique d'abandonner ses parents. Quand enfin, le jeune couple s'y trouve contraint, les USA ont fermé leurs frontières, et peu de solutions s'offrent à eux.
Si la première partie nous fait revivre les horreurs de l'arrivée du nazisme, la dégringolade de la vie des Juifs dans cette ville qui leur doit tant, jusqu'à la tristement célèbre Nuit de Cristal, la seconde partie, moins classique me semble-t-il, nous entraîne dans une terrible errance de camp en camp, de la Suisse au Portugal en passant par les quelques camps du midi de la France.
Quand pour Wilhem, Almah et leur petit Frederick, il s'avère que New York ne sera qu'un paradis inaccessible, malgré leur famille qui les y attend, ils vont devoir se résoudre à accepter la seule porte de sortie possible : S'installer comme colons en République Dominicaine, dans un pays dont ils ignoraient tout (voire l'existence), pour créer une sorte de brouillon de kibboutz.
Cette aventure ahurissante est en fait un épisode réel, et si comme moi vous n'en aviez jamais entendu parler, c'est une belle découverte que ce roman.
Fallait-il qu'ils soient aux abois pour penser à proposer à des intellectuels, élites de leurs pays, de s'installer dans un pays où la dictature et les troubles politiques sont à peine moindre que là où ils sont partis, pour créer des exploitations agricoles et une ville à partir de rien, alors que la plupart n'ont jamais travaillé de leurs mains.Dans un pays au climat quasiment à l'opposé du leur.
Mais quand on n'a pas le choix, on retrousse les manches ! Quelques rares par idéologie, la plupart par réalisme, vont tout doucement faire leur trou dans ce pays.
Ça, c'est le fond de l'histoire.
Mais ce roman est une merveille par sa façon de nous mettre au plus près de l'intimité des personnages, par ce je ne sais quoi qui fait qu'on n'a plus envie de les quitter, qu'on fait un peu partie de la famille. de l'amour, des amitiés incroyables, une belle analyse sur ce qui dure dans les couples, tout un pan d'Histoire, presque un demi-siècle qui se déroule sous nos yeux. Et une profonde réflexion sur l'exil, être de quelque part, connaître ses racines.
Ça se dévore, mais ça laisse des traces !!

Tout au début, j'ai un peu moins accroché qu'avec le tome suivant qui m'avait entraînée d'emblée.
Un peu trop de descriptions, de vêtements, de lieux, j'aurais sans doute moins accroché si j'avais commencé par celui-ci.
Mais très vite, je me suis laissée emporter avec les personnages dans cette ignoble errance.

Comme dans la suite, j'ai été un peu surprise du passage continu de la narration de la première à la troisième personne, mais c'est toujours Wilhem qu'on suit, même si Almah est probablement le personnage principal et le plus solide de la famille.
Le passage, attendu et redouté, à Ellis Island, m'a évidemment renvoyée à ma lecture récente de Gaëlle Jossele dernier Gardien d'Ellis Island.
C'est aussi, en plus du reste, une très belle ode à Stefan Zweig, qu'il faut que je relise !

Je n'ai évidemment pas lu tout à fait de la même façon que si je ne connaissais pas la suite, mais j'y ai pris certainement autant de plaisir. Lecture avec moins d'urgence de savoir ce qu'ils allaient devenir, je lis en profitant plus de chaque page.

J'ai terminé en larmes, pas tellement sur la fin, dont je me doutais puisque j'ai lu la suite, que sur la merveilleuse façon juive d'aider à faire son deuil, par la semaine de shiv'ah. Quelle belle façon de dire adieu à celui qui nous a quitté, et de revenir vers le monde des vivants. J'en suis encore émue en écrivant.

Lien : https://livresjeunessejangel..
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Ma dix-septième lecture de cette session Rentrée littéraire 2018 des 68 premières Fois, Les Déracinés de Catherine Bardon.

Ce roman historique, véritable pavé, correspond tout à fait à une thématique qui m'est chère : des évènements historiques vues à travers les points de vue individuels, familiaux de personnages anonymes pris dans la tourmente de l'Histoire avec un grand H ; j'aime ce rapport alchimique entre la sphère publique et la sphère intime.
Le volet géopolitique et économique est également très intéressant même s'il ne m'est apparu qu'aux deux tiers du livre lorsque sont mentionnés les noms de grandes entreprises à juste titre très controversées aujourd'hui.
Dans Les Déracinés, tout commence par une belle romance entre deux jeunes gens de milieux différents qui sauront braver les difficultés pour se marier et fonder une famille ; il y est question de rêves et d'idéaux, mais voilà, ils sont issus de familles juives, vivent en Autriche juste avant la deuxième guerre mondiale… Ils partent donc participer à la fondation d'un kibboutz dans les Caraïbes, en République dominicaine. Ce roman est l'histoire de quelques « Juifs déracinés génération après génération, n'ayant pu faire souche dans aucun des pays qu'ils traversaient », l'histoire d'un couple à la recherche d'un endroit où enfin s'enraciner…
Ce roman est une véritable fresque historique et familiale sur pratiquement trois générations, de 1921 à 1961 ; en effet, les parents des héros sont assez présents au début du récit jusqu'au départ de jeune couple et de leur petit garçon vers un ailleurs plein de promesses, dans un interminable voyage vers la liberté. Puis, à la fin, nous laissons leurs petits-enfants écrire l'histoire à venir.

Catherine Bardon a su équilibrer et varier la narration de ce long roman ; les chapitres sont courts, les évènements s'enchainent sans temps morts, à un bon rythme qui alterne péripéties, études psychologiques des personnages et réflexion sur l'Histoire en marche. le lecteur est emporté à la suite des héros dont il veut connaître et accompagner le destin.
L'écriture est d'abord à la première personne et le reste, la plupart du temps ; c'est le jeune chef de famille qui s'exprime et, lorsque le temps traine en longueur, ce sont les carnets qu'il a tenu qui se substituent à son récit, sorte de résumés réduits aux grandes lignes de longues périodes, certes pénibles ou pas forcément inintéressantes, mais sans faits marquants. Pour ce narrateur intra-diégétique, l'écriture est aussi « un moment d'intimité, un bon dérivatif au travail physique éreintant et à la vie en communauté ». Pour le lecteur, c'est un JE à deux voies, à deux niveaux qui s'entrecroisent et se complètent.
Puis, un narrateur omniscient prend brièvement le relais quand le parcours des héros principaux est noyé dans une aventure collective et se confond avec une forme d'errance presque abstraite tant elle est surréaliste ; c'est aussi le cas quand il s'agit de prendre un peu de distance pour montrer la vision du couple, lors de moments particuliers ou privilégiés...
Comme pour tout vrai roman historique, je salue l'important travail de recherche et de documentation menée par l'auteure et la remercie de la richesse des notes de bas de pages, pour la chronologie historique à la fin du volume et pour les sources citées.
Ce livre a une réelle portée didactique ; il s'appuie sur des évènements réels et s'échelonne tout au long de véritables jalons historiques.
Naturellement, l'univers référentiel de Catherine Bardon situe son propos : Kant, Simone Weil, Stephan Zweig sont les auteurs cités en épigraphe des parties du livre que je connais le mieux… Elle évoque aussi, entre autres, Nietzsche, Dante, Schopenhauer, Montaigne ou encore Alfred de Musset... Cependant c'est bien l'ombre de Stephan Zweig qui plane sur le récit, qui l'auréole du début à la fin même au-delà de son suicide en février 1942 car il n'est jamais facile de recommencer sa vie de fond en combles.

J'ai été particulièrement sensible à la thématique des lieux ; dans la première partie, la ville de Vienne est un personnage à part entière, impériale ; plus tard, cette ville et l'Autriche toute entière deviendront un paradis perdu, un symbole nostalgique de l'exil et du déracinement. Ce sont les mots empruntés par Catherine Bardon à Stephan Zweig qui la définisse sans doute le mieux : « à l'instant où le train passait la frontière, je savais comme Loth, le patriarche de la Bible, que derrière moi tout était cendre et poussière, un passé pétrifié en sel amer ».
Puis, c'est un camp de réfugiés à la frontière suisse où l'attente et le désoeuvrement dans des conditions de vie spartiates rythment le quotidien… de même, les bateaux sur lesquels s'effectuent les traversées deviennent des décors de huis-clos où s'exacerbent les espoirs et les désillusions.
Enfin, Sosúa porte en filigrane le choix par défaut d'une communauté juive dans son ensemble mais hétéroclite dans ses individualités. C'est aussi un huis-clos « drolatique avec ses personnages hauts en couleur ». La vocation d'un kibboutz est avant tout agricole et là se retrouvent d'« indécrottables citadins », des professeurs, des médecins, des musiciens, des commerçants… plutôt démunis face à la chaleur, aux insectes, aux travaux manuels et artisanaux et à une vie particulièrement frugale. Les affaires de coeur et de cul y prennent beaucoup d'importance… À Sosúa, se développe « un condensé d'humanité, une université exceptionnelle sur la nature de l'homme, où l'idéal pionnier menace de voler en éclats ». C'est aussi un havre de paix, un « cocon tropical » loin de la guerre qui fait rage en Europe, une sorte de parenthèse avant que la structure évolue vers de nouvelles orientations. Enfin, Sosúa deviendra le lieu de la culpabilité de ceux qui sont partis avant les déportations et les chambres à gaz… Quant à l'Histoire de la république dominicaine, la dictature de Trujillo, son assassinat…, les colons juifs les verront sans se sentir concerné, comme en marge des évènements.
À la fin du roman, le jeune état d'Israël essaie de construire son Histoire en évacuant l'amertume et en faisant la paix avec les souvenirs douloureux notamment à l'occasion du procès d'Eichmann.

Ce premier roman m'a conquise pour toutes les raisons que je viens de développer et peut-être plus encore ; ce fut un plaisir de s'y plonger, de retrouver les personnages très travaillés plusieurs jours d'affilée car c'est une lecture qui prend un peu de temps, d'être surprise par le dénouement, de refermer les pages avec tristesse que ce soit terminé…
La force tranquille de ce premier roman, sa maîtrise, son format… font qu'il est très au-dessus du lot.
Bravo et merci à Catherine Bardon.
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Je l'ai dévoré en deux jours.
Par le biais d'une saga familiale l'auteure narre avec beaucoup d'habileté l'histoire de ces colons juifs accueillis durant la guerre par la République Dominicaine.
C'est un pan de l'histoire très bien documenté et une histoire passionnante. Toutes les critiques déjà parues illustrent parfaitement l'histoire de cette saga.
C'est très bien écrit, le livre se mit très facilement, j'ai hâte de lire la suite...
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Lu en audio. Je viens ajouter ma modeste chronique au nombre impressionnant de critiques positives concernant Les déracinés de Catherine Bardon. Et effectivement j'ai été emballée. C'est un gros pavé de 755 pages et pourtant on le referme à regretter. Aucune longueur. Nous suivons Almah et Wilhelm tout d'abord dans la Vienne des années trente. Dès leur première rencontre c'est le coup de foudre immédiat. Elle, est isssue d'un milieu très privilégié et lui est fils d'imprimeur. Tous les deux sont de confession juive sans être pratiquants. Ils évoluent dans un milieu intellectuel brillant et vivent une vie de rêve. Mais le nazisme monte et avec lui les terribles représailles infligées aux juifs. On est toujours sidéré de voir ce que des hommes sont capables d'imposer à d'autres hommes. Contraints finalement de s'expatrier, Almah et Wilhelm vont échouer en République Dominicaine après un voyage de plusieurs mois éreintant. Et à la force du poignet ils vont réussir à se forger de nouvelles racines dans un pays à des milliers de kilomètres du leur, ou le climat n'est pas toujours agréable, et ou tout est à construire. Grâce à leur amour forcené il déjoueront toutes les embûches, noueront de nouvelles amitiés, parviendront à se construire une vie passionnante. Deux autres tomes suivent cette histoire épique et tumultueuse, et il me tarde de m'y plonger.
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