Des histoires de retour au pays, la littérature en regorge. Mais qui mêlent poésie contemporaine, âpre et minérale, et superstitions paysannes presque incantatoires, j'en ai peu lu jusqu'à présent.
En remontant vers le nord est le récit d'un jeune homme, Sven, qui en supervisant la construction d'un tunnel dans la région que son père a fui alors adolescent, découvre un monde autrement plus exotique que celui qu'il a parcouru pendant les dix dernières années.
Une contrée isolée au fond d'une vallée étroite où on est pêcheur, éleveur ou mineur, un coin où vie et mort se nourrissent de la banalité du quotidien. Une terre sauvage de Scandinavie où des générations se sont succédées avec une permanence jamais altérée et des montagnes jamais franchies.
Fasciné, Sven découvre alors une communauté de clans façonnée par des histoires venues des temps anciens et qui se transmettent même avant la naissance.
Il suffit d'une succession d'évènements malheureux au cours du chantier d'une ampleur inédite dans la région pour que les clans puisent dans ces histoires de famille les explications à donner aux morts. Mortifiés, ils guettent les signes annonçant le malheur, comme pour vérifier leurs superstitions et y trouver du réconfort…
Comme souvent, le retour aux origines est l'occasion pour l'auteur de donner à lire une véritable aventure humaine inédite pour celui qui n'a cessé de repousser sa ligne d'horizon. Car en creusant le flanc de la montagne, imposante et éternelle, Sven déterre également l'histoire de sa famille et toutes les vieilles rancunes qui lui étaient étrangères et retiennent prisonniers les habitants de la vallée. La communauté apparaît si archaïque que l'on se demande continuellement si le tunnel ne projette pas ces habitants dans un avenir trop grand pour leurs épaules.…
Au-delà de la trame fascinante, il y a un trait particulier qui retient l'attention, celui d'un langage qui donne au récit une coloration étrange : une poésie sèche et exigeante qui se heurte au flanc des montagnes, des mots qui s'entrechoquent sous lesquels expirent le souffle d'une violence impénétrable et une émotion toute en repli. Liliane Beauquel c'est un style d'écriture d'une extrême pureté, aussi tranchante que le cristal. Il n'y a rien de rond, généreux ou d'ondoyant dans les phrases même si progressivement l'écriture s'adoucit lorsque Sven se découvre lui-même.
Si j'avais été séduite par le style du premier roman de l'auteure, je dois admettre que le charme s'est rompu. Je ne sais pas exactement pourquoi. L'espoir de retrouver quelque chose de familier. Peut-être. Mais pas seulement.
Le mysticisme de ces paysans nordiques n'a certes rien d'extravagant mais c'est ce qui m'a attiré.
C'est certainement le procédé narratif qui m'a parfois découragée, trop aride dans les premières pages peut-être, invitant à une lecture trop lente sûrement…il me laisse le sentiment de n'avoir rien de commun avec l'écriture féminine et sublimée découverte dans
Avant le silence des forêts.