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EAN : SIE194667_665
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.56/5   26 notes
Résumé :
Posté pour la première fois de sa vie dans un affût de chasse, Etienne Ruiz voit passer en flèche dans le ciel d'automne les vols d'oiseaux migrateurs. C'est une révélation pour ce taxidermiste passionné d'ornithologie qui connaît les oiseaux uniquement par les livres et les dissections auxquelles l'oblige son métier. Il décide de s'installer dans l'Ile Verte et de s'adonner à l'observation de la sauvagine. ? Fille. cousine et commis ambitieux acceptent mal ce subit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Avec Pierre Benoît, j'en suis longtemps resté à l'Atlantide, et peut-être m'en serais-je définitivement contenté. Mais une conversation ici-même, il y a quelques mois, m'a poussé à vouloir creuser un peu cet auteur, que j'avais peut-être un peu facilement catalogué parmi les pompes républicaines d'antan. Quand j'ai déniché L'île verte dans son édition originale de 1932, je n'ai pu résister à la jolie couverture surannée ni au parfum de son papier jauni. Sur le moment, je n'ai lu que les deux premières pages : un canot à moteur qui remonte l'estuaire d'un fleuve immense sous un ciel lourd, longeant une île dont la végétation évoque une mangrove impénétrable ; un narrateur qui s'interroge sur les raisons qui l'ont poussé à venir s'installer là pour une ou deux saisons... J'ai refermé le livre, la tête déjà pleine d'exils équatoriaux, d'Orénoque et d'Amazone, d'Oubangui peut-être. Je me suis refusé à en savoir davantage avant de me plonger dans ma lecture, sentant monter une douce impatience au fil des jours, imaginant déjà celle, parmi toutes les histoires possibles, que l'auteur allait me proposer.
Parfois, on pourrait faire la critique non pas des livres que l'on a lus, mais de ceux que l'on a fantasmés. Cela pourrait même être un jeu littéraire fascinant, sans doute très proche de la fiction. Une foule de gens ont déjà eu cette idée, j'en suis bien certain. De toutes façons je me connais : j'ai toujours eu une propension navrante à inventer l'eau chaude, et pire que cela : à m'en émerveiller. Toujours est-il que je me suis peu à peu convaincu que j'allais découvrir une sorte d'Au coeur des ténèbres français...
Et puis le moment de la lecture est venu... C'est peu dire que le rêve s'est dissipé : patatras, l'estuaire exotique n'est plus que celui de la Gironde, très joli, je n'en doute pas, mais bon. L'île verte n'est là dedans qu'un gros banc de sable qui s'est boisé avec le temps et que l'on a mis en culture. Quant à mon narrateur, aventurier désabusé du bout du monde, c'est Benoît lui-même, tout frais débarqué du train de Paris en gare de Bordeaux. Il vient là chercher le sujet de son prochain roman... Consternation de ma part, je n'ai pas honte de le dire.
Je tente néanmoins de poursuivre ma lecture sans parti pris.
L'histoire raconte comment vers le milieu du XIXème siècle, un naturaliste de Bordeaux se prend de passion pour l'île et ses oiseaux migrateurs, au point de venir s'y installer définitivement en abandonnant une affaire prospère. Cette jolie trame de fond écologiste dans un roman de 1932 éveille l'intérêt, mais ce n'est précisément qu'une trame de fond. Pour le reste, il faut bien avouer qu'on patauge dans le mélodrame bourgeois, à grands coups de complots intimes entre la cousine du naturaliste, sa fille et son associé, afin de mettre la main sur le commerce délaissé par le patron. Sous la plume de Benoît, la passion du naturaliste pour ses oiseaux fait de lui un hurluberlu aux frontières du ridicule. A l'inverse, les trois autres personnages, uniquement préoccupés de leurs petits intérêts matériels, sont manifestement considérés comme gens plus raisonnables.
Ca se lit sans effort, et ce n'est pas ennuyeux, il faut le reconnaître. Mais enfin, avec ces personnages si convenus et des dialogues très statiques comme seuls moteurs de l'action, on se situe quand même dans le drame de boulevard assez empesé. Tout au long de ma lecture, des flashes me revenaient de cette vieille émission : Au théâtre ce soir... Et à la fin, je m'attendais presque à ce que les personnages viennent en coeur nous annoncer que les décors étaient de Roger Harth, et les costumes de Donald Cardwell.
Comme je suis un brave garçon, je lui mets quand même trois étoiles, pour son début mais également pour sa fin, très belle et enfin à la hauteur du sujet. Et puis aussi pour tout ce plaisir que le livre m'a procuré par anticipation. De l'importance des préliminaires, en somme...
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Jean Cocteau dit un jour à Pierre Benoit : « Vous avez le génie de l'imprévu ». Venant de lui, c'était assez cocasse. Mais rien n'était plus vrai : quand on regarde la production littéraire de Pierre Benoit, on est constamment surpris, et le plus surprenant c'est qu'en même temps on ne l'est pas. Pierre Benoit change constamment de pas, de rythme, de musique, il va du fond de sa province aux antipodes de l'Empire colonial, il place ses romans dans l'actualité et dans l'Histoire… mais avec une certaine continuité dans le mouvement qui fait que finalement on est content de ce qu'il nous donne, puisqu' il répond à notre attente.
« L'Ile verte » est sans doute un de ses plus beaux romans. Ce n'est certes pas le plus connu, ni dans les romans « exotiques », ni dans les romans « provinciaux », mais c'est un des plus riches et des plus captivants. En fait il procède des deux genres : c'est un roman « provincial puisqu'il se situe dans l'estuaire de la Gironde (l'île Verte est la plus grande île de l'estuaire) et que les protagonistes (des bourgeois bordelais) affichent les préoccupations et les états d'âme inspirés par le décor qui les entoure. En même temps il n'est pas exagéré de dire qu'il s'agit également d'un roman « exotique » : l'île Verte est un monde à part, un paradis écologique (surtout pour la faune ornithologique), en particulier pour le personnage principal.
Le roman raconte l'histoire d'Etienne Ruiz, un taxidermiste bordelais. A l'occasion d'une partie de chasse à laquelle il est invité, il découvre le paradis ornithologique de l'île Verte, dans l'estuaire de la Gironde. C'est une révélation. Il décide de tout mettre en oeuvre pour faire de ce territoire une réserve ornithologique. Ce projet magnifique n'est pas sans inquiéter sa fille Isabelle, sa cousine Andrée, et son commis Bernard. Ces trois personnages, dont les liens entre eux ne sont pas toujours très clairs, vont intriguer pour essayer de contrer les projets d'Etienne. C'est qu'il risque de ruiner toute la famille ; il a déjà acheté une bonne partie de l'île et entant y bâtir une réserve zoologique. le roman raconte cette opposition entre Etienne, qui s'enferme dans une douce folie, sans rien comprendre en dehors de sa passion pour les oiseaux, et les trois autres, de sens plus rassis, mais qui jouent aussi de leur côté leur carte personnelle.
Mais le personnage principal du roman, c'est bien cette île Verte, qui est l'objet de toutes les attentions et de toutes les haines : Jamais Pierre Benoit n'a été aussi poétique dans ses descriptions, aussi sensible, aussi proche de la nature, de ses couleurs, de ses bruits divers, de ses odeurs. Il nous fait effectuer une plongée magique dans un univers particulier (et on en mesure encore plus le prix aujourd'hui) qui est le royaume de la vie sauvage et naturelle, symbole d'innocence et de liberté. Et les oiseaux en sont bien évidemment les symboles.
La « folie » d'Etienne, on la comprend, même si on comprend aussi les motivations de ses adversaires. le roman pouvait dériver dans plusieurs directions : vers un fantastique (où la nature aurait eu le dernier mot), vers un mélodrame pathétique (en racontant les faits tels qu'ils se sont déroulés), mais l'auteur se contente de raconter le drame avec justesse et sensibilité, mettant en lumière la nature profondément humaine de ses personnages : à la fois forts et faibles, enclins à faire des choses qui les dépassent, et tellement faibles devant l'adversité, et pourtant si avides de bonheur, ce bonheur qu'Etienne, lui, croit avoir trouvé auprès des oiseaux.
Je ne sais pas si Pierre Benoit, qui a fini sa vie au Pays Basque, a eu connaissance ce poème très célèbre (et chanté) en Euskadi : « Hegoak » (« les ailes ») :
Si je lui avais coupé les ailes
Il aurait été à moi
Il ne serait pas parti
Oui mais voilà,
Il n'aurait plus été un oiseau
Oui mais moi,
C'était l'oiseau que j'aimais

Etienne Ruiz aurait pu chanter ce poème, lui qui recherchait une sorte d'absolu, impossible à atteindre sans le dénaturer.

« L'Ile Verte » est un très bon roman. Très loin de « l'Atlantide » ou de « Koenigsmark » mais d'une autre étoffe, plus fluide, plus poétique, et d'une certaine façon, plus humaine.






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L'île verte. 1932. Albin Michel. 40e mille. Collection jaune ..Dédié à Jean Martet, illustre inconnu aujourd'hui, plus que Pierre Benoit, poète, romancier qui fut le secrétaire particulier de Clémenceau, et son ami et confident jusqu'à la mort du Tigre en 1929. Par rapport à Pierre Benoit qui écrit ce livre en 1933, Jean Martet vivra 7 ans de plus pour mourir en 1940 à l'âge de 53 ans. le butin de ses voyages, lit-on, était le thème de ses romans, on peut dire la même chose de Pierre Benoit.. . Mais Pierre Benoit fut nettement culte de l'entre-deux-guerres à l'après-guerre.


"L'île verte. J'en avais entendu parler au hasard de la conversation par un ami, qui avait habité Blaye, dans son enfance, Blaye d'où l'on aperçoit le long ruban de l'île avec ses arbres ondulant au milieu des flots jaunes de la Gironde. "Quel endroit de rêve, avait-il ajouté, pour travailler paisiblement, à l'abri des raseurs ! " Sur le moment, je n'avais guère prêté attention au propos. Puis il m'était revenu en mémoire ; l'idée avait fait son chemin dans ma tête, si bien qu'un jour, ayant appris qu'un autre de mes amis était en excellents termes avec le propriétaire de l'île, je m'étais arrangé pour risquer devant lui une allusion à mon désir de passer là quelques semaines. Fort aimablement, il m'avait proposé de s'entremettre. Plus aimablement encore, l'île avait été offerte à ma libre disposition. Voilà à la suite de quelles circonstances je venais d'y débarquer aujourd'hui. Déposé le matin même à sept heures quatorze gare Saint-Jean par l'express de Paris, j'avais erré sans me presser dans les rues de Bordeaux. Puis, m'étant procuré une automobile, j'avais traversé le Bas-Médoc tout rougeoyant des teintes de l'automne, et gagné le port d'Arcins, par un itinéraire qui ressemblait à un catalogue de sommelier, et quel catalogue ! le canot de l'île était à son poste. J'y étais monté aussitôt avec mes bagages. La traversée du bras gauche du fleuve avait duré une vingtaine de minutes.

Le régisseur habitait une maison d'agréable apparence, située sur une petite esplanade boisée, à quelques mètres de l'embarcadère. C'était au premier étage de cette maison qu'une chambre pourvue d'un confort inespéré m'avait été réservée.

Je ne pris que le temps d'y faire déposer mes valises. J'avais hâte de me familiariser avec les choses de l'île.

Mon hôte m'attendait en bas, sur le seuil de la porte. C'était un homme d'une soixantaine d'années, plein d'affabilité et de modestie.
(...)
La vérité m'oblige à dire qu'il avait lu un de mes livres. Il risqua timidement, à leur sujet, un ou deux éloges, qui me firent bien augurer de son goût et achevèrent de me le rendre tout à fait sympathique.."

Un fragment presque pris au hasard de l'île verte qui est un peu une exception dans l'oeuvre romanesque de Pierre Benoit, classée romans d'aventure. Son thème ici, alors qu'on a l'impression en lisant le passage cité plus haut d'entrer dans une nouvelle aventure, est plus confiné, moins spectaculaire, plus poétique, plus nature, moins épique à travers les âges et l'anecdote historique qu'il nous raconte tellement bien. Mais on voit par cet extrait que même s'il met le curseur sur un itinéraire plus intime, le sens de la narration est toujours fabuleux, classique, écrit avec intelligence et clarté, coulant comme de l'eau de source.. Il nous donne vraiment envie de le suivre et quoi de mieux que le citer pour étayer ce que je veux dire ..
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Quand l'écologie tourne à l'obsession, quand la passion des oiseaux prime sur l'amour des siens et le respect des voisins, le drame arrive avec son cortège de sinistres et débouche hélas sur une tragédie.

Beau roman de Pierre Benoit qui anticipait avec un siècle d'avance les dérives possibles de l'écologie.
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Roman sans doute le plus original dans la longue liste des oeuvres de Pierre Benoit, tout tourne autour des oiseaux et de la Gironde, on pense parfois au fameux film de Hitchcock, surtout à la fin dans une scène fantastique, quoiqu'ils ne soient pas ici des ennemis, mais plutôt l'objet d'une passion terminale. L'auteur mélange habilement ses deux talents, une intrigue à la Balzac ou à la Mauriac, avec des intérêts qui se lient aux sentiments, et qui se dénoue seulement dans les derniers chapitres, d'un côté, et de l'autre, un hymne à la nature, cette nature du sud-ouest français, qui hante une bonne moitié de ses livres.
Choisir comme cadre une île perdue, plate, sans grand attrait, où personne n'a jamais mis les pieds, dans les eaux mêlées de la Garonne et de la Dordogne, en face de Blaye et proche de Bordeaux, il fallait y penser, en avoir le culot. On est totalement dépaysé, et envoûté d'un bout à l'autre du livre...
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Vidéo de Pierre Benoit
Pierre Benoit, un auteur majeur à redecouvrir .Voir l'émission : http://www.web-tv-culture.com/pierre-benoit-un-auteur-majeur-a-redecouvrir-375.htmlDe 1918 à 1962, il fut un auteur incontournable et a vendu des millions de livres dans le monde entier. Mais qui se souvient de Pierre Benoît ?50 ans après sa mort, dans sa maison des Landes, redécouvrez l?auteur de «L?Atlantide » et « Koenigsmark ».
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