Deux soeurs, Emma et Sophie, promènent leur petit frère, Odilon, aux abords de la forêt. Elles s'éloignent de lui quelques minutes pour se rendre à l'étang tout proche. A leur retour, la poussette est vide !
En voilà un point de départ plutôt angoissant, surtout quand on a été marquée comme moi par les disparitions d'enfants qui ont secoué la Belgique dans les années 90. Habiter à quelques pas du lieu où a été kidnappée Elizabeth Brichet, ça laisse des traces...
Ce n'est donc pas sans appréhension que je me suis lancée dans cette lecture qui, au final, s'est avérée moins anxiogène que prévu.
L'auteure centre son récit sur la survie des deux soeurs, Sophie, la cadette, et surtout, Emma, l'aînée, la narratrice. Même si leur entourage proche ne leur adresse aucun reproche, elles se sentent coupables. Si elles ne s'étaient pas éloignées, si elles avaient pris plus attention à cette voiture rouge au comportement bizarre, si elles n'étaient tout simplement pas sorties... Avec des si, leur petit frère serait là. Mais on ne peut revenir en arrière. Ce n'est que des années plus tard qu'elles pourront relativiser :
"(...) la plus grosse faute avait été commise par ceux qui nous avaient pris Odilon. Eux avaient commis un crime ; nous, nous n'avions commis qu'une négligence."
Mais pour l'heure, elles doivent tenter de faire face, chacune à leur manière. Pour oublier, la cadette se réfugie dans la nourriture. L'aînée, quant à elle, souffre de troubles du sommeil et tombe endormie à tout bout de champ. Si l'une se force à oublier, l'autre veut se souvenir, garder à tout prix un lien psychique avec Odilon. Dès le départ, elle s'investit d'une mission : retrouver leur petit frère et le ramener dans son foyer.
On les suit ainsi durant plusieurs années, l'angoisse chevillée au coeur. S'y enchaînent des moments sous haute tension. C'est notamment le cas lorsque Sophie craque et finit par raconter aux gendarmes ce qu'ils veulent entendre. (Un passage qui m'a fait penser à l'excellent A la brocante du coeur de
Michel Cormier.) Ou lorsque Emma doit subir les suspicions et propos calomnieux de sa meilleure amie. Ou encore lorsqu'on sent poindre entre les lignes toute la détresse des parents...
Heureusement, pour contrebalancer, il y a des moments d'espoir : les chansons qu'écrit Emma - des mots pour dire les maux -, son amour de la littérature, sa rencontre amoureuse avec Florian, l'aide qu'il lui apporte dans la concrétisation de son projet...
En bref, ce récit psychologique vous tient en haleine du début à la fin. Avec beaucoup de talent, l'auteure nous rappelle cet adage : "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé !" Derrière la trame dramatique de son histoire, elle pose aussi cette question de foi : rêver à l'impossible peut-il rendre l'impossible possible ? On aimerait y croire...