Ariel
Traduction :
Jacques Finné
ISBN : 9782842194161
Qui dit
Lawrence Block, dit romans policiers. Il est, entre autres, le créateur du célèbre Bernie Rhodenbarr, à qui il arrive tant d'aventures mémorables alors que, tout simplement, il ne voulait que cambrioler en paix . Mais Block est le "père" de bien d'autres personnages, il a même fait dans le roman d'espionnage et dans le roman multigenres - précisons qu'il a utilisé un ou deux pseudonymes différents pour ce faire. Je n'ai donc pas été très étonnée d'apprendre qu'il s'était risqué jusque dans le fantastique avec "
Ariel", ce roman dont je vais vous parler aujourd'hui et qui, question ambiance, je préfère l'indiquer dès maintenant, tient plus de
Shirley Jackson que de
Stephen King.
Agée de douze ans au début du livre,
Ariel est une fillette adoptée par un couple sans enfants, David et Roberta Jardell, à l'instigation surtout de cette dernière. Tout se passe bien jusqu'au jour où Roberta se retrouve enceinte. Elle commence alors à se détacher d'
Ariel et, à la naissance du petit Caleb, elle n'hésite pas, en se réveillant de l'anesthésie, à demander à son mari de les "débarrasser" de la fillette. Ce que David prend pour du délire tout d'abord parce que c'est un brave homme et ensuite parce que, pour sa part, il s'est réellement attaché à l'enfant adoptée.
A nouvel enfant, nouvelle maison. Roberta pousse son mari à investir dans une antique maison du vieux Charleston, en Caroline du Sud, une maison où fonctionne encore le fourneau à gaz en cuivre d'origine - une superbe pièce d'antiquaire, soit-dit en passant. Pour commencer, la maison plaît à tout le monde mais, très vite, Roberta commence à s'y sentir mal à l'aise alors que son mari, sa fille et même son petit bébé n'ont, visiblement, aucun problème pour y vivre.
Et puis, trois nuits de suite, Roberta aperçoit, dans le coin de sa chambre, une apparition vague, celle d'une femme enveloppée d'un châle. La troisième nuit, elle croit voir aussi un enfant dans les bras du spectre. Or, le lendemain, quand vient pour elle l'heure de réveiller son bébé, celui-ci est mort, victime, semble-t-il, de ce que l'on nomme le Syndrome de la Mort Subite du Nourrisson ...
A partir de là, la paranoïa de Roberta s'accentue dans les grandes largeurs. Elle suspecte son mari et
Ariel d'avoir tué le petit tout en admettant, d'un autre côté, que David en eût été incapable et qu'
Ariel vouait une affection réelle à son petit frère. Et puis, des incidents sans grande importance se succèdent dans la maison : les veilleuses du réchaud qui s'éteignent dans la cuisine alors qu'elles ne le devraient pas, les lames du vieux parquet qui grincent sous les pas de chacun sauf pour
Ariel, la découverte au grenier, par
Ariel et un camarade de classe, du portrait d'une femme qui date du siècle précédent et qui ressemble curieusement à celle qui l'a découverte ...
L'habileté de Block est de passer d'un personnage à l'autre. Si nous avons droit au délire - parfois justifié - de Roberta, nous lisons aussi le journal intime d'
Ariel, dans lequel elle raconte ses rêves bizarres et confesse sa peur d'avoir tué Caleb mais de ne pas s'en souvenir. Nous entrons aussi dans la tête de David, le mari complètement dépassé qui ne souhaite qu'une seule chose : que la situation redevienne comme avant le décès de son fils. Et il ne faudrait pas oublier l'amant, Jeff Channing, avec qui Roberta a renoué et qui était plus que probablement le véritable père de Caleb ...
Tout est naturel, tout peut s'expliquer de manière logique ... Mais la réciproque est aussi vraie.
Ariel peut n'être qu'une adolescente perturbée par l'âge et que la découverte du désamour et même de la haine que lui porte désormais celle qui a tout fait pourtant pour l'adopter, déstabilise encore plus mais ne pousse en rien au crime. Elle peut aussi se retrouver en quelque sorte "possédée" par l'esprit de la femme au portrait - oui, il y a bien eu un quadruple infanticide et un suicide dans la vieille maison , mais là encore au siècle précédent et les agents immobiliers ne s'en vantaient pas - et avoir accompli, contre sa volonté, des actes dont elle ne se souvient pas. Seulement, en certaines occasions, le lecteur a nettement l'impression que c'est plutôt Roberta qui agit comme une "possédée." A moins que tout ne vienne d'
Ariel, mais dans l'optique d'une histoire de réincarnation et que, à certains moments, elle soit pleinement consciente de ses actes ou des actes de celle qui s'est réincarnée en elle ...
Un roman lent, et même très lent, à lire avec patience et sans chercher ni gore, ni étrangeté flagrante, en traquant simplement les plus infimes détails. En sortira-t-on convaincu ou pas par l'une ou l'autre explication ? Personnellement, je ne sais toujours pas mais je penche vers quelque chose de fantastique et de fondamentalement inexplicable, peut-être parce que mes origines celtes m'y poussent. Lisez donc un peu "
Ariel" de votre propre côté et voyez si vous partagez mon avis ou pas : nous serons heureux de vous lire. ;o)