Les poètes habitent et ont habité les lieux solitaires, parce que ce n'est point dans les forums aux plaisirs, ni dans les palais, ni dans les théâtres, ni dans les capitoles ou sur les places, et encore moins à ceux qui fréquentent les lieux publics -qu'ils soient mêmes aux attroupements tapageurs de leurs concitoyens ou bien entourés d'un cercle de donzelles- qu'il est donné de méditer sur des questions sublimes...Là, des hêtres qui se dressent dans le ciel et tous les autres arbres qui allongent de leur feuillage les ombres naissantes; là, un sol recouvert d'herbes verdoyantes et diapré de fleurs aux mille couleurs, des sources limpides et des ruisselets d'argent qui jaillissent, dans un murmure charmant, de l'abondance des montagnes; là, oiseaux au plumage coloré et branchages qui donnent écho à leur ramage et au flux d'une douce brise; là, folâtreries d'insectes; là, petit et gros détail, là, maison du berger ou bien cassine, que ne trouble aucune affaire domestique, et toutes choses pleines de tranquillité et de silence. Ce spectacle ne captive pas seulement l'âme en repaissant l'oeil et l'oreille de ses merveilles, mais c'est sous son empire qu'à l'évidence l'esprit trouve le recueillement et que le génie, s'il lui arrive d'être las, recouvre son énergie et est poussé rudement vers le désir de méditer sur des questions sublimes et vers l'impatience de les mettre en oeuvre. ce spectacle est encouragé par le paisible commerce des livres, merveilleusement persuasif, et par les choeurs harmonieux des Muses qui mènent la dans alentour. Tout bien considéré, quel homme d'études ne préférerait pas les lieux solitaires aux villes ?
Là, des hêtres qui se dressent dans le ciel et tous les autres arbres qui allongent de leur Dürer 004.JPGfeuillae les ombres naissantes ; là, un sol recouvert d’herbes verdoyantes et diapré de fleurs aux milles couleurs, des sources limpides et des ruisselets d’argent qui jaillissent, dans un murmure charmant, de l’abondance des montagnes ; là, oiseaux au plumage coloré et branchages qui donnent écho à leur ramage et au flux d’une douce brise ; là, folâtreries d’insectes ; là, petit et gros bétail, là, maison du berger ou bien cassine, qui ne trouble aucune affaire domestique, et toutes choses pleines de tranquillité et de silence.
Ce spectacle ne captive pas seulement l’âme en repaissant l’oeil et l’oreille de ses merveilles, mais c’est sous son empire qu’à l’évidence l’esprit trouve le recueillement et que le génie, s’il lui arrive d’être las, recouvre son énergie et est poussé rudement vers le désir de méditer sur des questions sublimes et vers l’impatience de les mettre en oeuvre.
es poètes habitent et ont habité les lieux solitaires, parce que ce n’est point dans les forums aux plaisirs, ni dans les palais, ni dans les théâtres, ni dans les capitoles ou sur les places, et encore moins à ceux qui fréquentent les lieux publics — qu’ils soient mêlés aux attroupements tapageurs de leurs concitoyens ou bien entourés d’un cercle de donzelles — qu’il est donné de méditer sur des questions sublimes...
Ce spectacle est encourager par le paisible commerce des livres, merveilleusement persuasif et par les choeurs harmonieux des Muses qui mènent la danse alentour.
BOCCACE – Les Contes du Décaméron et l’Italie du XIVe siècle (BNF, 2002)
Une conférence d’Isabelle Heullant-Donat, agrémentée des lectures de Macha Méril, donnée le 9 décembre 2002 dans le cadre des Lundis de l’Arsenal de la Bibiothèque nationale de France. L’intervention fut diffusée, dans une version réalisée par Malika Mezghach, sur France Culture, en février 2003.