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Colette Lazam (Traducteur)Marc Fumaroli (Préfacier, etc.)
EAN : 9782869305120
219 pages
Payot et Rivages (02/11/1991)
3.91/5   55 notes
Résumé :
Boèce écrivit ce texte dans une prison romaine peu avant d’y être exécuté. Véritable dialogue avec la sagesse divine, ce texte a imprégné toute la pensée occidentale pendant un millénaire, de Dante à Pétrarque, de Boccace à Saint-Thomas d’Aquin ... Cette œuvre a été la plus lue pendant le moyen-âge après la Bible et la Règle de Saint-Benoît.
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Sur le point d'être supplicié, Boèce, conseiller du Prince au VI siècle après JC à la cour romaine du roi ostrogoth Théodoric, nous livre ce recueil de pensées puissantes et subtiles entre quelques séances de torture et avant son exécution. Dans un style proche de celui de Platon, il égrène les propositions et vérités dans une maïeutique renouvelée où Boèce échange dans sa cellule différentes questions philosophiques avec Dame Philosophie. A ces dialogues viennent parfois s'adjoindre quelques poèmes résumant le propos avec des éléments mythologiques. Pour ma part, j'ai apprécié la subtilité du propos mais surtout l'élégance à savoir rendre l'esthétique stylistique des oeuvres de Platon. Comme les arguments se justifient successivement à partir de quelques postulats initiaux, une première lecture esquisse une idée d'ensemble dont les détails doivent être savourés à tête reposée une fois le livre posé. La beauté et la puissance de ce texte reposent également sans conteste dans le contexte de sa rédaction : rappelons-nous que la roche Tarpéienne est poche du Capitole ! Je ne vais pas le ranger bien loin pour pouvoir en relire des extraits très prochainement.
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Nous sommes tous actuellement dans la situation de Boèce, contemporain de la chute de l'Empire Romain d'Occident, à la charnière d'un monde nouveau - un nouveau Moyen Age ? : Prisonniers, torturés, inconsolables orphelins émigrés de nous-mêmes, nous avons la foi têtue et l'héroïsme modeste des maïeutiques qui accouchent de ce que la vie a d'insignifiant, d'indispensable et de vulnérable à la fois : Perpétuer la Vie. Vivre ! Survivre ! Être la vie. Se saisir du monde et en jouir, librement. Se dépouiller, se gonfler, s'épuiser de vie et arriver nu jusqu'à Dieu. Se présenter devant l'extrémité de soi les mains vides, volontairement pauvre, mais l'âme plongée dans un ravissement de joie. Loi ultime de Parménide : le temps est une forme vide. Sous sa forme poétique, Baudelaire écrira : « le Temps mange la Vie ». Pour Héraclite d'Éphèse (v. 540-v. 480 av. J.-C.), tout est à la fois le même et différent : le fleuve n'est pas le même parce que l'eau se renouvelle sans cesse. La réalité est faite de ce devenir perpétuel sans lequel tout se disloquerait et retournerait au néant. le temps est comme « un enfant qui joue à pousser des pions », qui avance et recule tour à tour. L'homme ne voit qu'un aspect des choses sans saisir l'harmonie du tout, qui naît du mouvement, de la discorde et du conflit. Il voit identité là où il y a processus et métamorphose. La guerre (πόλεμος) est ainsi le principe de toutes choses, ce qui fait être et qui maintient dans l'être. C'est ce qui conduira Hegel à affirmer qu'il n'y a pas une formule d'Héraclite qu'il ne reprenne à son compte. Γνῶθι σεαυτόν – Nosce te ipsum : Gravée sur le fronton du temple de Delphes, cette injonction n'incite pas à l'acceptation de ses limites, mais à la reconnaissance de ce qu'il y a de divin en soi. Il nous faut coïncider avec ce qu'il y a de meilleur en nous, à savoir notre âme ou notre raison, qui seule doit gouverner nos actes. C'est d'elle que l'homme détient son caractère divin, auquel il lui appartient de s'assimiler par la vertu d'une ascèse, comme le soulignera Plotin, un élève tardif de Platon, lui-même élève de Socrate : « Telle est la vie des dieux et des hommes divins et bienheureux ; s'affranchir des choses d'ici-bas, s'y déplaire, fuir seul vers le Seul » (Ennéades, VI, 9, 11). Et ce n'est qu'à la condition de se gouverner soi-même que l'on peut prétendre gouverner la cité…
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Curieux petit livre à cheval sur deux mondes car à cheval sur deux époques : la pensée antique des Grecs et des Romains et la pensée qui deviendra la pensée de l'Occident, la théologie chrétienne ; écrite en 525, cette consolation s'inscrit également dans un temps qui marque la charnière entre la fin de l'Antiquité (Le Germain Théodoric est au pouvoir à Rome) et ce que les Européens appelleront, des siècles plus tard, le Moyen-âge. le procédé littéraire est éternel : l'auteur fait parler un homme qui fut grand et célèbre mais qui est condamné à mort. Ce qui incite, naturellement, à toutes les confessions et à tous les examens de conscience. de Platon avec le procès de Socrate, bien-sûr, de Sénèque et ses Lettres à Lucilius, à Georges Bernanos - dans Dialogues des Carmélites - en passant par Victor Hugo avec le Dernier jour d'un condamné, le procédé narratif est une réflexion bien davantage théologique que philosophique. Dans la forme, Boèce innove doublement :
• il s'agit d'un dialogue entre le condamné et une femme - qui n'est autre que Philosophia - ce qui permettra d'aborder avec deux angles différents toutes les questions qui se posent lorsqu'on est à deux doigts de mourir
• il s'agit aussi d'une alternance de prose et de poèmes ce qui contribue à rendre le récit plus vivant et plus intéressant. Certains poèmes sont beaux.
J'ai aimé l'alternance de texte et de poésie ainsi que les références nombreuses aux Anciens.

Mais globalement, l'argumentation de Philosophia et celle du condamné est construite selon une théologie profondément ancrée dans les impératifs d'une foi non discutable. C'est avant tout un cours de théologie. La question du mal, abordée dans le livre IV, par exemple, est à dormir debout. le livre V est encore pire ! La pensée de Boèce, encore imprégnée de la Grèce, a déjà irrémédiablement basculé du côté de Augustin et de Thomas d'Aquin. On y ressent la présence de l'intolérance d'un Tertullien ou d'un Origène. On est loin, très loin des stoïciens ou de Platon, d'un Longin ou d'un Sénèque et encore plus loin du siècle du Lumières et de sa magnifique invocation de la raison et du libre arbitre. Dommage.
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J'avais depuis longtemps ce livre sur ma pile "philo". Je ne pensais pas que c'était un ouvrage aussi important dans l'histoire de la philosophie occidentale.
Aussi du point de vue de la modalité (un dialogue entre Boece et la philosophie), du style (direct et précis) que des contenus abordés ( le libre-arbitre, le destin, la providence, le bien, le mal, la connaissance, la vertu, ...) ce petit ouvrage en 150 pages traduit du latin est un monument de la pensée que je ne regrette pas d'avoir découvert. Il faudra que j'y revienne un jour pour goûter de nouveau cette pensée subtile et puissante.
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Accusé par le roi Théodoric le Grand – qui régna de 493 à 526 – de trahison, Boèce attend en prison sa future exécution. Pleurant et clamant son innocence, il écrit des vers en compagnie de quatre Muses. Une femme fait alors son apparition dans la cellule de Boèce, divinité personnifiant la Philosophie, venue pour aider ce malheureux qui lui a toujours été fidèle. Elle commence alors son discours à propos du bonheur suprême, de la Fortune qui semble disparaître de la vie de Boèce, de l'amour de Dieu pour tous ces enfants, en expliquant à son disciple que les biens matériels dont ce dernier pleure l'absence n'étaient finalement pas ce qui le rendait heureux.

Car les êtres humains s'attachent davantage aux manières de parvenir à ce bonheur – grâce aux richesses, au pouvoir, à la respectabilité, aux plaisirs – qu'au bonheur lui-même que tous tendent à obtenir. Les hommes s'habillent de chaînes les entravant autour de biens qui ne peuvent les satisfaire seuls. Tout un discours autour du bien et du mal, des fonctions de Dieu du Terre et du bonheur suprême se met en place, Philosophie argumentant chacune de ses idées afin d'ouvrir encore davantage l'esprit de Boèce sur ses propres qualités et libertés, même en étant près de la mort. Car la vie n'est qu'un commencement et laisse place ensuite à une existence plus noble.

Étant l'une des dernières grandes oeuvres de l'Antiquité, La Consolation de Philosophie a été l'une des plus influentes au Moyen-Âge, notamment pour son discours religieux interprété comme chrétien. Certains idées peuvent alors prêter à sourire pour quelqu'un de non croyant avec cette idée que le bien gagne toujours face au mal car finalement, ce dernier n'existe finalement pas aux yeux de Dieu, seul les hommes peuvent y prendre goût et connaître par la suite des conséquences. Cependant, ce texte majeur est argumenté avec soin, étant même parfois un peu trop répétitif dans ses idées afin daller réellement au bout des choses, inspirant et tourné vers la raison et la compréhension du monde et de l'homme, et non vers le jugement et l'expiation.

Philosophie démontre à Boèce la fortune que ce dernier possède toujours, même exilé et condamné, qui passe par les valeurs essentielles de la vie : la famille, les amis, la bonté, le don de soi. Particulièrement instructif et non pompeux, il est assez accessible, mon édition chez le Livre de Poche ajoutant des notes en bas de page lorsque Boèce fait des références mythologiques et antiques. J'ai été vraiment agréablement surprise par ce texte riche, un peu de philosophie de temps ça autre, ça ne fait pas de mal !
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Qu'est-ce que donc, pauvre homme, qui t'a plongé dans l'abattement et la détresse ? C'est quelque chose de singulier, je crois, et d'inhabituel que tu as vu.

Toi, tu penses que la fortune a changé à ton égard : tu te trompes ! Tel est toujours son caractère, telle est sa nature. Elle a maintenu à ton égard la constance qui lui est propre dans sa versatilité même ; telle elle était quand elle t'enjôlait, quand elle t'abusait par les attraits d'un faux bonheur.

Tu as surpris le double visage d'une puissance divine aveugle. Elle qui jusqu'à présent se voile aux autres s'est fait vraiment connaître à toi tout entière. Si tu l'approuves, sers-toi de ses habitudes et ne te plains pas. Si tu as en horreur sa perfidie, méprise et rejette ses jeux pernicieux, car elle qui est maintenant pour toi la cause d'un si grand abattement aurait dû être celle de la tranquillité.

En fait, elle t'a abandonné, elle dont personne ne pourra jamais être sûr qu'elle ne l'abandonnera pas.

A moins que tu estimes précieux un bonheur qui s'en ira et que la fortune te soit chère alors que sa présence ne t'assure pas qu'elle restera, et qu'elle t'apportera de l'abattement quand elle sera partie ?

Mais si on ne peut la retenir à sa guise et qu'elle cause des désastres dans sa fuite, qu'est-elle d'autre qu'un certain indice d'un désastre à venir ? En effet, il ne saurait suffire de porter ses regards sur ce qui est situé sous les yeux : la prévoyance évalue l'issue de toute situation et ses retournement dans l'un et l'autre sens font que les menaces de la fortune ne sont pas à redouter ni ses séductions à souhaiter.

Enfin, il faut que tu endures d'une âme égale tout ce qui se produit dans le champ de la fortune quand tu auras une fois pour toutes soumis ton cou à son joug. Mais si, pour qu'elle reste ou qu'elle parte, tu voulais dicter ta loi à celle que tu t'es de toi-même choisie comme maîtresse, n'aurais-tu pas tort et n'aggraverais-tu pas par ton impatience un sort que tu ne peux changer ?

Si tu livrais tes voiles aux vents, tu serais entraîné non où tes vœux te portent, mais où les souffles te poussent ; si tu confiais tes semences aux champs, tu compenserais entre elles les années fertiles et stériles. Tu t'es donné à la fortune pour qu'elle te dirige : il faut se conformer au caractère de ta maîtresse. Or toi, tu tentes d'arrêter l'élan de la roue qui tourne ? mais, mortel des plus stupides, si elle en vient à s'arrêter, elle cesse d'être la fortune. (livre II, chapitre 2, pp. 87-89)
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Ces rois orgueilleux que tu vois assis au faîte de leur trône,
Brillants de l’éclat de la pourpre, cernés de tristes armes,
L’œil torve et menaçant, le cœur haletant de rage,
Si on ôtait à leur superbe ses oripeaux de vanité,
On verrait au-dedans d’eux ces seigneurs parler d’étroites chaînes ;
Là, en effet, la passion agite leur cœur dans les poisons de la convoitise,
Là, la colère flagelle leur esprit et soulève un tumulte de troubles,
L’affliction épuise ces captifs ou l’espoir incertain les tourmente.
Donc, bien que tu voies une seule personne supporter tant de tyrans,
Elle ne fait pas ce qu’elle souhaite, accablée par d’injustes maîtres.
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Heureux les hommes du temps jadis !
Ils se contentaient d'une terre fidèle,
Ne perdaient pas leur âme dans un luxe inutile
Et tardaient à calmer leur appétit
De glands dont la Nature était prodigue.
Ils ne savaient pas mélanger les présents
De Bacchus avec le miel limpide
Ni imprégner les tissus chatoyants
De l'Inde, de colorant Tyrien.
L'herbe offrait le sommeil réparateur,
Les eaux glissantes fournissaient le breuvage
Et l'immense pin, l'ombrage.
Ils ne fendaient pas encore les flots profonds
Et sans traquer partout les marchandises,
Abordaient en étrangers des côtes inexplorées.
En ce temps, la trompette guerrière se taisait,
Nulle haine tenace ne répandait
Le sang dans les campagnes.
Nul ennemi n'avait la folie
De provoquer les combats,
Promesses de cruelles blessures
Sans récompense pour le sang versé.
Ah ! Si seulement notre âge
Retournait à ses premiers usages !
Mais non ! plus dévastateur que l'Etna,
Brûle le dévorant désir de posséder !
Maudit soit le premier
Qui déterra des trésors cachés
Et des pierres qui désiraient rester
Dissimulées - coûteux dangers !
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N’espère ni ne redoute rien :
Tu auras désarmé le courroux déchainé ;
Mais quiconque tremble, a peur ou forme des vœux,
Puisqu’il n’est point ferme et indépendant,
A jeté son bouclier, fui son poste
Et se rive à une chaîne assez forte pour l’entraîner.
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Même si le riche, emporté dans un tourbillon d'or,
amasse avidement des richesses qui jamais ne le combleront,
charge son cou de perles de la mer Rouge
et fend ses champs fertiles avec une centaine de bœufs,
jamais ne le quitte le souci mordant tant qu'il vit
et, une fois défunt, les richesses, volages, ne l'accompagnent point.
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Videos de Boèce (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Boèce
BOÈCE – Une Vie, une Œuvre : Une âme dénouée du monde (France Culture, 1991) L'émission "Une Vie, une Œuvre", sous-titrée 'Une âme dénouée du monde", consacrée à Boèce, est diffusée, le 11 juillet 1991, sur France Culture, et réalisée par Françoise Estèbe et Isabelle Yhuel. Invités : Marc Fumaroli, Philippe Hoffman, Colette Lazam, André Miquel et Michel Onfray.
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