Contrairement aux apparences, le recueil de
satires publié par
Boileau en 1666 ne marque pas un renouveau du genre, mais plutôt son déclin, voire sa mort. Cette forme littéraire, réinventée par les humanistes de la Renaissance, à travers les éditions des grands poètes romains et les traités de poétique, a connu son apogée sous Henri IV et Marie de Médicis, avec des poètes comme
Mathurin Régnier ou
Thomas Sonnet de Courval. Mais à partir du procès de Théophile de Viau, qui commence en 1623, elle sent le soufre. La production satirique connaît un coup d'arrêt. Elle s'éteint progressivement, jusqu'à ce que le mot satire devienne chez les philosophes des Lumières et notamment chez
Voltaire un terme injurieux, synonyme de diffamation, d'outrage, d'agression ad hominem.
Dans cette évolution,
Boileau occupe une place paradoxale. Il apparaît comme le satirique français par excellence au côté de
Mathurin Régnier. Mais chacune de ses
satires est considérée comme « un Écrit scandaleux ».
D'abord regardé d'un mauvais oeil, le jeune poète finit par être protégé par le roi, qui en 1677 le nomme avec
Jean Racine historiographe. On l'invite cependant à se montrer moins ouvertement satirique. C'est pourquoi il édulcore sa Muse en colère et se met à écrire des Épîtres et un
Art poétique, qui ne sont en fait rien d'autre que des
satires déguisées. Il continue en outre à écrire de vraies
satires qui grossissent le recueil de 1666.