Le secret du mal

Comme il est dit en introduction, on peut faire la comparaison avec des textes de Kafka - inachevés ou pas - mais toujours marqués par un travail d'écriture, un style protéiforme mais aiguisé et une inventivité de tous les instants où la littérature se fait transcendance, vigilance, irrévérence et résistance à la réalité de tous les jours - dont Bolaño a pu faire l'expérience autrement qu'à l'abri d'un statut confortable d'écrivain vendeur. Je pointe également "le fils du Colonel" - remarquable pitch d'un film de zombis, dont on se demande s'il l'invente ou s'il l'a vu, mais on s'y croirait. Quelle intelligence ! À faire lire dans les écoles ! L'irrévérence pince sans rire et le souci de l'observation détaillée en réalité augmentée par l'imagination sont également délicieuses dans le travail d'écriture sur la photo de Ph. Sollers, en compagnie d'un groupe d'amis. Sans parler des doctes explications des moeurs argentines sodomites par V. S. Naipaul, prix Nobel, que RB brocarde allègrement.
Bolaño, un grand écrivain à découvrir absolument si ce n'est déjà fait et à lire à fond.

Esquisses, tâtonnements, nouvelles, ce recueil rassemble dix-neuf textes parmi la cinquantaine de fichiers retrouvés dans l'ordinateur de Roberto Bolaño après sa mort.

Avec l'expérience de l'écriture Bolaño, le lecteur pourra se faire sa propre idée du degré d'inachèvement – ou pas – de ces textes. La nouvelle éponyme, «Le secret du mal», donne elle-même une leçon d'inachèvement.

A retenir notamment - «Le fils du colonel», récit d'un film de zombis de type série B, très inattendu, drôle et cohérent malgré l'histoire totalement abracadabrante, «La plage» où un junkie en rémission est captivé par un couple de vieux sur la plage, une projection sur la serviette, et «La chambre d'à côté», les conversations entendues à travers les murs étant un thème assez fréquent de Bolaño.

PS. La note assez basse reflète uniquement le degré d'inachèvement de certains textes, et n'est certainement pas une évaluation de l'écriture de Bolaño – l'idée d'une note étant de toutes façons assez déplaisante, et en particulier avec cette lecture pendant laquelle on se sent parfois comme un voyeur.