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EAN : 9782290401002
352 pages
J'ai lu (27/03/2024)
3.74/5   101 notes
Résumé :

Au sud de Paris, aux confins de la Beauce et de l'Orléanais, Jumainville est un petit village comme tant d'autres, mais qui, naturellement, ne ressemble, à aucun autre.

Nous sommes en 1944, à la veille du débarquement allié, Jumainville n'a pas connu la guerre, et s'est accommodé de l'Occupation. On s'arme du rire et c'est à grande bourrades dans les côtes que les Jumainvillois mènent le combat contre les Teutons.

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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Un village français, au mois de mai et dans les premiers jours de juin 1944. Une petite garnison allemande est installée dans le château qui domine la commune, sous les ordres du lieutenant Bachmann qui aime la tranquillité de l'endroit, la musique de Wagner et les tulipes, et ne songe pas à faire de zèle.
Mais dans le bourg, après quatre ans d'occupation, de restrictions, de rationnement, de réquisitions, et avec la perspective de plus en plus proche du débarquement, les désaccords politiques et les humeurs s'exaspèrent.

Des personnages hauts en couleurs, de la plus sombre à la plus lumineuse. Et terriblement, charnellement réels, sous la plume inventive de Bory qui goûte à tous les registres d'écriture : truculente, gourmande, ironique, poétique aussi, qui régale ! Un peu cousine de celle de Marcel Aymé dans Uranus, si je me souviens bien.

Tous les personnages retiennent l'attention, mais celui de la Germaine emporte tout sur son passage. « Cuisse-hospitalière » et douce, mais tête et coeur résolument hostiles aux occupants et à leurs collaborateurs, franc-parler et gouaille intarissables, tentée par le mariage avec un gros fermier du village, pourtant sale bonhomme, opportuniste et pleutre, mais qui lui donnerait un statut social enviable, c'est elle, l'homme de Jumainville, déterminée et éruptive.

Le roman, qui débute comme une pochade d'une ironie féroce, progresse, presque de façon inopinée, vers le drame. Il y aura des arrestations, des morts violentes, mais constatées, racontées avec une sorte de fatalisme. Qui sème le vent... Et puis la montée en puissance du texte se confirme dans les cent dernières pages et le livre devient un grand livre. La Germaine a bien du mal à rire encore et à se moquer toujours...

Le roman a été écrit, semble-t-il, entre mai et juillet 1944. Donc encore, en grande partie, sous l'occupation allemande. Compte tenu de qu'il en raconte, Jean-Louis Bory ne laissait certainement pas traîner son manuscrit n'importe où...
Mais ce que je trouve extraordinaire, c'est que le livre, publié dès 1945, ait obtenu le prix Goncourt la même année, et ait connu un succès immédiat. Or il tourne le couteau dans des plaies qui n'avaient pas eu le temps de se refermer. Ce roman est le miroir impitoyable de toutes les petitesses et abjections qui ont été le contexte de la vie quotidienne des Français pendant quatre ans. de quelques droitures et héroïsmes aussi, peu fréquents et clandestins. Chacun, en 1945, avait dû avoir à connaître, à fréquenter, à aimer ou à souffrir des hommes et des femmes du genre de ceux décrits par Jean-Louis Bory. En 1945, l'épuration battait son plein, Mauriac et Camus s'étaient affrontés sur ce qu'elle devait être, et si elle permettait de cristalliser la rancoeur et la vengeance sur quelques têtes plus ou moins coupables, elle ne cessait de rappeler aux Français la période très trouble qu'ils venaient de traverser. Alors, faire un succès à ce livre qui illustrait si parfaitement des années tout juste achevées, dont bien peu pouvaient être fiers et dont beaucoup préféraient sans doute les oublier, n'est-ce pas très étonnant ?
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un texte savoureux, qui décrit les aventures des habitants d'un village de la Beauce.
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"Mon village à l'heure allemande", c'est en 1944, à la veille du débarquement en Normandie, l'histoire d'un petit village - Junainville - comme tant d'autres... Sauf qu'il ne ressemble à aucun autre (quoique ...). N'ayant pas connu la guerre, il s'est accommodé de la collaboration : les Allemands ont installé leurs quartiers à quelques kilomètres, dans la propriété d'un riche Américain, Elisa et Marcel sont amoureux, le père Boudet est occupé à gagner du pognon, l'instituteur s'érige en rempart contre la connerie, la vieille fille de service guette tout et tous... Enfin les jeunes gens partent au STO ou rejoignent le maquis ; quant aux plus anciens, ils ont peine à assumer leurs opinions.
Nous voici donc plongés par Jean-Louis Bory à l'heure allemande, celle des émissions quotidiennes de Radio-Londres, des petites (ou des grosses) compromissions par lâcheté ou bêtise, des petites vengeances personnelles ; mais aussi à l'heure de la ruralité un tantinet franchouillarde : l'auteur nous livre une galerie de portraits que Marcel Aymé n'aurait pas reniée dans son "Uranus".
Malgré tout, "Mon village à l'heure allemande" constitue un témoignage intéressant dans la mesure où il a été écrit "à chaud" en 1944 et qu'il nous montre un village où tous les habitants ne sont pas rentrés, comme un seul homme, en résistance au lendemain de l'appel du 18 juin 40 ; et qui comporte quelques patriotes du 07 juin 1944... Plausible.
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"La demie de minuit sonne. le silence, après, paraît plus profond. Je prête l'oreille. Pas le moindre bruit ; personne ne souffle ; pas de lumière. le couvre-feu tient le village coincé ; il est oppressé, comme une poitrine sous un genou ; ça le serre. L'heure allemande. Je n'ai pas entendu sonner minuit ; l'heure boche ! Il est minuit et demie à Berlin"

J'ai longtemps différé la lecture de ce roman acheté sur un quai de gare il y a maintenant presque deux ans. Par peur peut-être d'une écriture peut-être un peu ringarde, d'une attitude un peu "datée" face à la guerre, à l'occupation, comme on est amenés parfois à le penser à la lecture de certains témoignages. Ce que je redoutais donc pour ce premier roman d'un jeune homme qui fut résistant à vingt ans.

Et puis non. C'est en fait un roman d'une étonnante modernité et d'un humanisme sans faille, et je me suis trouvée entraînée et même séduite dès les premières pages, par la fausse simplicité d'une belle écriture, d'une belle plume et d'un bel esprit.

Portrait sensible d'un village français dans les derniers mois de l'Occupation, au printemps 1944, le roman s'ouvre sur une paire de gifles, celle que son père donne à Élisa pour avoir écouté Radio-Londres en cachette. Nous pénétrons, un peu en voyeurs, dans la famille Boudet, vivant dans une ferme aux abords de Jumainville. le père et le fils aîné, Auguste, commercent gaiement avec l'occupant, assurant des revenus confortables à la maisonnée ; Berthe, la servante boîteuse, souffre de son amour univoque envers Auguste ; Elisa se rebelle et rêve à ses rosiers.

"Voilà tout un village corrompu par la peur. Pourri jusqu'aux moelles par la peur ; peur de crever de faim, peur d'être supprimé, comme ça, d'une pichenette, pour le bon plaisir de la tribu la plus forte, la plus armée".

Galerie de personnages attachants, du rude père Boudet à la vieille fille Melle Vrin, en passant par Elisa et son amoureux Marcel qui répugne à l'action violente de la résistance, ou par Germaine la propriétaire du café ou l'instituteur M. Tattignies. Chacun de ces personnages prend tour la parole (les gentils comme les vrais méchants) pour une succession de focalisations internes alternées, qui apportent de la fraîcheur et du rythme au roman. Derrière le jeu de l'alternance des points de vue se cache une étude de moeurs beaucoup plus fine qu'il n'y paraît, débouchant sur l'analyse de toute une gamme d'attitude face à l'occupant, loin des clichés en noir et blanc.

Le village de Jumainville (en fait modelé sur Méréville, le village d'origine de Bory, dans la Beauce) prend vie au fil des pages, offrant dans son petit théâtre un microcosme de la France de l'occupation, plus dérangeant et profond que l'on pourrait le penser.

La bonne surprise de ce début de mois de novembre !
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Comme l'indique le titre, il s'agit de la chronique de la vie des habitants d'un village de France durant l'été 1944. j'y est trouvé de nombreux "clichés", certainement des exagérations dans les comportements d'un uns et des autres. Des sortes de caricatures tracé à gros traits. Une écriture passe-partout , sans relief ni profondeur. Malgré tout , quelques passages qui vous amènent le sourire aux lèvres. C'est trop peu.
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critiques presse (1)
Actualitte
13 mars 2017
Parce que Bory est un véritable créateur, pas un romancier vériste qui colle à son sujet comme un soulier à la boue des chemins, il fait par moments le petit pas de côté qui nous entraîne vers la réalité sous-jacente.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
- Et moi, je recule, dis-je. Je suis faible, je suis lâche sans doute. Je répugne à cette violence. Elle est certainement nécessaire, mais ma conscience se refuse à l’accepter. Je ne veux pas me conduire en brute parce que les Allemands se conduisent en brutes.
- Et tu te laisses égorger ! crie Marcel. Il faut agir.
- Et devenir, comme eux, des partisans aveugles, les poings en avant, abrutir les gens par une propagande identique à la leur, à cela près qu’elle affirme le contraire, forcer au mensonge, exécuter sommairement ! C’est tout cela, agir, comme tu dis. C’est passer dans leur camp tout en ayant l’air de les combattre, tout en luttant contre eux. C’est cesser d’être un homme... ça me gêne de les entendre appeler Boches.
- Tu exagères tes scrupules, dit-il. C’est de la faiblesse.
(...)
- J’admets qu’il faille purifier par le fer et par le feu, mais combien faut-il être pur soi-même pour se charger de l’exécution !
- Le Meur, dit Tattignies – il se polit le crâne à pleines mains – vous jugez comme si vous étiez au-dessus de la mêlée. Il arrivera un jour où vous n’aurez plus le droit de conserver cette attitude.
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L’attaque à main armée que venait de subir la ferme avait achevé la mise en déroute de ses conceptions les plus solides. Voilà des gens qui avaient eu cent mille francs au moins dans les mains(...) et ils se contentaient de cinquante billets de mille qu’ils n’emportaient même pas ! Ils les brûlaient... cinquante billets, ça faisait ça, au moins, d’épaisseur entre le pouce et l’index. Toutes les idées qui, jusqu’ici, n’avaient jamais prêté à l’ombre d’une discussion, des idées universellement reçues, des articles de foi – qu’un sou était un sou ; que l’argent, s’il ne faisait pas le bonheur, y contribuait largement, et que cent mille francs avaient deux fois plus de valeur que cinquante mille – toute cette construction était jetée à bas. Il en concevait de l’inquiétude.
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La demie de minuit sonne ; le silence, après, paraît plus profond. Je prête l’oreille. Pas le moindre bruit ; personne ne souffle ; pas de lumière. Le couvre-feu tient le village coincé : il est oppressé comme une poitrine sous un genou ; ça le serre. L’heure allemande. Je n’ai pas entendu sonner minuit ; l’heure boche ! Il est minuit et demi à Berlin.
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Les nuages poussaient des flaques d’ombre bleue sur les trottoirs. Par la porte ouverte et par toute la devanture, le friselis des tilleuls venait papilloter autour du comptoir. L’odeur de luzerne s’amenait par paquets depuis les champs.
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Le matin suivant, dès sept heures, il est debout. Il ouvre la porte; il n’est plus en pyjama comme les autres jours; il a enfilé sa veste blanche. Mes Jumainvillois l’ont deviné : la Germaine est déjà là, avec Peigne, Pluret, l’Emile Pluret. Sur les volets, la littérature a cédé la place au dessin : toujours en noir brillant, s’épanouit un postérieur emphatique, marqué à la fesse droite d’une croix gammée; de ce volumineux séant, qui couvre à lui seul la moitié de la vitrine, s’approche une langue bavante, d’où le goudron goutte jusqu’au pavé. Lécheur fait demi-tour, referme la porte derrière lui. Toute la journée, ma pâtisserie reste fermée.
La nuit, l’artiste anonyme, surpris sans doute de n’avoir pas à refaire la nuit ce qu’on aurait du défaire le jour – je cite les propres termes de mon instituteur – fignola son œuvre. Il enduisit le postère d’une matière brunâtre que les spectateurs identifièrent avec une moue dégoûtée : je la connais bien; mes ruelles, mes encoignures et ma maison Charles en sont trop souvent déshonorés; et pas toujours uniquement par les chiens.
- C’est par souci de couleur locale, dit Tattignies.
Son chien flaire la vitrine avec beaucoup d’intérêt. “Enfin, semble-t-il signifier, de la pâtisserie qui veut dire quelque chose”.
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