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EAN : 9782081291737
272 pages
Flammarion (10/10/2012)
3.91/5   11 notes
Résumé :
« Je n?ai pas fermé l?oeil de la nuit. Nous avons tellement fumé que la pièce est nimbée d?un voile de nicotine. Dehors, la lumière du jour pointe à peine et déjà le bruit sourd et grave des obus s?abattant sur la ville reprend. Un premier impact. Je sens le sol bouger, doucement. Un léger tremblement. Celui-là a dû tomber plus loin. »Février 2012. La journaliste Edith Bouvier lance un appel au secours. Gravement blessée à la jambe dans les bombardements qui ont tué... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dans « Chambre avec vue sur la guerre », la journaliste française Edith Bouvier, grièvement blessée à la jambe dans un bombardement du quartier Baba Amr, à Homs, en Syrie, nous livre un témoignage poignant des dix jours qu'elle a passés « en enfer » avant d'être exfiltrée et soignée en France : « J'ai senti que j'étais blessée, se souvient Edith Bouvier. Mon premier réflexe a été de vérifier que j'avais toujours mes jambes. William m'a aidé à me relever, et au moment de sortir, nous avons vu Marie et Rémi, étendus sur les marches …».

Edith Bouvier ne nous épargne rien : les bombardements et leurs dégâts collatéraux, les hôpitaux et les dispensaires « sauvages » situés le plus souvent dans les sous-sols de maisons partiellement détruites, les réfugiés qui fuient dans la nuit, courbés et trébuchant dans d'anciennes canalisations désaffectées, s'éclairant à la lumière des rares portables en état de fonctionnement, le viol de jeunes femmes et d'enfants organisés par les milices du régime (page 86), les récits de blessés découpés et éviscérés à la fin d'une manifestation pour effrayer les opposants (page 76) …

Au-delà du film des événements et des atrocités commises par les forces gouvernementales, posant ses yeux sur le monde qui l'entoure, Edith Bouvier se souvient de l'humanité des insurgés Syriens qui lui ont sauvé la vie : « Ils m'ont traitée comme une soeur, même si je suis chrétienne. Ils ont risqué leur vie pour nous, pour nous remercier de les aider à faire reconnaître leurs souffrances. Mais aussi parce que si j'étais morte dans les mains de l'armée libre, le régime l'aurait utilisé contre eux ». Elle se souvient également d'Abou Ahmed qui apportait (page 116) chaque jour des chocolats, des bonbons et quelques chewing-gums aux réfugiés …

Journaliste, Edith Bouvier répond aux objections concernant l'utilité des correspondants de guerre : « La plupart des gens nous reprochent de prendre des risques inconsidérés, mais c'est faux, ce sont des risques mesurés. Je ne retournerai peut-être pas tout de suite en Syrie, mais je veux continuer à raconter, à témoigner, à ne pas oublier ».

Quand on lui demande pourquoi avoir fait de cette expérience un livre, Edith Bouvier signale qu'il fallait qu'elle raconte le calvaire des Syriens, qu'elle porte haut et fort leur message de courage : « Ce livre c'est ça, c'est raconter leurs espoirs, leurs peurs, et ces bombes qui tombent sur leurs têtes inlassablement de jour comme de nuit ». Mais ce livre est également une thérapie pour Edith Bouvier : « J'avais besoin de mettre des mots sur des visages, sur des destins. J'ai repris ma vie normale, j'ai appris sur moi, j'ai grandi avec, à l'intérieur de moi, Rémi, les Syriens qui vivent un enfer depuis près de deux ans ».

Journaliste, Edith Bouvier fait son boulot, investiguant toutes les pistes, collectant les faits, contrôlant ce qui lui est rapporté, analysant le tout ; elle y voit assez clair dans ce conflit où l'image de l'opposition syrienne est parfois confuse dans les médias qui y voient parfois le fait d'hommes isolés, de rebelles, de djihadistes, d'extrémistes que les clans opposent.

Et elle n'hésite pas, au passage, à égratigner la diplomatie française : « L'aide n'est toujours pas suffisante, la France essaye de faire parvenir quelques millions d'euros, mais ce n'est pas assez car elle est seule à tenter d'apporter de l'aide sur le terrain. Tant que les autres pays ne se joindront pas à elle pour apporter de l'aide humanitaire, alimentaire, des hébergements et des médicaments pour les populations civiles, nous restons les bras croisés devant un crime de masse ». Quand on lui demande quelle fin elle voit à ce conflit, Edith Bouvier répond : « Il me semble qu'on est devant le scénario du pire, quelque chose qui s'enlise et qui va durer ».

Paru chez Flammarion en octobre 2012, ce livre se lit d'une traite, comme un thriller. Ce n'est pas de la grande littérature mais c'est le témoignage de quelqu'un qui y était, qui a vu, qui en est revenu vivant et qui « rend compte de ce qui s'y passe, car (page 34) c'est son métier ».
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"Chambre avec vue sur la guerre" fait immanquablement penser à "La mort est ma servante" de Jean-Pierre Perrin, puisque les deux auteurs sont allés témoigner du conflit syrien à peu près au même moment. Jean-Pierre Perrin a eu la chance de passer quelques semaines plus tôt, avant qu'une bombe n'explose dans le "centre de presse" bricolé par les rebelles syriens, tuant 2 journalistes et en blessant 2 autres, dont Edith Bouvier.

Ce récit est à la fois l'histoire personnelle d'Edith Bouvier, un témoignage de l'horreur que vivent les Syriens au quotidien, et un hommage à la résilience du peuple syrien.
Histoire personnelle car Edith Bouvier a eu la jambe déchirée par un obus, qu'elle a été soignée dans un hôpital improvisé tenu par les rebelles syriens, qui l'ont opérée malgré un manque criant de matériel et de médicaments. Ne pouvant marcher, elle a dû être portée pour rejoindre la sécurité au Liban, il lui a fallu 10 jours pour pouvoir être exfiltrée.
Témoignage car l'auteur nous raconte la manière dont l'armée de Bachar el Assad pratique une répression féroce et aveugle sur des groupes entiers, souvent uniquement coupables d'être voisins de rebelles. A Homs, le quartier de Baba Amr entier est soumis à un intense pilonnage d'artillerie et les snipers du régime tirent sur le moindre civil qui se risque dans la rue en plein jour. de plus les prisons du régime sont des mouroirs où les malheureux détenus sont systématiquement soumis à la torture. Il ne s'agit pas uniquement d'obtenir des renseignements, il faut terroriser la population entière pour mater la rébellion.

Enfin le livre est aussi un hommage au peuple syrien dont la résistance est admirable. Tous ceux qu'a rencontré Edith Bouvier savent qu'ils sacrifient leur vie à la cause qu'ils défendent. Ils se battent pour tout, pour résister à l'armée, pour faire passer de la nourriture aux malheureux civils coincés chez eux, pour soigner les nombreux blessés avec les moyens du bord en sachant que beaucoup vont mourir alors qu'ils auraient pu les sauver avec un minimum de matériel. Ils résistent avec le sourire, prêts à tout pour ne plus subir la terreur du régime syrien. Abou Hakim qui a vu ses enfants de 4 et 9 ans violés et assassinés par les miliciens est l'exemple de ceux qui en ont trop vu pour pouvoir renoncer.
Ce qui est remarquable également est la somme de moyens qu'ont mis en oeuvre les rebelles syriens pour aider Edith Bouvier à quitter le pays. Beaucoup ont risqué leur vie uniquement pour lui permettre de partir, sans rien demander en échange. Ils lui sont reconnaissants d'être venue témoigner de l'enfer qu'ils vivent au quotidien. L'un d'eux qui l'a portée sur son dos, habitué à une stricte séparation des hommes et des femmes, s'excusera "de lui avoir manqué de respect".

Pour ceux qui lisent Chambre avec vue sur la guerre aujourd'hui, il faut noter que ce témoignage date de 2012 et que la situation a évolué depuis. Elle est devenue bien pire à cause de l'arrivée de nouveaux belligérants et de la radicalisation de tous les protagonistes. Les membres de l'Armée Syrienne Libre ont disparu, tués ou contraints à l'exil, tandis que les islamistes radicaux, qu'ils soient d'obédience al Qaïda ou Daech, les Russes et les Kurdes se sont joints au conflit. Tout ceci fait qu'en 2024 la guerre continue à faire rage en Syrie et qu'il n'y a aucune perspective de paix en vue.
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Bien que l'on connaisse l'issue heureuse du calvaire de cette journaliste en Syrie, ce livre se lit comme un thriller, et l'on comprend un peu mieux ce qui se trame là-bas. Un document à dévorer et à méditer.
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critiques presse (1)
LaPresse
26 juin 2013
Chambre avec vue sur la guerre, un titre poétique qui tranche avec les morts et l'horreur à l'état brut.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
page 182
[...] Ahmed ouvre la porte. Son anglais est chaotique. "Une voiture va bientôt arriver pour vous emmener loin d'ici, préparez-vous. Vite." A peine le temps de lui poser quelques questions. Qui nous emmène ? Par où passe-t-on ? La route est sure ? Quels sont les risques ? Il est déjà reparti.

Djalil court me chercher une nouvelle tenue dans la maison d'à côté. Il en revient avec une longue robe vert olive, en velours épais, avec des broderies dorées et noires entrelacées devant. Quelques fils pendent, des perles dorées sont tombées. Je n'ai même pas le temps de me moquer de cette incroyable tenue. J'enfile avec difficulté un bas de jogging vert. Djalil prend un couteau et découpe dans la longueur le côté gauche afin qu'il ne s'attache pas aux vis qui sortent de mon genou. Une infirmière m'apporte un grand voile rose que, dans la précipitation, j'enfile à l'envers. Elle sourit et me recoiffe. Il ne faut pas qu'une seule mèche de cheveux dépasse.
Par-dessus la robe, je noue mon écharpe porte-bonheur. En laine, noire et longue, elle vient d'Afghanistan. Je l'ai empruntée à ma meilleure amie, un emprunt qui dure puisque je ne lui ai jamais rendue. [...]

Une fois prête et "déguisée" en Syrienne, j'attrape la main de Djalil. La veille, il m'a dit ne pas avoir cru dans notre expédition. Et aujourd'hui, que pense-t-il ? Je le regarde comme si c'était un oracle. Comme si on avait le choix. Aucune rationalité à tout cela. On cherche juste des signes, aussi futiles soient-ils, pour se donner du courage.
Djalil me sourit. "Je suis triste que vous partiez, mais cette fois, ça va marcher." Je souris à mon tour. Je serre sa main fort entre les miennes. Une larme coule sur sa joue. Ces quelques jours ont créé des liens très forts entre nous. Il a tout vu de moi, mes rires, mes larmes au plus profond de la nuit, mes peurs ... Il m'a aidée, m'a réconfortée. [...]
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Un homme, les yeux bleus et un masque blanc sur le visage, s'approche. Hassan transporte un appareil pour faire des radios, il prend deux clichés de ma jambe, sans prononcer un mot. Il revient quelques minutes plus tard, l'air contrarié, les sourcils froncés et donné les clichés au médecin qu'il appelle Ahmed. Ici, pas de table lumineuse pour accrocher les radios, le docteur Ahmed s'éloigne un peu et lève les bras devant un long néon. Deux profondes fractures apparaissent sur le papier transparent.
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On fume à ne plus pouvoir s'arrêter. En écrasant ma énième Winston de la journée, j'entends mon père râler, comme il le fait à chaque fois que j'ai le malheur d'allumer une cigarette devant lui. En bon ancien fumeur, il est plus antitabac qu'un cancérologue.
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Le regard d'Abou Hakim se fixe dans les miens quand il me raconte l'histoire de ses enfants. Un garçon et une fille de 4 ans et 9 ans, qu'il a vu se faire violer puis massacrer sous ses yeux par les chabihas, les milices du régime. Retenu par d'autres soldats, il n'a rien pu faire et a assisté à ce spectacle horrible, impuissant. Depuis, certains le disent suicidaire. Lui explique simplement avoir vu le pire de l'être humain et être prêt à tout pour concevoir un avenir meilleur aux autres enfants syriens.
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Trois kilomètres de marche dans un tunnel d'évacuation d'eau d'à peine 1,60 mètre de hauteur sur 1 mètre de largeur. Deux heures insupportables, le dos voûté, les pieds dans l'eau et la boue, dans une chaleur étouffante.
... Les garçons ouvraient la marche, chargés comme des mules de tout notre matériel. Je les suivais, mutique, concentrée sur mes baskets neuves et ma respiration. Je ne pouvais pas craquer et faire demi-tour. Jamais de la vie. Mon honneur de fille était en jeu.
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