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EAN : 9782859201210
144 pages
Le Castor Astral (01/12/1993)
4.06/5   25 notes
Résumé :
Le suicide, courage ou lâcheté ? Que dire d’un homme qui, las de tout et de tous, imagine d’en finir ? Il ouvre un robinet de gaz, prenant ce geste pour une simple expérience et voulant juger de ses limites face à la peur.

Graphisme : Götting

(Présentation de l'éditeur)
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
L'oeuvre d'Emmanuel Bove est hantée d'êtres qui se croient appelés à un destin supérieur alors qu'en réalité ils demeurent toujours incapables d'assumer leur triste réalité. Solitaires et asthéniques, ils estiment que la société devrait apprécier leurs vertus et leur accorder la place qu'ils méritent. Malheureusement, ils ne réussiront jamais, car loin d'être des personnages exceptionnels, la médiocrité et le manque de volonté leur empêchent tout effort pour atteindre leurs buts.

La dernière nuit ne représente pas l'exception à ce schéma général. Bien au contraire, le roman le suit et l'enrichit grâce à une dérive fantastique. le récit s'ouvre avec la narration claustrophobe de l'après-midi d'Arnold Blake, un personnage angoissé dont nous ignorons pratiquement tout. Comme dans tous les romans boviens, le repérage spatial place le protagoniste dès le début dans un cadre bien déterminé : il reste enfermé dans sa chambre d'un hôtel "situé dans une rue populeuse de Montmartre

L'écoulement du temps, qui est détaillé aussi dès la première phrase du roman ("Quatre heures sonnèrent"), scande les sombres pensées d'un héros qui nous incite à penser que le récit tournera vite à la tragédie.
Mise à part l'exactitude du repérage spatio-temporel, la narration se fonde sur
l'allusion et le sous-entendu car, sans nous fournir des informations précises, les monologues du héros nous invitent à croire qu'il a commis un crime horrible.

Cependant, étant donné que rien n'est affirmé ou expliqué, on hésiterait à affirmer que son angoisse et son désarroi sont réels puisqu'il arrive lui-même à se demanders'il ne s'agit pas d'une fausse perception de sa propre réalité :
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Peu avant la publication de la Dernière Nuit, Emmanuel Bove écrivait, à l'orée de la Seconde Guerre, que « c'est au moment où je suis arrivé au milieu de ma vie que je m'aperçois que je n'ai rien, que je me suis toujours trompé, que j'ai toujours agi comme quelqu'un qui croit être dans la bonne voie alors que j'étais dans l'erreur. Tout craque, et voilà ce que je suis aujourd'hui. Je n'ai pas d'ami, pas de fortune, pas de situation ».

Comme il est précisé au sujet de ces quelques lignes dans Emmanuel Bove, la vie comme une ombre (de Raymond Cousse et Jean-Luc Bitton, éditions le Castor Astral, 366p), l'auteur portait une vision noire et pessimiste sur le Monde, sur lui-même, mais paraissait tirer en dépit de cette pression sociale et au sujet de sa solitude, un certain soulagement. Il éprouvait semblablement une joie à être libre, à être détaché de tout. C'est donc en mars 1939 que paraît chez Gallimard un recueil composé de six nouvelles, ouvert par un roman intitulé La Dernière Nuit. Ce dernier a été réédité par les éditions le Castor Astral en octobre 2017, dont l'éditeur dira que c'est « l'un des plus grands moments de bravoure littéraire d'Emmanuel Bove ».

Pourtant, et ce contrairement à ses autres romans ou nouvelles parus jusque lors, l'auteur optera ici pour une fin plus sombre et plus tragique, mais toujours aussi dramatique voire théâtrale. « Notre héros », comme le qualifiera l'auteur au cours de ce roman, est un jeune homme prénommé Arnold. Et Arnold, lui, a commis un crime. Ce crime est grave. Et il souhaite s'en repentir.

Débute alors une quête dans laquelle l'archétype du héros bovien cherchera le pardon et la compréhension, dans un premier temps, auprès de ses proches. Mais ils semblent tous se défiler dès l'instant où il laissera apparaître la beauté de ses sentiments, la profondeur de ses regrets, le laissant seul et sans issue, incapable de se justifier. Dans sa naïveté caractéristique de la jeunesse – et dont la vertu, semble-t-il, s'émousse toujours prématurément – il entreprendra de commettre une belle action, peu en importe la nature, lui permettant de faire oublier ses péchés aux yeux de tous. Cette idée est la meilleure qu'il n'ait jamais eue. Et c'est certain, cela fonctionnera, la justice ne pourra faire abstraction de sa grandeur lorsqu'il aura sauvé une vie, ou aidé une âme en peine, ou encore condamné un péché. Tous reviendront et l'acclameront, même. Quand aux policiers, dont il tente de s'échapper car s'il n'a pas le courage de mourir, il a encore moins celui d'être incarcéré, ils sont « malgré tout toujours un peu esclaves de leur fonction », et vivent, cette nuit, seulement pour le traquer.

Le jeune homme vadrouillera alors toute la nuit dans les rues de Paris à la merci du jugement des autres qui, autrefois, le respectaient et l'appréciaient. Cette nuit sera longue et, surtout, elle sera la dernière. Car entre la mort et la prison, quelle différence ? Ce garçon sans père aimerait seulement qu'on l'écoute avec attention, qu'on lui accorde la chance de justifier ses torts et, ainsi, s'affranchir de son malencontreux écart. Car il est persuadé d'être bon et soucieux de son prochain. Il y a-t-il vraiment crime quand il n'y a pas de préméditation ?, se demande-t-il. Les faits ne sont pas toujours preuve d'affreux desseins.

Avec une narration toujours incroyablement juste et pertinente, dotée d'un fin sens de l'observation de l'être et doublée d'une exacte critique de soi, Emmanuel Bove nous livre ici un texte aux tirades si théâtrales qu'elles relèvent presque du surnaturel. Pourtant, nous sommes irrémédiablement ramenés à la réalité, à la fois par le détail touchant permettant l'empathie et l'immersion, ou alors par l'émouvante crainte qu'ont les êtres à demeurer seuls, se traduisant en une cruauté qui effraie l'auteur au plus haut point : celle où nous avons inlassablement tort, ou raison, mais ne sommes jamais réellement considérés ni perçus en tant que personne, en tant que complexe émotif méritant d'être entendu. Et quoiqu'il en soit, semble-t-il dire, les coupables finiront toujours par être inculpés. Mais les autres, alors, en sont-ils pour autant les détenteurs impérieux de la morale ? Car si nous jugeons toujours « nos semblables d'après nous-mêmes », de quoi d'autre est fait le Monde sinon d'une multitude d'êtres solitaires, arpentant les villes le doigt pointé vers les autres dans le seul but de s'oublier soi-même ?
Lien : https://julienrilzel.wordpre..
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« La dernière nuit » d'Emmanuel Bove a été publié en 1939. Auteur discret, disparu prématurément à l'âge de 47 ans, Emmanuel Bove est pourtant l'auteur d'une vingtaine d'ouvrage parus durant l'entre-deux-guerres. On peut en trouver certains dans le catalogue du Castor Astral, petite maison d'édition qui oeuvre notamment à la réhabilitation d'auteurs (un peu trop vite) oubliés…
Arnold est enfermé dans une chambre d'hôtel ; en pleine crise d'angoisse, il parvient à ouvrir le robinet de gaz. Tandis qu'il sombre dans l'inconscience, sa maîtresse vient le secourir. Commence alors une nuit d'errance dans Paris, Arnold y fait de multiples rencontres, mais il a beau raconter son histoire avec sincérité, personne ne l'aide, et chaque fois, il fuit, s'enfonçant plus profondément dans le malaise et l'affolement.
Même si le récit est écrit à la troisième personne, introduisant ainsi un léger décalage entre les perceptions d'Arnold et la réalité objective, on suit tout de même ‘notre héros' comme son ombre durant sa ‘dernière nuit' – le titre ne laisse d'ailleurs guère de doute sur le dénouement. Toutefois, la crise sur laquelle s'ouvre le roman suscite d'entrée de jeu un malaise, un trouble qui ne quittera pas le lecteur jusqu'à la dernière phrase, avec une montée en puissance du suspense, et des coïncidences savamment distillées. Au chaos intérieur du personnage, qui porte la poids de sa culpabilité, vient se confronter la rencontre avec divers personnages; Arnold ne peut en fait partager son affaire avec personne, il espère se racheter en commettant une ‘bonne action' qui viendra effacer sa faute. Sauf que la justice, elle, ne fait pas le solde des ‘bons' et des ‘mauvais' points. Ainsi, ce court roman, à lire le temps d'une soirée (ou mieux, au creux de la nuit) propose une réflexion sur la responsabilité, la rédemption, la fuite, et la difficulté de relation avec autrui pour un être fragile, marginal, trop naïf.Pour la suite, cliquez sur le lien !
Lien : https://bit.ly/2rn7f9W
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On peut dire que ce très cher Bove sait jouer avec ses lecteurs : aucun des personnages ne sont ce qu'ils paraissent ; en quelques lignes, l'on change radicalement de sentiment envers tel ou tel personnage, tout en suivant Arnold dans sa quête si malmenée du repentir.

Un livre plein d'humour et si déroutant, avec en prime une très belle couverture du Castor astral.
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J'ai beaucoup aimé ce court roman et n'hésite pas à lui mettre 5 étoiles. Je suis étonné qu'après lecture du résumé ou des critiques il n'est jamais fait mention d'une EMI (Expérience de mort imminente). Car en fait c'est de ça qu'il s'agit. Ce livre raconte le cauchemar que fait le héro de cette histoire pendant son coma qui se terminera par sa mort. Cette histoire me rappelle un film où la plupart des critiques n'ont pas vu là non plus qu'il s'agissait d'une EMI. Pour info ce film est visible en entier sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=kMJa71nyVEc
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le sifflement du gaz, parce qu'il le percevait maintenant aussi nettement que celui d'une chaudière, lui donnait l'illusion que ses sens, loin de s'émousser, s'aiguisaient.
Si on lui avait demandé, à cette minute, pourquoi il voulait se tuer, il eût répondu avec étonnement qu'il n'avait pas la moindre intention de mourir.
"Vous voulez savoir pourquoi j'ai ouvert ce robinet ? eût-il continué.
N'est-ce pas ? C'est cela qui vous intrigue ?
Rien n'est plus simple. J'aime les émotions fortes. J'aime à jouer avec le danger. Mais ne craignez rien. Quand vraiment cela tournera mal, je fermerai le robinet, et tout sera dit ".
En effet, il ne songeait pas à la mort.
Cependant que le gaz envahissait la pièce, il s'observait.
De temps en temps, il levait la main pour s'assurer qu'il pouvait toujours disposer de ses membres, ou bien il ouvrait les yeux, passait sa langue sur ses lèvres, tournait la tête.
" Pour le moment, murmura-t-il, je ne cours aucun danger."
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Arnold était étendu sur le plancher de sa chambre.
De temps en temps, son corps avait un soubresaut horrible à voir. Le gaz avait envahi jusqu'à l'intérieur des armoires. déjà les lèvres du jeune homme tiraient sur le violet ; déjà ses traits se boursouflaient.
Il ne ressentait pourtant aucune gêne à respirer. comme si l'âme se fût libéré du corps. Elle vivait seul. Elle avait conscience de ne courir aucun danger. elle planait au-dessus de cette misérable scène comme une étrangère.
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Il eut un geste désabusé. Les hommes sont donc ainsi! Faut-il que, dès qu’ils courent un risque, ils oublient la confiance, l’amitié qu’ils vous ont témoignées ? Comment est-il possible que la seule peur de se compromettre puisse changer un être au point de lui faire renier ce qu’il a de plus cher ?
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Qu'attendait-il donc de l'avenir pour supporter ses maux avec une telle patience ?
Bien que, depuis un instant, les horloges tintassent aux quatre coins de la ville, Arnold regarda sa montre-bracelet.
"Six heures quatre", dit-il.
Il demeura sans penser.
"Six heures cinq".
Une minute s'était écoulée, une minute n'était plus. Le temps passait. Devait-il s'en attrister ou bien s'en réjouir ?
"Six heures six".
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Si d’un côté des vitres transparentes, des vitres qu’une chiquenaude eût suffi à briser, il y avait la tourmente, la foule, les lumières, de l’autre, il y avait Arnold, le petit Arnold sans intérêt, les voix dans le corridor, et cette odeur de cuisine qui montait du bureau où des femmes de mauvaise vie aidaient le fils de l’hôtelier à faire ses devoirs.
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