Une chambre au soleil

Inutile d'être marxiste pour affirmer que le plus grand diviseur commun est social. Joe Lampton, débarqué de son trou perdu de Dufton, s'en rend compte assez rapidement. Il est séduisant, malin et plein d'une énergie vitale qui ravit les femmes de la bonne société de Warley, de la MILF en mal d'aventures amoureuses à la jeune vierge effarouchée que son industriel de père a promise aux fils des plus grandes fortunes de la région.
Tout ce petit monde se fréquente et se connaît par coeur. Joe, issu de la classe ouvrière, fait office de facteur X, d'animal exotique et d'objet de curiosité. Convoité, chahuté, chouchouté, le beau Joe est pris dans un jeu dont il ne maîtrise pas les règles et qui, bientôt, se refermera sur lui.
Écrit en 1957, ce roman britannique est d'une étonnante modernité. On y parle de sexe (p156, 288 – « Un corps de femme peut vivre tout entier, un corps d'homme est constamment orienté vers la mort ») et de classes (p239, 260) avec une grande liberté.
Par la voix de Joe, John Braine fustige la médiocrité d'une bourgeoise qui doit son pouvoir à l'argent, et non au talent : « On dirait que les gens comme vous accaparent tout ce qui a de la valeur, par une sorte de droit divin. J'ai vu ça trop souvent ». Il démystifie aussi les manières d'une société ensuquée dans son hypocrisie : « Je suis sortie avec elle une demi-douzaine de fois. Théâtre, cinéma, bal… Tout ça est très comme il faut. Mais ça me coûte un bras. Fleurs, chocolats et tout le reste, mais je n'ai encore rien obtenu en échange ».
Mû par une révolte sourde et un fort désir d'émancipation, « Une chambre au soleil » est le fils charnel (plus que spirituel) de Martin Eden et le père de toute une génération de romans anglais contemporains.
Bilan : 🌹🌹

Lorsque l'on rencontre Joe, il fuit les zombies. C'est ainsi qu'il surnomme ceux qui vivent sans ambition un quotidien ordinaire dans sa morne ville natale. Lui a pris un train vers une vie nouvelle qu'il entend fastueuse.
Les premières pages sont délicieuses. Rapidement on saisit l'impertinence qui se cache derrière les ronds de jambe ; l'impertinence et l'amertume de Joe devant ces richesses sans lesquelles il ne peut s'accomplir.
Tel un #BelAmi de l'après-guerre en Angleterre, c'est par son charme auprès des femmes qu'il parviendra à grandir dans cette hiérarchie qu'il a mentalement construit.
L'auteur a une belle plume élégante et piquante à la fois, même s'il est parfois enclin au bavardage.
Je m'attendais il est vrai à quelque chose de plus trash. Il m'a fallu un déclic - insaisissable à vrai dire - pour accepter que le roman se jouait plus en subtilité, plus en acidité, non loin finalement de l'héritage victorien.

La 4ème de couverture précise que l'auteur, John Braine, appartint au mouvement des "Jeunes hommes en colère". Mouvement qui dans les années 50 dépeint les classes modestes et les rigidités sociales.
Avec ce roman John Braine fait vivre un de ces jeunes hommes modestes, Joe Lampton, issus de la classe ouvrière anglaise, dans l'immédiate après-guerre encore sous le coup du rationnement. Joe accède à un poste de comptable dans une petite ville, poste qui, à la fois, constitue une certaine élévation sociale et se révèle cependant bien étroit pour lui permettre d'accéder aux lasses supérieures.
Il séduit bien vite Susan une jeune fille de la bonne société et Alice, une femme plus agée, lasse de son couple.
Il oscille entre les élans du coeur, les élans de la chair, les élans de son arrivisme.
Ce magnifique roman, écrit en 1957, se lit avec énormément de plaisir.
Il a inspiré 2 ans plus tard le célèbre "Room at the top" (les chemins de la haute ville), film qui valut à Simone Signoret dans le rôle d'Alice l'Oscar de la meilleure actrice en 1960. le film n'a pas démérité mais ce serait dommage de ne pas lire ce livre , peinture réaliste d'une époque.

"Nul rêve n'était possible à Dufton où la neige semblait noircir avant même de toucher le sol. Là-bas, Noël paraissait toujours un peu honteux de lui-même, comme s'il avait trop conscience de n'être qu'un gaspillage d'argent. Tout simplement, Dufton et la gaieté n'allaient pas ensemble." C'est cette ville que Joe Lampton veut fuir à tout prix. Il part s'installer à Warley, une ville plus prospère, où il compte réussir. Comptable, il est embauché à l'Hôtel de ville. Par le biais de ses logeurs, il intègre la troupe de théâtre des Thespians et y fait de nombreuses rencontres notamment féminines. Son intérêt se porte rapidement sur Susan qui appartient à un milieu social élevé. Un bon argument pour notre jeune héros ambitieux et envieux des richesses des autres.


Les éditions du Typhon continuent à nous faire découvrir le mouvement littéraire des angry young men qui écrivirent dans les années 50-60 en Angleterre. le livre de John Braine fut d'ailleurs adapté au cinéma en 1959 par Jack Clayton et il valut le prix d'interprétation à Cannes et l'oscar de la meilleure actrice à Simone Signoret. L'auteur disait s'être inspiré de "Bel ami" pour écrire "Une chambre au soleil". Et effectivement, le roman est le récit d'une ascension sociale. Joe rejette son milieu (son père était ouvrier), sa ville d'origine. Il ne rêve que de luxe, de confort, d'un statut imposant. Il compte sur son charme et ses compétences professionnelles pour y parvenir. Mais Joe va rapidement réaliser que la guerre n'a rien changé à la hiérarchie des classes sociales, l'ancien monde est toujours là et Joe subira la condescendance et le paternalisme de ceux qui ont le pouvoir et l'argent.


Ce qui rend "Une chambre au soleil" passionnant, c'est la psychologie de Joe Lampton. Certes, il est prêt à tout pour réussir mais la culpabilité l'habite sans cesse. Son conflit intérieur est au coeur du roman et c'est ce qui humanise Joe. Il veut pénétrer le monde des puissants mais il craint de devenir aussi cynique qu'eux. La lucidité de Joe lui permet de ne jamais être dupe. Mais cette mutation sociale aura un goût extrêmement amer, le prix à payer pour changer de vie sera plus lourd que ce que notre héros imaginait.


"Une chambre au soleil" est un roman très cruel, rageur et politique dans son constat sans concession de la société anglaise d'après-guerre. Merci aux éditions du Typhon de nous permettre de découvrir cette pépite de la littérature anglaise.
Lien : https://plaisirsacultiver.com/

Alors que la seconde guerre mondiale s'est achevée il y peu, Joe vient de quitter Dufton, village ouvrier qu'il déteste, pour Warley. Cette ville moyenne et plus prospère que sa ville natale lui semble être l'endroit idéal pour conquérir la place qui lui revient. Il est issue de la classe populaire et compte bien en sortir. Il se lie à des gens plus riches et plus raffinés que lui. Charmeur et déterminé, il séduit autour de lui et petit à petit se fait une place dans le milieu qui le fait rêver quitte à se fondre dans un système qu'il déteste.
Nous rencontrons Joe à son arrivée à Warley. Il loue une chambre chez un couple charmant, les Thompson. C'est eux qui vont le faire entrer dans leur cercle d'acteurs de théâtre amateur. Il y rencontre des gens d'un rang supérieur et surtout des femmes. Très vite épris par la jeune Suzanne Brown, la fille d'un riche patron d'usine, il ne désire rien tant que la séduire. A l'aise en toute situation, il réussi à faire oublier sa naissance inférieur. Mais le complexe demeure et le sujet reste sensible pour lui. Il sait qu'il est accepter mais pas intégrer dans ce monde et cela le tourmente. Il est habité par une colère sourde envers les nantis contre laquelle il doit lutter.

L'ambiance de ville provinciale est très bien décrite. Les ragots vont bon train et chacun semble en représentation. Au théâtre comme à la ville les personnage jouent leur rôle. Se dévoiler peut-être destructeur et cela Joe le comprendra. Les descriptions des lieux sont très évocatrices et immersives. L'auteur nous donne réellement à voir les paysages alentours et les rues bien propres de Warley. Cette ville est toujours mis en opposition avec Dufton. Joe conçoit un dégout pour sa ville de naissance et ne cesse de la raconter de manière extrêmement péjorative. Ville sale, enfumée et peuplée d'êtres médiocres, elle représente tout ce que Joe abord.
La plume de John Braine est fluide et envoutante. J'ai été emportée dès le premier chapitre par l'histoire et par les descriptions sensibles des lieux. le personnage de Joe est fouillé et tout en subtilité. L'auteur traite la question du transfuge de classe avec beaucoup de justesse. J'ai particulièrement aimé la manière dont il décrit les émotions contradictoires qui peuvent traverser Joe. Un mot, un regard suffisent à faire vaciller son bonheur et sa confiance en lui. Sa colère étouffée sous son charme menace de resurgir face à d'infimes événements. Les subtiles mouvements de l'âme sont retranscrit avec précision. C'est un personnage plein de vie et qui m'a particulièrement touchée.
Un texte vibrant que je vous recommande chaudement.
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