En même temps que le catholicisme presque universellement pratiqué par les Viennois aboutissait à un quiétisme, annulant l’inquiétude spirituelle, la monarchie reposait sur un quiétisme politique. Peu enclin à revendiquer des droits tout théoriques et abstraits, désireux, avant tout, de bien vivre, en paix et confortablement, le Viennois n’avait pas, ou n’avait que très rarement, l’âme d’un rebelle. Il ne répugnait pas à un certain conformisme, bornant sa philosophie sociale à un « bien vivre et laisser vivre » qui se souciait peu de discussions sur les systèmes politiques.
Chapitre I. Vienne, ville heureuse
Quiétisme politique
L’amour de la nature est la première cause de cet exode quotidien vers la campagne et les jardins, et aussi le désir de réserver dans la journée une portion de temps qui doit être soustraite aux occupations professionnelles, une rupture dans la succession des gestes habituels. Le Viennois excellait dans l’accomplissement de ce geste salutaire de repos, de détente, de relaxation, que les psychiatres appellent « déconnecter ». On revenait de sa promenade dans la verdure, l’esprit et les yeux rafraîchis, égayé par tout ce que l’on avait vu d’élégant et de beau, et l’on rentrait chez soi après avoir renouvelé sa provision d’air pur.
Chapitre II. Portrait du Viennois
Les promenades
Parmi les poètes romantiques viennois, les contemporains avaient porté très haut, certainement, le talent de Betty Glück, qui écrivait sous le nom de Betty Paoli. Grillparzer la célébrait comme la plus grande poétesse autrichienne ; Hieronymus Lorm renchérissait en disant : la plus grande poétesse allemande. On ne peut ici critiquer ni justifier les droits à la gloire de cette femme complètement oubliée aujourd’hui. Betty Paoli souffrit d’un amour malheureux ; dame de compagnie de la princesse Schwarzenberg, elle eut l’imprudence de s’éprendre de son fils, le beau prince Frédéric, qui eut avec elle une longue correspondance, mais s’en tint là.
À l’exception de Lenau, de Grillparzer, de Stifter, le romantisme littéraire autrichien n’a pas laissé de noms immortels.
Chapitre IX. Le romantisme viennois
" Vivre en poésie "
Comment fonctionnait le Turc de Schwanenfeld ? Comment pouvait-il donner à chacun des consultants une réponse appropriée ? Les naïfs étaient-ils les victimes d’une supercherie, ou bien le Turc représentait-il une exceptionnelle réussite dans l’art, si ancien et si difficile, de construire des automates ? Il avait, en tout cas, un rival dangereux dans les automates de Mälzel ; celui-ci avait fabriqué un orchestre complet de musiciens mécaniques qui se produisirent, on imagine avec quel succès, au théâtre An der Wien, dans les premières années du XIXe siècle. Le directeur de cet établissement avait été très humilié par le succès qu’avait remporté son confrère du théâtre de Leopoldstadt en offrant un concert donné par un orchestre d’oiseaux qui, non seulement chantaient avec leurs voix naturelles, mais étaient capables, en outre, d’imiter les timbres de tous les instruments. Par quel miracle cela s’était-il fait ? Étaient-ce une merveille de dressage ou, plus surprenant encore, des oiseaux mécaniques tels qu’on n’en avait jamais entendu ? Le secret était bien gardé. En ce qui concernait les automates, le doute subsiste encore aujourd’hui autour du fameux « joueur d’échecs » de Mälzel, dont personne ne peut dire si c’était un incroyable chef-d’œuvre de mécanique ou une imposture, un nain ayant pu se dissimuler sous la robe du Turc – les robes flottantes des Turcs et des ermites étaient bien commodes pour cacher les machines ou les compères – et jouer aux échecs avec les audacieux qui entendaient se mesurer avec lui.
Chapitre V. Spectacles et divertissements
Boeufs, ours, singes, girafes, éléphants
Deux noms dominent la peinture de paysage autrichienne à l’époque romantique : celui de Joseph Anton Koch (1768-1839), qui appartient à la première génération romantique, et celui de Ferdinand Georg Waldmüller, qui illustre la seconde, puisqu’il est né en 1793, et qu’il est mort en 1865. Koch est un curieux personnage, un Tyrolien d’Elgiblenalp, qui s’en alla mourir à Rome parce qu’il avait subi la fascination des paysages italiens au point de vouloir y finir sa vie. Il a peint des scènes religieuses dans le goût nazaréen et tenta de rivaliser avec Ghirlandajo et Pérugin. Il a illustré Dante et Shakespeare, et il a partagé l’enthousiasme de tous les romantiques pour Ossian – le pseudo-Ossian de l’Anglais Macpherson.
Chapitre IX. Le romantisme viennois
Le romantisme autrichien et l'art
« Vie et mort de Gérard de Nerval », conférence de Marcel Brion, à l'occasion du 100ème anniversaire de la mort de Nerval. Première diffusion le 21 mars 1955 sur la Chaîne Nationale.