La génération de Martin Buber, la dernière des grands intellectuels juifs allemands, était le produit d'une assimilation volontaire des parents et grands-parents, qui avaient donné leur vie à l'Allemagne dans les tranchées de 1914. Avant la guerre et pendant tout le XIX°s, leurs ancêtres avaient donné leur âme au pays, oubliant leur culture propre. Aussi, entre 1918 et 1933, les derniers descendants eurent un brillant sursaut, comprenant qu'ils ne seraient jamais considérés comme des Allemands par les Allemands, et ils s'intéressèrent à leur judaïsme perdu. Il était très tard. Buber et ses amis regardaient avec fascination, incompréhension ou pire, en commettant de terribles contresens, le judaïsme vivant d'Europe Centrale, surtout hassidique. le Hassidisme est une des formes que prit le judaïsme entre la Pologne et l'Ukraine au XVIII°s, en des pays où l'antisémitisme féroce, obstiné et sanglant des peuples et des autorités reléguait les Juifs dans un état de dépendance, de misère et d'exclusion. Faisant de cette exclusion une force, de grands maîtres, nommés Tsadikim (Justes) redonnèrent courage aux communautés, ranimèrent, recréèrent, refaçonnèrent la civilisation juive dans ses langues, l'hébreu pour la culture savante, le yiddish pour la culture populaire, et inculquèrent au peuple une conscience de soi, une fierté, un sens profond de sa responsabilité métaphysique. Le second tome de ces Récits Hassidiques de Martin Buber est consacré aux Maîtres du XIX°s, de la seconde et troisième génération après les grands fondateurs. Le genre littéraire choisi rappelle les "Sentences des Pères du désert", ou Philocalie, recueils antiques grecs ou syriaques (puis, au XVIII°s, traduits en slavon) consacrés aux premiers moines chrétiens d'Orient : nul rappel historique, nulle description, nul récit de la vie de ces hommes, mais seulement les mots, les sentences, les enseignements brefs qu'ils donnaient à leurs disciples en yiddish. Le pieux recueil de ces sentences et contes sert de base à l'entreprise de Martin Buber.
Les Allemands ne laissèrent rien de ces communautés et de leur culture. Mais quelques-uns purent fuir, comme la lignée russe de Loubavitch aux USA, et d'autres moins connues établies en Israël, et poursuivent cette tradition jusqu'à nos jours.
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Un deuxième tome qui nous plonge dans un monde souvent oublié. Ce livre permet de mieux saisir la réalité des gens vivant dans l'hassidisme.
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(Mena'hem Mendel de Kotzk)
A une époque où dans le district de Kotzk, le coût de la vie augmentait sans cesse, un jour, à l'issue du Sabbath, alors que les Hassidim voulaient déjà prendre congé et regagner leurs bourgs, le Rabbi retint et retarda leurs adieux. Sa femme était à ses fourneaux quand le Rabbi entra dans la cuisine, la pipe à la bouche.
"Mendel ! lui dit sa femme, pourquoi empêches-tu ces garçons de rentrer chez eux ? Veux-tu donc qu'ils dépensent tant d'argent à l'auberge, maintenant que tout est si cher ?
-- Et pourquoi les aliments sont-ils hors de prix ? rétorqua le Rabbi. Tout le monde ne pense qu'à manger. Si les gens pensaient un peu moins à manger et un peu plus à étudier, ce seraient les études qui seraient hors de prix ; et la nourriture serait bon marché."
Yaakov Itzhak de Pjyzha ("der Yid").
La question fut posée à Yaakov Yitzhak :
"Le Talmud explique que la cigogne est appelée en hébreu "Hasidah, la pieuse ou l'affectueuse, pour la raison qu'elle aime les siens. Alors, donc, pourquoi entre-t-elle dans la catégorie des oiseaux impurs ?
-- Parce qu'elle ne dispense son amour qu'aux siens", répondit le Rabbi.
Moshé de Kobryn.
Peu de temps après la mort de Rabbi Moshé de Kobryn, à l'un de ses disciples, le "vieillard de Kotzk", R. Menahem Mendel, demanda : "Pour votre Maître, le plus important, qu'était-ce ?". Le disciple réfléchit un moment, puis il dit : "La chose la plus importante était celle, justement, dont il s'occupait."
Paroles du Rabbi de Guer : "Il y en a qui disent : Le monde, je veux le rejeter. -- Mais le monde est-il tien, que tu puisses le rejeter ?"
p. 294
Rabbi Mikhal avoua un jour à ses fils: " - La bénédiction de ma vie, c'est que jamais je n'ai eu besoin d'une chose avant de la posséder. "
Robert Bober Il y a quand même dans la rue des gens qui passent - éditions P.O.L où Robert Bober tente de dire comment et de quoi est composé son nouveau livre "Il y a quand même dans la rue des gens qui passent", et où il est notamment question de son précédent livre "Par instants la vie n'est pas sûre" et la poursuite de sa conversation avec Pierre Dumayet, d'identité indéterminée et d'identités, d'innocence et de bonté, d' enfance et de rencontres, du yiddish et de Georges Perec, de Seth et de Julien Malland, de Martin Buber et de Gaston Bachelard, de Cholem Aleikhem et du film "Tevye le laitier" de Maurice Schwartz, de Zozo et de la rafle du Vel d'hiv, d'images et livres, de Robert Doisneau et de la photographie, de Pierre Reverdy et de la librairie du Désordre à la Butte aux Cailles, à l'occasion de la parution de "Il y a quand même dans la rue des gens qui passent" en octobre 2023 aux éditions P.O.L, à Paris, le 10 janvier 2024
"– Alors, toujours aussi gros ?
– Et toi, toujours aussi con ?
C'est comme ça que j'ai compris qu'ils étaient copains. le gros, derrière son comptoir, c'était le patron du bistrot-guinguette « Chez Victor » situé derrière la place des Fêtes au fond de l'impasse Compans. le con était accoudé au zinc en attendant d'être servi.
Plus tard, bien plus tard, je suis retourné voir le bistrot « Chez Victor », je ne l'ai pas retrouvé. Tout le quartier avait été détruit."
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