A l'instar d'autres éditions, ce court essai part d'une question venant du public d'une conférence. L'intérêt premier est donc de recourir à des questions d'individus qui ne sont pas de la profession de l'auteur, ici la paléontologie. Ce type d'ouvrage est l'occasion de sortir des discussions entre spécialistes et interroge la place des recherches dans la société civile. Mais cela reste une critique pour l'ensemble des éditions publiant ce genre d'exercice. Encore faut-il que cet objectif soit tenu.
Ici l'auteur relève différents éléments qui lui semblent pertinent pour répondre à cette question de l'utilité des connaissances sur
les dinosaures. Ce que j'ai particulièrement apprécié est que l'auteur part justement de l'échange qui a eu lieu durant la conférence. Force est de constater que sa réponse sur le vif ne lui convenait pas entièrement.
En se penchant sur la question, il relève que le simple fait de connaître l'existence des dinosaures permet de se rendre compte de l'épaisseur du temps. Toutefois cette épaisseur ne peut selon lui se ressentir que si l'on complexifie le débat. En effet, il réfute l'utilisation du mot "préhistoire" afin d'éviter que l'ensemble des périodes géologiques ne soient ficeler en un terme qui égaliserait cette épaisseur à un seul horizon. Il en profite ensuite pour montrer que les couches géologiques et ce qu'elles contiennent rendent compte sur une même localité de variations profondes de l'environnement (passage d'un univers marin à un univers de terre ferme par exemple). Ce qui longtemps a semblé paradoxal. Pour sortir du paradoxe, il faut, dit-il, sortir du parallèle entre l'actuel et le passé. Tout en proposant une relecture de l'histoire de la discipline paléontologique, il montre que les démonstrations de la sélection naturelle dans la seconde moitié du 19ème siècle puis à la fin de la première moitié du 20ème siècle de la tectonique des plaques et des connaissances sur le climat ont permis l'élaboration de cartes paléogéographiques ouvrant sur une meilleure compréhension des dynamiques sous-tendant les changements environnementaux.
Sa dernière assertion concerne le retour des études sur les grandes extinctions qui ont ponctué l'histoire de la vie sur la planète Terre. En partant, à rebours comme souvent dans ces disciplines, de l'existant, l'auteur montre en quoi les extinctions massives ou diffuses sont de plus en plus difficilement corrélables à la présence humaine (potentiellement valables aujourd'hui, déjà discutables il y a 12 000 ans, inconciliables il y a 66 millions d'années…). Ce dernier exercice permet à l'auteur de dire que les changements brutaux ou diffus sont des phénomènes incompressibles et que les tentatives pour stabiliser le climat par exemple sont, à l'échelle des temps géologiques, stériles. Ainsi malgré quelques lourdeurs de style qui l'empêche par moment d'être aussi accessible qu'il le pourrait, cet ouvrage remplit efficacement son rôle et l'on sent au fil des pages toute la fécondité d'un échange sincère entre la recherche et le public.