VANITE DES VANITES...
Pedro Calderon de la Barca (1600-1681), un des écrivains majeurs du Siècle d'Or espagnol (période de l'extraordinaire rayonnement culturel de l'Espagne et de son déclin hisrorique-"Ce n'est qu'au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son vol notera Hegel) a écrit de très nombreuses pièces dont des "auto sacramental".
L'auto sacramental -il faut lire la très dense introduction de
François Bonfils, professeur agrégé de littérature comparée à l'université Toulouse II pour comprendre en profondeur l'intérêt, la construction et les fins de ce type de pièces- est une pièce à vocation religieuse. Représentée le jour de la Fête-Dieu, le deuxième jeudi après la Pentecôte, ce texte à vocation didactique, allégorique participe à l'adoration de l'Eucharistie. Elle n'a pas d'équivalent dans le monde chrétien, appartenant en cela à une tradition totalement espagnole.
Voilà au moins quatre bonnes raisons de ne pas lire ce texte : auteur des Temps dits Modernes, donc pièce datant de cinq cents ans (1655 pour être précis), message religieux centré sur un "mystère" de la Foi, tradition purement nationale, introduction nécessitant un certain effort de lecture.
Commençons par le dernier point : la lecture de l'introduction, que je conseille vraiment-, n'est pas forcément nécessaire à la lecture. (contentez vous de la p 43 qui décrit la scène)..Pourquoi ? Parce que l' oeuvre se suffit à elle-même. On comprend très vite les allégories : L'Auteur, le Monde, le Roi, le Laboureur, le Riche, le Pauvre, La Sagesse, la Beauté, la Loi de Grâce, l'Enfant, la Voix qui psalmodie "Agir bien car Dieu est Dieu" ; la lecture enchante car l'auteur terrestre a reçu de l'Auteur céleste la grâce d'un talent exceptionnel...
Le Grand Theâtre du Monde, pièce d'un seul acte, établissant la continuité entre les deux Mondes, le Visible et l'Invisible, traite des Vanités du Monde et du Rachat des Fautes.
Dans "
La Tempête",
Shakespeare fait dire à Prospero : "Act IV, sc 1) : "Nos divertissements sont finis. Nos acteurs de naguère, comme je vous le disais précédemment, etaient tous des esprits et se sont évanouis dans l'air, dans l'air léger. Et, comme cette vision construite sur rien, les tours coiffées de nuées, les palais somptueux, les temples solennels, le vaste globe lui-même, oui, avec tous ceux qui l'ont en partage, tout se dissipera et, s'évanouissant tel ce spectacle sans substance, ne laissera pas derrière lui un fil de nuage. Nous sommes faits de la même étoffe que les songes, et notre petite vie est cernée de sommeil".
Ce, à quoi, le Monde, dans "Le Grand Théâtre du Monde" souligne en écho (p147-149): "La pièce a été brève mais quand donc la comédie de cette vie ne l'a pas été et, plus encore pour l'homme qui considère que la vie n'est qu'une entrée, une sortie ? Voici que tous quittent progressivement la scène et la forme qu'ils ont reçue et possédée est réduite à sa matière première. Qu'ils me quittent poussière car poussière ils sont entrés. Je veux à tous reprendre avec soin les bijoux que je leur ai donné pour embellir les représentations sur les planches car ils ne les ont reçus que pour le temps de la représentation..."
Quand le Monde répartit les rôles, le comédien qui se fond dans le personnage du Pauvre s'exclame (p 103) : "Mon rôle est l'affliction, l'angoisse, la misère, le malheur, la souffrance, la douleur, la compassion, les soupirs, et gémir, endurer, regretter, importuner et supplier, n'avoir jamais rien à donner, devoir toujours mendier,...le mépris, le dédain, l'outrage, le regret, la honte, la patience, la faim, le dénuement, les pleurs, la mendicité, la crasse, la bassesse, l'affliction, la pauvreté, , la soif, les épreuves, la vile nécessité, enfin tout ce qui fait la pauvreté". Cela tient autant du livre de Job que de la définition d'un personnage picaresque d'un roman espagnol ou allemand.
L'ensemble est aussi réussi que ces deux extraits.
Que l'on soit croyant ou pas, que l'on pense que l'édification, l'exaltation des symboles, la pratique font partie ou non des enseignements à délivrer, on trouve ici un très grand moment de littérature. Cela se suffit en soi.