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François Bonfils (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080711151
239 pages
Flammarion (20/05/2003)
3.56/5   16 notes
Résumé :

Le Grand Théâtre du monde donne le vertige. Chefd'œuvre de l'auto sacramental (un théâtre religieux conçu pour les processions spectaculaires de la Fête-Dieu), il est une clé de voûte du grand art dramatique de l'Espagne au Siècle d'or. Poésie sublime, rire délicat, rigueur doctrinale, Calderon convoque ici tous ses talents pour façonner un formidable trompe-l'œil baroque, où l'ang... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le grand Théâtre du Monde est une courte pièce de Pedro Calderón de la Barca d'un genre bien particulier — dont je vous épargne le nom technique mais, si cela vous intéresse absolument, sachez que vous n'avez qu'à cliquer sur le résumé éditeur pour en savoir beaucoup et même certainement plus qu'il ne vous en faut pour aborder cette oeuvre — qui, en gros, est une allégorie religieuse.

Ici, le transfert n'est pas trop compliqué et la mise en abîme s'effectue très facilement et, pour ainsi dire, d'elle-même. En effet, si l'on considère que Dieu est l'auteur de la pièce, que le monde est le metteur en scène, on voit assez vite où Calderón souhaite en venir.

L'auteur a créé les rôles (le roi, le riche, le laboureur, la beauté, la sagesse, le pauvre, etc.) et observe comment les acteurs vont se comporter sur scène. Chaque acteur souhaite, bien entendu, avoir le rôle le meilleur et le plus long possible mais il arrive que le monde lui indique subitement que sa représentation est terminée.

Dans ce cas, l'acteur, un brin dépité, affirme que s'il a mal joué quelque chose, il fera tout pour jouer à la perfection dès à présent mais, bien souvent, le monde se montre inflexible : c'était pendant qu'on jouait qu'il fallait s'efforcer de donner le meilleur, pas quand tout est terminé ou presque.

On reconnaît bien là le côté calotin de Calderón et la tendance culpabilisante de la religion chrétienne. Toutefois, si l'on dépouille la morale de son fondement religieux, disons, pour faire simple, si l'on considère la morale comme le respect mutuel des intérêts de l'autre, on ne peut dénier à l'oeuvre une certaine fonction de piqûre de rappel.

En effet, agissons-nous au quotidien dans un sens moral ? Nos actions ne nuisent-elles nullement aux autres ? Si oui, que pouvons-nous entreprendre pour les rendre moins nuisibles ou plus nuisibles du tout ?

Et là, c'est à chacun de se questionner : sur le sens qu'il souhaite donner à sa vie, sur l'insoluble question du bien et du mal (bien pour qui ? mal pour qui ?), sur le rôle qu'il occupe dans le grand théâtre du monde…

Bon… Une petite pièce pas inintéressante mais également très loin d'être captivante selon moi. La symbolique du jugement dernier de ce potage n'était pas faite pour m'enthousiasmer, ni sa trop forte odeur de missel plein de vers. (En effet, depuis toute petite, je déteste la soupe aux vers de missel.)

Toutefois, sa brièveté et son style ne rendent pas sa lecture éprouvante et d'ailleurs, gardez à l'esprit que ceci n'est que mon avis, mon tout petit rôle de rien dans le grand théâtre du monde, c'est-à-dire, vraiment pas grand-chose.
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VANITE DES VANITES...

Pedro Calderon de la Barca (1600-1681), un des écrivains majeurs du Siècle d'Or espagnol (période de l'extraordinaire rayonnement culturel de l'Espagne et de son déclin hisrorique-"Ce n'est qu'au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son vol notera Hegel) a écrit de très nombreuses pièces dont des "auto sacramental".

L'auto sacramental -il faut lire la très dense introduction de François Bonfils, professeur agrégé de littérature comparée à l'université Toulouse II pour comprendre en profondeur l'intérêt, la construction et les fins de ce type de pièces- est une pièce à vocation religieuse. Représentée le jour de la Fête-Dieu, le deuxième jeudi après la Pentecôte, ce texte à vocation didactique, allégorique participe à l'adoration de l'Eucharistie. Elle n'a pas d'équivalent dans le monde chrétien, appartenant en cela à une tradition totalement espagnole.

Voilà au moins quatre bonnes raisons de ne pas lire ce texte : auteur des Temps dits Modernes, donc pièce datant de cinq cents ans (1655 pour être précis), message religieux centré sur un "mystère" de la Foi, tradition purement nationale, introduction nécessitant un certain effort de lecture.

Commençons par le dernier point : la lecture de l'introduction, que je conseille vraiment-, n'est pas forcément nécessaire à la lecture. (contentez vous de la p 43 qui décrit la scène)..Pourquoi ? Parce que l' oeuvre se suffit à elle-même. On comprend très vite les allégories : L'Auteur, le Monde, le Roi, le Laboureur, le Riche, le Pauvre, La Sagesse, la Beauté, la Loi de Grâce, l'Enfant, la Voix qui psalmodie "Agir bien car Dieu est Dieu" ; la lecture enchante car l'auteur terrestre a reçu de l'Auteur céleste la grâce d'un talent exceptionnel...

Le Grand Theâtre du Monde, pièce d'un seul acte, établissant la continuité entre les deux Mondes, le Visible et l'Invisible, traite des Vanités du Monde et du Rachat des Fautes.

Dans "La Tempête", Shakespeare fait dire à Prospero : "Act IV, sc 1) : "Nos divertissements sont finis. Nos acteurs de naguère, comme je vous le disais précédemment, etaient tous des esprits et se sont évanouis dans l'air, dans l'air léger. Et, comme cette vision construite sur rien, les tours coiffées de nuées, les palais somptueux, les temples solennels, le vaste globe lui-même, oui, avec tous ceux qui l'ont en partage, tout se dissipera et, s'évanouissant tel ce spectacle sans substance, ne laissera pas derrière lui un fil de nuage. Nous sommes faits de la même étoffe que les songes, et notre petite vie est cernée de sommeil".

Ce, à quoi, le Monde, dans "Le Grand Théâtre du Monde" souligne en écho (p147-149): "La pièce a été brève mais quand donc la comédie de cette vie ne l'a pas été et, plus encore pour l'homme qui considère que la vie n'est qu'une entrée, une sortie ? Voici que tous quittent progressivement la scène et la forme qu'ils ont reçue et possédée est réduite à sa matière première. Qu'ils me quittent poussière car poussière ils sont entrés. Je veux à tous reprendre avec soin les bijoux que je leur ai donné pour embellir les représentations sur les planches car ils ne les ont reçus que pour le temps de la représentation..."

Quand le Monde répartit les rôles, le comédien qui se fond dans le personnage du Pauvre s'exclame (p 103) : "Mon rôle est l'affliction, l'angoisse, la misère, le malheur, la souffrance, la douleur, la compassion, les soupirs, et gémir, endurer, regretter, importuner et supplier, n'avoir jamais rien à donner, devoir toujours mendier,...le mépris, le dédain, l'outrage, le regret, la honte, la patience, la faim, le dénuement, les pleurs, la mendicité, la crasse, la bassesse, l'affliction, la pauvreté, , la soif, les épreuves, la vile nécessité, enfin tout ce qui fait la pauvreté". Cela tient autant du livre de Job que de la définition d'un personnage picaresque d'un roman espagnol ou allemand.

L'ensemble est aussi réussi que ces deux extraits.

Que l'on soit croyant ou pas, que l'on pense que l'édification, l'exaltation des symboles, la pratique font partie ou non des enseignements à délivrer, on trouve ici un très grand moment de littérature. Cela se suffit en soi.
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Quand on voit au théâtre, aujourd'hui, "Le grand théâtre du monde", on est privé de toute l'ambiance de ferveur des processions, de la liturgie festive et de la foule qui se pressait dans les rues à cette occasion. Voir la pièce dans un théâtre, c'est ajouter au texte un effet d'abyme supplémentaire, théâtre du monde joué au théâtre par des acteurs, qui cherchent par l'illusion scénique à désillusionner le spectateur sur les illusions de la vie. C'est un peu vertigineux, c'est l'essence même du baroque, art de la surprise, du trouble et de l'incertitude, mis au service des certitudes de la foi catholique. Ce théâtre est en même temps le produit de l'esthétique médiévale des Mystères joués sur les parvis des églises ou dans les églises, et des allégories où chaque personnage incarne un type, comme l'Everyman repris par Philip Roth dans un de ses romans. Ce qui m'a aimanté, pour finir, dans cette pièce, ce sont dix vers magnifiques récités par une enfant dans un film de Carlos Saura : cette voix d'enfant m'a mené voir la pièce en français, puis persuadé de la lire dans cette version bilingue, ce qui multiplie les plaisirs, mais non la foi. Depuis Calderon, c'est le roman qui se charge de la grande entreprise littéraire de la désillusion.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
LE PAUVRE : Quelle bonne nouvelle !
LE RICHE : Cette voix qui nous a appelés ne te fait donc pas frémir ?
LE PAUVRE : Si.
LE RICHE : Tu ne cherches pas à fuir ?
LE PAUVRE : Non ; frémir est un mouvement naturel de l'âme pour celui qui, en tant qu'homme, craignait Dieu parce qu'il était Dieu. Mais la fuite sera inutile, car si le pouvoir n'a pas fui cette voix pour trouver un refuge inviolable, si la beauté ne l'a pas fuie pour trouver refuge dans sa vanité, comment la pauvreté le pourra-t-elle ? Je dois à cette voix mille reconnaissances, car, grâce à elle, ma douleur finira avec la vie.
LE RICHE : Pourquoi ne regrettes-tu pas de quitter la scène ?
LE PAUVRE : Je la quitte de bon gré, car je n'y laisse aucun bonheur.
LE RICHE : Pour moi, c'est comme si j'étais sur la potence, car je laisse mon cœur attaché à mes biens.
[...]
LE MONDE : Comme le Riche et le Pauvre sont opposés face à la mort !
LA SAGESSE : Et voilà, sur la scène je reste seule.
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Je sais bien que si l’homme
De son être avait le libre choix,
Aucun ne choisirait le rôle
D’endurer et de souffrir ;
Tous voudraient faire celui
De commander et de régir,
Sans voir, sans remarquer
Qu’en cet acte si singulier
Ils ne font que jouer
Ce qu’en fait ils pensent vivre.
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Qui s’étonnerait de voir
Que cette vie est une fleur
Qui doit naître avec l’aube
Et mourir avec l’ombre ?
Puisqu’on la dit si brève,
Jouissons de notre vie
Tant que nous la tenons ;
Faisons un dieu de notre ventre ;
Mangeons, aujourd’hui, et buvons,
Car demain il nous faudra mourir.
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Toute la beauté humaine
N’est qu’une fleur précoce ;
Qu’elle se fane donc :
Voici déjà venue la nuit de son aurore.
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Vidéo de Pedro Calderon de la Barca
CALDERÓN de la Barca – Une Vie, une Œuvre : Une vie en songe (France Culture, 1996) Émission "Une Vie, une Œuvre », par Jacques Munier, diffusée le 19 mai 1996 sur France Culture. Invités : Didier Souiller, Bernard Sesé, Marc Vitsé et Laura Alcoba.
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