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EAN : 9782843379970
752 pages
Anne Carrière (31/03/2023)
4.5/5   22 notes
Résumé :
1582, grand-duché de Toscane. Ilario d'Orcia apparaît sur la scène du monde. Par la plus petite porte, et en en conservant les proportions, puisque sa taille ne dépassera jamais celle d'un enfant. Mais si son corps est nain, son intelligence est vive et son appétit de savoir impérieux. Moinillon, peintre, ermite, médecin ou prophète, Ilario parcourt une Europe où se flétrissent les espérances d'une Renaissance désormais moribonde.
De Venise à Rome et de Malte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Le lecteur que je suis, après un tel livre se trouva bien dépourvu....
Quand l'heure de la critique fut venue....

HIC EXPLICIT OPUS MIHI
LABOR MEUS ERAT
VOLUPTAS SIT TIBI

Ici s'achève mon oeuvre
Labeur fut mien
Que le plaisir en soit vôtre

C'est ainsi que Philippe Cavalier clôture ainsi son "Parlement des Instincts",
C'est ainsi que Philippe Cavalier pose un point final sur les aventures d'Illario d'Orcia.

Et autant le dire tout de suite je viens de me rendre compte qu'il y a les romans historiques, et je le dis haut et fort il y a LE roman historique à la Philippe Cavalier.
Pour en avoir lu, un certain nombre il y a ceux dont vous avez du mal à en venir à bout, ceux qui une fois refermés vous laisse une empreinte aussi fugace que l'histoire qui file, ceux qui restent en vous et que l'on prend plaisir à relire pour se replonger dans l'atmosphère, l'époque et enfin ceux très restreints qui emportent tout sur leur passage. le Parlement des Instincts est de ceux là....

Je viens de me prendre, pardonnez-moi l'expression, une claque littéraire, un uppercut livresque, une cornucopia de richesses linguistiques, qui mérite non pas 5 ou 6 étoiles, mais bien plus que cela....

Ce livre est comme ce que les maîtres de Murano soufflaient à l'époque : une dague de verre qui était faite pour tuer, la confiée à un assassin afin qu'il retrouve sa future victime et la lui plante dans le ventre. Elle s'y brisera et les éclats remonteront lentement au coeur, entraînant la mort.

Et bien cet ouvrage est comme cette dague de verre, sauf qu'elle ne tue pas, sauf qu'elle n'est pas une arme de destruction. Ici elle brille de milles éclats, d'aventures, d'érudition, des petits fragments qui remontent au coeur, voire jusqu'au cerveau pour nous emmener loin très loin. Sur les pas d'Ilario d'Orcia qui se définit lui-même : "Toscan de naissance, vénitien d'éducation, à la fois romain et praguois par le coeur ; jusqu'à il y a peu, ermite par lassitude, et toute ma vie pèlerin par accident !"

Alors cher Monsieur Cavalier, je me doute le labeur que fut le votre pour nous offrir une telle oeuvre.
De la première page à la dernière, c'est à un véritable travail d'orfèvre que l'on assiste, tout y est ciselé avec une perfection rare...

C'est d'abord cette couverture. Telle une image d'Épinal que l'on a envie de tourner dans tous les sens pour en saisir les détails cachés voire invisibles, tels des indices semés comme des cailloux sur notre cheminement littéraire, et qui a chaque fois que vous fermez le livre semble vous scruter, vous attirer irrémédiablement à reprendre le livre en mains et poursuivre vos pérégrinations et celles d'Ilario....

De la première ligne posée sous forme d'Abecedarium cet exercice classique réalisé par les clercs et les copistes en préambule de leur séance de travail afin de chauffer à la fois leur plume et leurs doigts.

La phrase latine « Te canit abcelebratque polus rex gazifer hymnis » (Où il est dit de manière voilée que tout honore un précieux roi.) qui comprend la totalité ou presque des lettres de l'alphabet, tel un liminaire laissant augurer le meilleur :

"À peine mes doigts saisissent-ils la plume que déjà ma main tremble et que tentation me vient d'abandonner le projet de dire ma vie. Je me contrains cependant à mouiller d'encre l'instrument tout juste affûté car, à l'unique femme qui m'ait jamais aimé, j'ai fait le serment de mener cette tâche à bien, quoi qu'il m'en coûte. Cette promesse compte plus que tout. Malgré ce qu'on y verra, je suis ainsi résolu à ne rien cacher de mon existence. À sa façon, celle-ci est édifiante. Derrière les folies qu'elle recèle on pourra, je crois, beaucoup en apprendre. Mais que l'on ne m'accuse pas ici d'un excès de vanité. Ce sentiment ne m'habite pas ou, à dire le vrai, ne m'habite plus. Mon désir n'est pas à chercher dans le rappel et la contemplation satisfaite de qui je fus ou de ce que j'ai accompli, mais dans la célébration des trois vertus de Charité, d'Espérance et d'Amour. Charité envers cette gent humaine que j'ai pourtant si souvent vouée aux gémonies ; Espérance en la rédemption de mes péchés ; Amour, surtout, pour ceux qui ont à subir ces mêmes maux qui m'accablent. À lire mon récit, je l'espère, ils puiseront consolation et courage pour affronter ce monde des hommes qui n'est assurément pas plus fait pour eux qu'il ne l'était pour moi.
Car il me faut l'avouer dès maintenant : je suis de corps faussé. Un enfant en sa septième année est de taille meilleure que la mienne. Je suis nain. Mon visage n'est que tumeurs et contresens ; un amas de chairs trop gonflées ici, trop creusées là, pénible à la vue dans son ensemble… Voilà donc qui est révélé et je m'aperçois avec effroi qu'il m'a fallu bien peu de mots, en somme, pour dire de moi l'essentiel. Cependant, si ma laideur fut mon fardeau, elle fut aussi ce pourquoi j'ai contemplé le monde tel que peu l'ont vu. C'est qu'il y a quelques privilèges à être monstre, et même, parfois, un peu de bonheur aussi. Je ne mens pas. J'ai vendu mes difformités comme les belles filles sans le sou prostituent leurs grâces. Beauté et laideur ont ce point en commun d'allumer la fascination chez les bienheureux qui n'en sont point affligés, car il n'y a pas loin de la répulsion à l'attraction et les faveurs accordées si aisément à l'une peuvent, par perversité, se céder parfois à l'autre. Ainsi que mille étrangetés encore, mon histoire illustre ce paradoxe. Voici comment…"

Alors cher Monsieur Cavalier, je me doute le labeur que fut le votre pour nous offrir une telle oeuvre.

Une plongée dans une période foisonnante, une aventure haletante, au service d'une écriture précise, raffinée et magnifiée à moins que ce ne soit l'inverse. Alors certes c'est une lecture exigeante, mais c'est le moins que l'on doit à son auteur, dont l'exigence ou les exigences peuvent transparaître au fil des pages.... Ce serait lui manquer de respect que de ne pas accepter un minimum d'engagement.

Un voyage aux multiples étapes jalonné, comme si les cartes tirées lui donnaient raison, comme si les cartes tirées résumaient toute sa vie : " Voici d'abord l'Amoureux, m'apprit-il. Mais il est retourné, ce qui altère sa modification d'origine. Il y a ensuite la Grâce, elle aussi renversée. Après, c'est l'excellente Cornucopia qui se révèle. Elle est à l'endroit. La quatrième carte est la Faucheuse et la cinquième le Prisonnier. Viennent ensuite le Lion, le Diable et l'Étoile. Celle-ci est dans le mauvais sens. Enfin, ta série s'achève avec le Pape qui, lui aussi, a la tête à l'envers !"

De sa Toscane natale à Venise dont il dit : "De ce que j'ai vu ce soir, pour toujours mon âme est pleine ! Les musiques, les lumières, la foule, l'eau, les vaisseaux et les pierres ! Il y a plus ici que n'en peut contenir mon coeur. Jamais je n'aurais imaginé qu'existât un tel lieu. Comme si les Cieux étaient descendus sur terre ! Quand l'aube viendra, je crois que je pourrai mourir en paix, car j'aurai contemplé ce qu'il y a de plus beau ici-bas et c'est un privilège que je crois partagé par bien peu au regard de ce que je conçois du nombre des hommes. Venise, cette nuit, m'a rendu heureux de vivre !"

De Rome qui lui évoque ces mots : " Nous le sentions tous deux confusément, il y avait dans cette cité davantage de spectres que de vivants. de ses vingt-trois siècles d'existence, elle avait gardé toutes les traces : traces de ses splendeurs, traces aussi des injures que lui avaient fait subir les barbares de Brennus, d'Alaric, d'Odoacre et ceux, point si lointains, des lansquenets de Charles Quint. de ce que je vis de Rome en ce premier jour, il me reste avant tout l'image d'un chaos. En rien Rome ne ressemblait à Venise. Point de canaux sans nombre mais un seul cours d'eau, le Tibre, et non pas lourd et vif comme les belles rivières des Alpes, mais maigre, bas et vaseux sur ses rives. Point de maisons et de villas serrées à se toucher, mais de vastes friches entre les palais et les taudis ; des prés où des pâtres faisaient brouter des troupeaux devant d'antiques statues dont il ne restait bien souvent que la base et les pieds… Parmi ces vestiges d'autrefois, entre ces augustes colonnades et ces anciens tombeaux du temps des Césars, se dressaient les échafaudages des temps nouveaux. Car l'on bâtissait beaucoup à Rome, en cet âge où il fallait montrer au monde que les protestants étaient bien sots d'apprécier l'austérité. Marbre des Dolomites, feuilles d'or et d'argent, porphyres et albâtres… Rien n'était trop majestueux pour redonner à la Ville sainte l'éclat qu'elle n'aurait jamais dû perdre."

Puis Naples et Malte dans le sillage de Caravage qui lui inspirera entre autres mots : " Et voilà qu'aujourd'hui je me trouvais précisément devant un de ces maîtres ! Et peut-être même devant le plus grand d'entre eux ! Car il y avait dans ce tableau quelque chose qui, excédant les mots, perçait l'âme. "

" Toujours plus expressives, les toiles de Caravaggio paraissaient sublimes aux uns et scandaleuses aux autres, exaltantes autant qu'elles répugnaient. Chacun convenait pourtant qu'une incomparable puissance les animait. Cette énergie naissait d'un paradoxe. "

En Allemagne et à Prague où il passera du fond des mines à la cour du roi Rodolphe II de Habsbourg

Une documentation que j'imagine colossale, des références qui nous immergent dans cette Renaissance qui brille de ses derniers feux, qui va laisser place au Baroque, à de multiples bouleversements...

Ce sont 5 parties d'une vie contées par Ilario lui-même qui s'écoulent de 1598 à 1650 et qui portent des noms aussi mystérieux qu'emplis de sens qui se révèlent à posteriori, jugez-en plutôt :
- Kenose : lorsque la graine germe dans la terre fertile ;
- Parenklysis : lorsque le destin bouille ce qui paraît immuable ;
- Philautie : contemplation satisfaite se soi-même ;
- Hamartia : lorsqu'un esprit se dérègle et que ses désordres conduisent à la tragédie ;
- Anagnôrisis : reconnaissance et acceptation par une âme de la particularité de son destin ;

Mais la vie, sa vie est-elle une question de destin ou d'instinct :

"je retrouvai les cartes de tarot que le filou m'avait tirées à l'auberge, le soir de notre rencontre. Battant d'instinct le paquet, j'étalai sur le sol les neuf premières cartes. Diablerie ou hasard, se présentèrent à nouveau dans l'ordre exact où ils étaient autrefois apparus : l'Amoureux, la Grâce, la Cornucopia, la Faucheuse, le Prisonnier, le Lion, le Diable, l'Étoile et le Pape… En revoyant ces figures, ma gorge se noua. Ce jeu, en tout, avait prédit mon avenir ! L'Amoureux en quête de la Grâce, bien sûr, c'était moi. La Cornucopia, je l'avais bel et bien trouvée dans les monts Erzgebirge. La Faucheuse, c'était ce Malek Azraël dont j'avais été si souvent le serviteur et dont la fresque sur le mur de cette chapelle rappelait encore la suzeraineté sur ma destinée. le Prisonnier… Combien de fois m'avait-on enfermé dans ma vie ? Luciano la Hulotte l'avait fait dans l'appentis de la cabane aux chèvres ; Rioba, dans la hotte en osier battant au flanc de sa mule ; maître Adinolfi, aux premiers jours de mon arrivée à la Villa Valmarana ; le maestro Barovier, dans son dépôt aux cassons ; Fiametta, dans la cahute de l'Arsenal ; les magistrats vénitiens aux Plombs puis dans la cheba ; le barigel de Rome, dans la chiourme du père Fugo ; l'empereur Matthias dans la tour Blanche… Captif, ça oui, je l'avais été ! Quant au lion, c'était Némée, bien sûr ! Sans oublier sa mère qui m'avait sauvé d'Ipolkar et de la comtesse Bátoriová. Et le Diable ? le Kapitän von Baalberg et son maudit Rübezuhl. sûrement. Oui ! Même si la lame représentant l'ennemi de Dieu s'intitulait Baphomet. le caractère androgyne de la créature qui l'illustrait correspondait bien au chef de bande et à Anká la sorcière, tous deux adorateurs de Lucifer… Demeuraient les cartes de l'Étoile et du Pape ! Assurément pas encore apparues dans ma vie et cependant les meilleures d'entre toutes ces promesses ! À quoi allaient-elles renvoyer ? Pour le savoir, la méthode n'était point compliquée : il fallait tout simplement s'obstiner à vivre !"

On dit que le diable se niche dans les détails, et dans cet ouvrage il faut aller les lire jusque dans les remerciements, chez Philippe Cavalier je dirais que c'est plutôt la perfection qui se niche dans les détails....
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« le Parlement des instincts » de Philippe Cavalier (Éditions Anne Carrière, 2023), raconte l'histoire d'Ilario d'Orcia, un nain déposé, en 1582, devant la porte du monastère de San Giacomo, en Toscane, tandis qu'il était encore un jeune nourrisson.


Auprès des moines qui le recueillent et l'éduquent sans délicatesse avec d'autres enfants qui le harcèlent, Ilario, pris sous la sauvegarde d'un moine érudit, s'illustre par une intelligence extraordinaire. Il apprend très vite la lecture, l'art de l'herboristerie, la médecine, la religion, etc. Sa soif d'apprendre et de connaitre est intarissable.


Puis, il part sillonner l'Europe du XVIe siècle à la recherche de la Vérité. C'est alors une époque de découverte qui débute pour Ilario : des savants, des canailles, des artistes, de puissants gouvernants.


Mais, c'est également le temps des amours et des amitiés contrariées. Ilario, complexe et fascinant, à la fois intelligent, sensible et impétueux –néanmoins profondément humain – est sans cesse en quête de comprendre le monde qui l'entoure, et d'y trouver sa place.


L'histoire est riche, foisonnante, passionnante et prenante. Elle implique philosophie, histoire, politique et religion. La prose de Philippe Cavalier est prodigieusement délicieuse, écrite avec beaucoup de finesse – chaque mot est choisi avec attention – d'une particulière élégance empruntée au langage châtié et fleuri de l'époque.


C'est une authentique délectation !


Bref, « Le Parlement des instincts » est un roman ambitieux et parfaitement réussi. C'est un récit qui fait réfléchir, rêver et voyager.


J'ai particulièrement adoré ce roman parce qu'il est une métaphore de la nature humaine. Les instincts sont les forces inconscientes qui nous poussent à agir. Ils sont souvent considérés comme négatifs, mais ils peuvent aussi être positifs et nous aider à survivre, à nous reproduire et à nous épanouir.


J'ai lu « Le parlement des instincts » comme une quête de la Vérité. Ilario est un nain qui parcourt l'Europe au XVIe siècle à la recherche de la Vérité. Mais, il rencontre de nombreuses personnes différentes, et il apprend à connaître ses propres instincts. Il découvre que ceux-ci ne sont pas toujours mauvais, et qu'ils peuvent même être une source de sagesse…


Je recommande vivement cet excellent roman à tous ceux qui aiment la littérature de qualité.


Bonne lecture.


Michel.


Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
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Ce  long roman picaresque et baroque retrace la grande et petite histoire entre 1582et1625. des régions fréquentées par Illario llorca, héros et narrateur.
Ecrites à la premiere personne,il rapporte ses tumultueuses aventures.
Sous forme d'un feuilletonnage foisonnant, l'action mélange réel et vision onirique des événements .
le nain Ilario d'Orcia  relate sa vie, à la 1ere personne.   C'est un être sensible, passionné , un tueur sans scrupules, capable de justifier  ses actes, d'en exprimer une onctueuse contrition...
Confié aux bons soins d'une communauté monastique. Intelligent, puis déterminé à s'extraire de ce milieu obtus et volontier brutal, , il apprend à lire et écrire , a peindre a la fresca, avant de découvrir quelques notions de philosophie, source des conflits religieux de cette periode.
Car il se lie toujours a des éléments de la société qui peuvent l'enrichir culturellement ou intellectuellement... C'est un don et il en est fier .
Enlevé, il est vendu à La Republique de Venise "la Dominante" qui va devenir sa mere patrie. Il y  apprendra l'espionnage puis sera admis dans la corporation des prospecteurs et mineurs, les walem avant de fuir à Rome où il découvre la renaissance artistique puis l'art baroque, le maniérisme même, se lie d'amitié avec  Caravaggio. Puis il fréquente Prague et la cour de Frédéric de prusse. Les conflits entre réformés et impériaux lui font commettre _  toujours à son corps défendant _ quelques belles turpitudes. Ces périodes troubles évoquent les tableaux de Bruegel, les gravures dr Jacques Callot.Illario devient  saint Gerome,accompagné d'un lion servile. Dürer est évoqué.
De nouvelles philosophies égalitaires, utopiques provoquent une  révolte, croisade des femmes dans une Europe déchirée .... sanglante.
Il devient "un nain fasciné par une orpheline exaltée dans un monde saisi par la guerre" .
Beaucoup de fluides en tous genres: sang, sperme, urines, selles...
La libération des femmes n'est pas encore aquise, malgré une tentative de revolte.

Plusieurs fois condamné , notre héros parvient toujours a s'échapper pour réapparaître plus loin, plus haut. Un vrai Mick Gayver :capable de forcer une serrure avec un os de pigeon !... Après avoir mangé ce dernier.
Pour franchir le cap de chaque épisode, une solution de B. D., facon Mickey nous est délivrée... parce qu'il est astucieux !

Magnifique prose , l'écriture est enrichie par le parler et les écrits de cette fin de renaissance, les références aux ecrivains, religieux, philosophes, _dont Kepler _ multiples sont précisées en notes en bas de page.

Donc : _ pour cette fresque historique, magnifiquement rapportée par une plume digne de ce 16_ 17eme siècle ,
_ malgré la personnalité du héros-narrateur, que je qualifirai de peu attachante voir franchement déplaisante ,
_ malgré la longueur de cette hagiographie, du nombres de ses rebondissements : notre nain en fait toujours plus, et trop ? pour nous épater , nous lecteurs..
.... 4 sur 5....
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Je referme le livre après avoir passé 25 jours en sa compagnie. Deux questions me viennent : comment écrire la chronique d'un livre aussi foisonnant ? et la deuxième, que lire après ça ? 

Philippe Cavalier nous livre un roman-feuilleton épique. Nous suivons l'épopée et la destinée hors du commun d'Ilario d'Orcia, nourrisson difforme abandonné aux portes d'un monastère toscan. Son destin le mènera à Venise, Rome, Naple, Malte, Prague, Paris et enfin Venise. Il croisera le Caravage, deviendra le bras droit de Rodolphe II de Habsbourg, croisera même les trois mousquetaires. 

Je ne saurais trop vous conseiller d'aller lire les notes de bas de page qui m'ont appris énormément de choses. de vraies notes qui ne se contentent pas de citer une source, une note du traducteur ou un « en français dans le texte » mais qui démontrent au contraire la grande érudition de l'auteur. 

Je ne résumerai pas ici les cinq parties qui composent ce livre, d'autres critiques l'ayant fait mieux que je ne saurais le faire. Je me suis délectée du style de l'écriture de Philippe Cavalier, proche des grands classiques. 
Il me prend l'envie de relire plusieurs livres : le Soleil sous la soie d'Eric Marchal, les romans de Dumas, le parfum de Süskind, car ce roman est un peu tout ça à la fois.


Les dernières pages nous laissent entrevoir, pour notre plus grand bonheur, qu'il pourrait y avoir une suite, car Ilario d'Orcia ne nous raconte pas tout en détail « Il faudrait encore mille pages pour en conter les manières et les péripéties. (…) S'il me reste encore un peu de souffle une fois ce présent récit achevé, peut-être en dirai-je au complet les aventures car je suis certain qu'elles amuseraient beaucoup. 


Un grand roman et un héros qui restera longtemps dans ma mémoire. 


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Pavé de 934 pages (version Kindle), impossible d'y voir des longueurs.

C'est un voyage aux multiples étapes que va accomplir Ilario, ce bébé contrefait déposé devant la porte d'un monastère toscan. Nain au corps tordu et au faciès assez repoussant, il aura un destin de légende et vivra une épopée fabuleuse, une sorte de parcours initiatique, à la fin du XVIème et au début du XVIIème siècles. le roman est présenté comme les mémoires qu'Ilario écrit à la fin de son incroyable vie. Voici comment il se définit : "Toscan de naissance, vénitien d'éducation, à la fois romain et praguois par le coeur ; jusqu'à il y a peu, ermite par lassitude, et toute ma vie pèlerin par accident !" A Venise, il affirme que le Caravage lui dût l'éclat de ses pigments. Qu'il découvrit un fabuleux trésor au fond d'un gouffre, dans les contrées de la Tchéquie. Qu'à Prague il côtoya l'empereur Rodolphe II de Habsbourg. Que, condamné à mort, il s'évada d'une cage suspendue. Ou qu'il suivit une sainte dans sa croisade. Cependant ce qui est certain c'est qu'il brille par sa vivacité d'esprit et son intelligence. C'est une époque de violence, d'excès et de vanité. Alors que valent l'innocence et la sincérité ? Pourtant c'est que ce personnage défendra tout au long de son périple.
Philippe Cavalier est un formidable conteur et les descriptions sont d'une telle précision que l'on pourrait presque entendre les cris, se sentir plongé dans le tumulte et humer les fragrances ou la puanteur.
De plus je n'ose imaginer le temps qu'il a consacré aux recherches. Les détails de la grande et de la petite histoire sont nombreux. Toutes les références et annotations en fin de chaque partie sont très intéressantes.

La langue est recherchée mais pas précieuse. Pas une seule faute à relever. Comme c'est agréable !

Je recommande vivement cet ouvrage.
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critiques presse (2)
Marianne_
16 mai 2023
Curieux destin aussi que celui de Philippe Cavalier, auteur inclassable qui fait œuvre personnelle à travers des genres très codés dont il aime à détourner et mêler les figures : roman historique, fresque d'espionnage... Son éditrice Anne Carrière est tellement convaincue de son originalité qu'en même temps que sort cet énorme « Parlement des instincts », elle crée une « Bibliothèque Philippe Cavalier » ...
Lire la critique sur le site : Marianne_
LeMonde
21 avril 2023
Après s’être passionné pour les années 1930-1940 dans Le Siècle des chimères, pour le XVIIIe siècle dans Le Marquis d’Orgèves et pour l’Antiquité dans Les Neuf Noms du soleil (tous chez Anne Carrière), Philippe Cavalier suit ici les pas d’Ilario, un nain abandonné en 1582 à la porte d’un monastère.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
On leva trois grilles afin que j’entre dans la cour du château. À ceux qui n’ont jamais contemplé ce monument, il faut apprendre que son aspect ne réjouit point le cœur, car c’est un bastion militaire établi en plein centre de Rome, un donjon austère dont les fondations s’enracinent dans le Tibre. Refuge à quatre-vingts canons pour le pape, il est surtout cachots pour ses ennemis. Pour avoir résisté aux dépossessions qu’il entendait lui faire subir, le pape Alexandre VI y avait autrefois longuement emprisonné Caterina Sforza, la condamnant à vivre au milieu des rats, dans une cellule souterraine chaque jour inondée par les eaux du fleuve, afin de l’humilier et de la rendre folle. Devenue bête, la pauvre femme avait fini par hurler si fort qu’il avait fallu boucher tous les soupiraux à la paille et à l’étoupe pour protéger le sommeil du Borgia. Cette histoire, bien qu’ancienne, était connue. Mais combien d’autres tortures avaient été secrètement pratiquées dans ces murs ? Et combien s’y commettaient encore ? Avec son architecture en spirales, le château me fit songer à un serpent. Non à une vipère commune qui se projette et mord, mais à un de ces immenses reptiles des Indes occidentales dont on prétend qu’ils se laissent tomber des arbres puis étouffent et broient, faisant lentement craquer les os de leurs victimes jusqu’à ne laisser que de la pulpe à l’intérieur. Les couloirs étaient des boyaux où il me semblait subir pire constriction que celle que j’avais précédemment ressentie lors de mes pérégrinations dans les entrailles de la terre…
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Il est curieux que la mémoire ne retienne rien de notre commencement. À quel âge nos plus anciens souvenirs remontent-ils ? Lorsque nous avons trois ans ? Ou plutôt cinq ? Bien plus tard encore pour beaucoup d’entre nous, ai-je appris. Quoi qu’il en soit, cela est trop tardif et c’est un grand dommage. Si j’avais pu conserver quelques images de mes premiers instants, sûrement j’y aurais compté les visages de ma mère et de mon père. Étaient-ils, comme moi, nabots ? Non, j’en suis convaincu, car tout est là pour en témoigner : je suis né rabougri et froissé d’un homme et d’une femme pourtant sans tares. Je me suis souvent demandé quelle avait été la réaction de mes géniteurs lorsque leur fils était apparu, si mal proportionné, au sortir de la matrice. J’imagine la déception, les larmes, les frissons et les regrets… J’imagine ma mère, si répugnée de moi qu’elle refuse même de m’accrocher à son sein. J’imagine mon père, humilié et honteux d’avoir procréé un avorton. La tête entre les mains, il s’interroge. A-t-il, sans le savoir, insulté le Ciel ? A-t-il fauté ? A-t-il trahi ? Pourquoi cette punition ? Longtemps il se tourmente en vain. Ses questions restées sans réponse, il décide alors que je suis une épreuve que Dieu lui soumet. Il se reprend. Console son épouse. Regarde dans le berceau où je sommeille. Il pleure sans bruit. Sa colère est devenue tristesse. Des pauvres se seraient débarrassés de moi. Peut-être aurais-je fini dans une auge pour nourrir les animaux de la basse-cour. Peut-être aurais-je été enfoui dans un taillis pour y mourir de froid en quelques heures. Peut-être… Mais il se trouve que mon destin fut autre, et voilà pourquoi je pense malgré tout que mon père et ma mère, à leur façon, avaient bien de la bonté. Je ne leur en veux plus de m’avoir rejeté.

(INCIPIT)
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Il n'y rien de mystérieux en ce monde, soutenait ... Kepler. Tout s'explique. En vérité, l'astronomie est la plus haute branche de la théologie, car Dieu est le plus parfait des mathématiciens. Toutes les lois de son cosmos sont écrites en équations. Viendra le jour où nous les connaîtrons dans leur ensemble ...

_ Tout s'expliquera ?! s'exclamait alors l'empereur. Je ne puis décider s'il faut s'impatienter ou trembler à cette perspective !

Et pourquoi, Votre Grâce ?

Où sera le plaisir de vivre si les mystères se sont enfuis ? Que nous restera-t-il à faire ? Vers quoi nos pensées se tourneront-elles ?

_ Vers encore un million de choses et plus, car si nous connaissons les lois qui régissent la matière, nous pourrons les modifier à notre guise en vue de biens toujours plus grands ! À commencer par le premier d'entre eux : faire de tous les hommes des frères !

_ Mistr Kepler, sachez que je vous aime, et même mieux que cela : je vous respecte. Néanmoins, vos idées me terrifient.
Pensez-vous donc les hommes assez sages pour qu'ils œuvrent spontanément à répandre l'amour universel ? Si vous leur en donnez les moyens, c'est vers le pire qu'ils se dirigeront, non vers le meilleur. Moi, je crois qu'il leur faut craindre, et même ignorer un peu. Sinon, c'est l'anarchie qui régnera et vos beaux espoirs de concorde générale se transformeront en un cauchemar de guerres, non de royaume à royaume mais de tous contre tous ! L'homme se tournera contre la femme et la femme contre l'homme ; l'enfant jettera des pierres au vieillard tandis que l'ancêtre noiera le nouveau-né ; le seigneur écrasera le plébéien et le roturier coupera la tête aux aristocrates.

En un mot, ce sera la folie.

_ Non, Sire ! L'universalité et l'évidence de la raison changeront l'humanité et la rendront plus douce, car si l'on peut douter de Dieu, on ne peut douter de la logique. Les hommes font le mal par mauvaise instruction. Non par propre volonté
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Le rire, étant donc une arme, est également signe de reconnaissance entre beaux esprits. On peut dire une chose en riant et en faire comprendre une autre à qui est familier du double sens. Les sots ne font que s'esclaffer de la grossièreté, alors que les sages saisissent la pensée interdite voilée sous la vulgarité de la forme.

Le rire ... a cette puissance rare - une puissance triple - de leurrer les ignares, de scandaliser les tièdes mais d'édifier les êtres de raison percevant au-delà des apparences : le rire est une arme parce que le rire est un code !
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Étendu dans l’ombre et le silence, je n’aurais su dire si j’étais revenu dans la matrice qui m’avait porté ou enseveli déjà dans ma sépulture. Certes, mes yeux étaient ouverts, et pourtant c’était comme si j’étais aveugle. Ma poitrine se soulevait, mais c’est à peine si je respirais. Mon esprit lui-même réagissait encore, cependant nulle pensée ne s’y formait. Où étais-je ? À quel moment était-ce ? Tant d’années vides s’étaient écoulées depuis que j’avais fui la comtesse Bátoriová que j’avais perdu toute notion de l’espace et du temps. À ne point avoir émis de paroles depuis si longtemps, ma bouche ne savait plus que grogner. Ma langue avait oublié les mots et mes lèvres le sourire, et si ma mâchoire s’ouvrait encore, ce n’était que pour dévorer la viande que déposait à mes pieds mon seul compagnon au retour de sa chasse.
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