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Capitale du sud tome 2 sur 3
EAN : 9782253103530
416 pages
Le Livre de Poche (27/09/2023)
  Existe en édition audio
4.48/5   444 notes
Résumé :
Nox, l’ancien commis d’épicerie, est désormais seul maître à bord de l’échoppe Saint-Vivant. Il a pris ses distances avec la maison de la Caouane qui, enfant, l’avait recueilli. Mais, alors que l’hiver touche à sa fin, les problèmes refont surface. Tout ce que la Cité compte d’opposants au Duc Servaint s’est mis en tête que le Duc devait mourir, et que la main qui le frapperait serait celle de Nox.
Mais consentira-t-il à tuer l’homme qui l’a élevé ? De sa dé... >Voir plus
Que lire après Capitale du Sud, tome 2 : Trois luciolesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (77) Voir plus Ajouter une critique
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Ex-Nihilo…A partir de rien, du moins de presque rien, d'aucune référence dans le genre, je suis entrée à petits pas chassés dans cette double trilogie de fantasy.
Ex-Nihilo, si la SF fait partie de mes lectures habituelles, je connais peu la Fantasy. La différence est de taille : si la SF propose des futurs possibles en les expliquant, la Fantasy suppose d'accepter l'étrange qui surgit, de mettre de côté toute rationalité pour accepter des phénomènes surnaturels totalement imaginaires. de faire un pas de côté, de se laisser porter. C'est une façon de relire certains mythes, d'aborder les rapports humains et certaines problématiques sociétales autrement.
Ex-Nihilo j'ai eu le bonheur d'y rencontrer le Nihilo. Ce rien qui vous rend invisible, vous permet de vous retrouver, de fuir à grandes enjambées, mais, si vous y restez trop longtemps, sa brume peut vous déchiqueter. Vous laisser en miettes. Un monde en miroir, aussi sombre que l'autre est coloré, aussi silencieux que l'autre est bruyant, un monde en noir et blanc dégageant un charme gothique des plus envoutants, sorte de photo négatif du monde réel.


Parfum de dragée
Le ciel est d'un blanc d'acier
Qui blesse les yeux
Enrobant d'un silence rond
Mes rêveries les plus noires


Rappelons, en quelques lignes, l'objectif ambitieux de ce projet littéraire, un projet dual composé à quatre mains intitulé le cycle de la Tour de Garde: deux trilogies écrites par deux auteurs. Guillaume Chamanadjian est l'auteur de la trilogie de Capitale du Sud et Claire Duvivier de celle relative à la Capitale du Nord. Deux capitales distantes aux moeurs, à l'urbanité, aux couleurs différentes et qui vont, au fil des tomes, être amenées à tisser des liens entre elles. Je tiens à souligner l'excellente idée d'avoir placé un très bon résumé du tome 1 au début du livre ainsi que la liste de tous les personnages. C'est suffisamment rare pour être salué, les lecteurs qui auraient laissé passer quelque temps entre deux tomes peuvent poursuivre l'aventure en toute confiance.


Le tome 2 d'une trilogie est souvent le tome de la plongée totale dans l'univers d'un auteur. le premier tome a planté le décor, instillé l'ambiance propre à la série, présenté les personnages auxquels le lecteur s'est attaché, planté les germes des intrigues à venir. Et lorsqu'il s'agit de lecture de l'imaginaire, de fantasy donc ici, ce tome a fait toucher du doigt au lecteur, avec subtilité et sans excès, l'élément étrange qui viendra prendre plus de place au fur et à mesure de l'histoire. Ce deuxième tome déroule ainsi plus profondément l'intrigue - et quelle intrigue, ourdie de manipulations et de complots ! - apporte les nuances au contexte dressé à grands coups de pinceau dans le précédent tome ; il donne à cet élément étrange entraperçu auparavant le véritable pas de côté donnant à la série toute sa singularité.
Avec ce tome 2 "Les trois lucioles", c'est une véritable épopée que nous vivons menée tambour battant, petite musique rythmée nous ouvrant la porte à un monde dual. C'est haletant, captivant, intelligemment construit et totalement dépaysant.


C'est avec une grande joie et une certaine impatience que je suis revenue en capitale du Sud, à Gemina. D'inspiration florentine, cette ville foisonne d'odeurs, de couleurs, de bruits. Une ville latine, généreuse, vivante, sanguine, dans laquelle les légendes et la poésie jouent un rôle important dans la construction identitaire et culturelle de chaque citoyen. Gemina contraste avec l'élégante Dehaven, Capitale du Nord plus froide et structurée, plus rationnelle et pragmatique. L'écriture de Claire Duviver est plus froide, distante, nonchalante à l'image de la ville. J'avais hâte de retrouver la chaleur de Gemina, son goût pour la bonne chair, ses mets divers et variés tels que les supions à l'ail et aux épices, ses gâteaux aux noix et à la crème d'amande surmonté d'une cerise confite dans le miel, ainsi que son vin capiteux notamment celui des Lucioles, qui donne d'ailleurs son nom à ce tome. Une ville éminemment sensuelle et solaire.


« Sa peau était constellée de taches de rousseur, mais elle luisait dans le soleil d'hiver. La courbure de ses seins, ronds comme des oranges, s'exhibait devant mon regard gêné ».


Mais une ville dans laquelle règnent plusieurs Maisons qui toutes se battent pour avoir le pouvoir et l'influence sur les autres, lutte de pouvoir à la Game of Throne. J'ai retrouvé avec émotion Nox, auquel je me suis définitivement attaché, désormais simple épicier, seul maître à bord de l'échoppe Saint-Vivant, depuis qu'il a juré de ne plus jamais remettre les pieds auprès du Duc de Servaint de la Maison de la Couane. Il faut dire que le tome 1 s'était terminé par une guerre civile provoquée par ce duc, celui-ci même qui a recueilli Nox et sa soeur enfants. Nox se retrouve tiraillé entre ce que ce Duc a fait pour lui enfant et ce que sa soif de pouvoir a provoqué. Après l'assassinat par empoisonnement de la fille du duc de l'Hirondelle et la destruction de l'Olivier mythique de la Cité au cours d'une bataille aussi brève que brutale, la ville panse ses plaies. Entre les différentes Maisons les tensions sont vives, notamment entre les Maisons du Port et celles du Massif la rupture est consommée. le duc Servaint, hier en position de force, compte ses alliés sur les doigts de la main et beaucoup veulent sa peau.

La trame du livre est ourdie de manipulations et de complots, tissée de luttes intestines. Différentes forces en présence (dont une particulièrement étrange et fantastique) pressent le jeune homme de tuer Servaint. Mais consentira-t-il à tuer l'homme qui l'a élevé ? de sa décision dépendra le destin de Gemina. Les jeux de pouvoir, les coups stratégiques semblent faire de la ville un échiquier géant sur lequel il faut savoir compter ses coups à l'avance pour pouvoir s'en sortir. de nouvelles pièces sans cesse surgissent tandis que l'avantage stratégique du jeune homme se trouve précisément dans son étonnante faculté de pouvoir disparaitre du monde réel quand il le veut pour basculer dans ce monde invisible et dangereux du Nihilo, immense et vide. Gare à ne pas se laisser toucher par la brume sous menace de se faire avaler et de disparaitre totalement…


J'aime regarder
Les immensités sans borne
Le ciel et la terre –
Oublier les sens, les formes
Des lignes et des frontières


J'ai apprécié ce récit, j'ai particulièrement aimé plusieurs choses qui sont toutes venues colorer mon expérience dans le domaine de la Fantasy.
Tout d'abord, et c'est une grande différence avec le récit logique dédié à la Capitale du Nord, la part belle faite à l'intuition, aux ressentis, l'attention aux dissonances qui fait partie de l'acquisition de la connaissance. Elle nous rend attentive à chaque élément, chaque mot prononcé. Comme pour le premier tome, les aspects sensoriels du récit me plaisent énormément, ponctuant l'épopée de saveurs douces-amères.
J'aime par ailleurs l'urbanité de ce projet littéraire, cette façon d'aborder deux villes très différentes laissant entrevoir deux cultures opposées, cette ville de Gemina aussi lascive qu'est corsetée Dehaven, sensualité qui se manifeste dans l'organisation de la ville, ses ruelles étroites, ses courbes lorsque celle de Dehaven est toute en ligne et en canaux structurés. On voit de plus en plus de liens entre les deux villes et la politique de Dehaven qui vise à mener une guerre à ses colonies a des conséquences réelles sur Gemina, notamment en termes de réfugiés qui demandent à venir vivre à Gemina.
Le sort qui est fait aux réfugiés, relégués dans des sortes de no mans 'land aux conditions de vie déplorables, le mépris accordé à l'étranger, est troublant d'actualité. La ville est d'ailleurs coupée de toute invasion par les Terres grâce à une immense muraille et ses sept grandes Portes, dont l'imposante Porte de la Grouse…Troublant là encore. Par ailleurs, le phénomène surnaturel du Nihilo est captivant et constitue le point commun avec la ville de Dehaven, nous avions en effet perçu ce monde parallèle dans le tome 1 de la Capitale du Nord mais de façon différente, de manière plus obsédante et violente. Je suis curieuse de savoir si c'est vraiment le même monde parallèle.
Enfin, si le projet est dual avec ces deux capitales, la ville même de Gemina est elle-même toute en dualité : le Nihilo, reflet de la ville de Gemina, Nox aussi lumineux et bon que sa soeur Daphné est perfide, les deux soeurs fondatrices de la cité, transformées en deux oliviers mythiques…dualité ne voulant en aucun cas signifier manichéisme dans le livre. Une dualité subtile, douce, qui fait sens.


En attendant la suite, et notamment le tome 2 de la Capitale du Nord, ayant choisi de lire les deux trilogies de façon entrelacée, je me prends à rêver de pouvoir à mon tour échapper à la réalité en ayant ce pouvoir incroyable de disparaitre dans un monde parallèle, certes dangereux et sombre, mais attirant par sa quiétude et son silence, par son invisibilité protectrice. Et pouvoir en ressortir à tout moment pour mieux faire partie du chant de la Cité et mieux composer de façon lumineuse dans la vie, comme on sortirait d'un rêve étrange, même si dehors il fait mauve, et déjà la vie hésite.


A frotter mes yeux
Toute la nuit s'en va
Dans les paumes creuses
De couleur lait entier
Et ébène de rosée

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La vie semble être revenue à peu près à la normale pour Nox après les évènements dramatiques qui ont marqué la fin du Sang de la cité, premier roman de la trilogie Capitale du Sud. Il est à nouveau dans son épicerie à commercer avec talent. Mais en fait, toute la ville est encore sous le choc du meurtre de la fille du duc de l'Hirondelle. Ses conséquences n'en sont qu'à leur début : la guerre civile menace, à coups d'échauffourées et d'explosions sporadiques.

La plupart des maisons (et il y en a beaucoup) qui composent la cité de Gemina ont choisi leur camp. Deux grandes coalitions, aux contours encore un peu flous, s'opposent. Leur but à toutes deux : prendre le pouvoir sur la cité en écrasant l'autre. le duc Servaint, chef de la maison de la Caouane, celui qui a sauvé et élevé Nox, est au centre de toutes les attentions. La preuve ? Nox reçoit des propositions de pas moins de quatre groupes pour l'assassiner. Dans le but d'aider Gemina, bien évidemment ! Enfin, officiellement. En fait, chaque faction place ses pions, comme sur un plateau de tour de garde, espérant monter en grade, récupérer des territoires, de l'influence. Bref, la routine. Mais pour Nox, la tension est à son comble : comment gérer une telle situation ? Car, s'il n'obtempère pas, les vies de ses proches sont menacées. Difficile de trouver une bonne solution.

Et tout cela se déroule sans temps mort. À peine la lecture commencée, le temps de reprendre contact avec le monde créé par Guillaume Chamanadjian, se rappeler qui est qui (à ce propos, merci pour le « résumé du premier tome » qui ouvre le roman : on devrait en trouver un dans toutes les séries, histoire d'éviter, quand on ne lit pas les romans à la suite, de devoir se faire des fiches, ou des noeuds au cerveau en essayant de se remémorer les intrigues secondaires), que l'action repart. Sur des chapeaux de roue. Et, à part pour une courte respiration dans la deuxième partie du récit, cela n'arrêtera pas. Et cela sans excès : je veux dire que cela ne paraît pas artificiel. Les évènements s'enchainent avec logique. C'est juste que Nox, comme Servaint, est au centre de la cité pour ce temps. En attendant, il doit être bien fatigué, à la fin de l'épisode, Nox !

Et pourtant, combien de fois, dans ce volume, me suis-je demandé quand il allait enfin prendre une vraie décision ? Car Nox passe son temps à ne pas choisir. Il est mis devant le fait accompli, placé devant des choix cornéliens et en aucun cas satisfaisants. Résultat, il ne sait que faire. Et ne fait rien, réellement. Et quand il finit par agir, ce n'est pas de sa propre volonté. Il y est forcé par le cours des choses, par l'accélération des évènements. Mais cela ne le rend pas antipathique pour autant. Vraiment pas. Car qu'aurais-je fait à sa place ? Pas mieux, à mon avis. On ne peut donc qu'éprouver de la sympathie, voire de l'empathie pour ce jeune homme, ballotté dès sa naissance à droite à gauche, au gré des volontés de personnes plus préoccupées par leur sort ou leurs buts que par le bonheur d'un jeune « Suceur d'Os ». Il est rarement apprécié pour lui-même. Il est vu comme un pion par tellement de monde qu'on se demande comment il peut encore conserver la moindre confiance envers l'humanité. D'autant qu'il a une soeur phénoménalement cruelle et folle. Avec une telle famille, comment le bonheur est-il possible ? Peut-on vraiment espérer un dénouement heureux ?

En attendant de le découvrir, ce dénouement, on se promène, à la lecture de Trois lucioles, dans de nouveaux décors. Car la ville ne suffit plus à l'affrontement qui prend de l'ampleur. le Nihilo est, bien sûr, de plus en plus utilisé par Nox, qui le maitrise de mieux en mieux. Mais il va se déplacer ailleurs, encore. L'Entre-Deux, vous connaissez ? Une zone située derrière la muraille qui ceint la Cité. Mais avant la deuxième muraille qui, elle, protège le royaume de toute invasion : remparts gigantesques, portes massives quasi-cyclopéennes. Histoire de laisser la misère au dehors. Car, on entend des échos de l'extérieur. Et dans les autres pays, tout ne va pas bien. Un ennemi sans pitié fond sur les autres cités. Une jeune femme rescapée tentera d'alerter Nox et ses concitoyens. Mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. D'ailleurs, un des personnages va jusqu'à dire : « Crois-tu que nous sommes tenus d'accueillir tous les mendiants venus des confins ? Nous avons nos propres problèmes. » Écho hélas pas très agréable à des préoccupations actuelles et qui devraient s'intensifier avec le changement climatique qu'on nous annonce depuis longtemps déjà. Mais sans réel effet sur nos décisions. Mais tout cela est un autre sujet… quoique.

Comme je le disais en parlant des Épreuves de Koli de M.R. Carey, une suite est toujours incertaine : vais-je accrocher autant que dans le premier volume ? Vais-je ressentir la même passion pour les personnages et leurs aventures ? Eh bien là encore, cette inquiétude n'était pas fondée. Trois lucioles a réussi à m'embarquer aussi rapidement que le sang de la Cité (qui a reçu le prix du roman francophone aux imaginales 2022) et ce pour toute la durée du roman. Guillaume Chamanadjian possède décidément une grande intelligence de narration et sait mettre en valeur ses personnages. Il nous les rend indispensables et l'attente jusqu'à la conclusion de cette trilogie sera longue. Heureusement que nous pourrons patienter avec Mort aux geaix ! son pendant du Nord (la suite de Citadins de demain de Claire Duvivier) à paraître en octobre prochain.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Les entreprises ambitieuses en fantasy francophone se comptent sur les doigts d'une main et le cycle de la Tour de Garde y figure en bonne position. Entrelaçant deux trilogies de romans écrits par Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier, la saga nous emmène dans deux capitales d'un monde aussi riche que mystérieux.
Après le Sang de la Cité, voici que Nohamux de la Caouane nous revient dans Trois Lucioles alors que Gemina semble sur le point d'imploser…

Sur de bonnes bases
Nous avions laissé Gemina en bien piteux état et ce qui est certain dès les premières pages de Trois Lucioles, c'est que les choses vont aller de mal en pis. Après l'assassinat de la fille du duc de l'Hirondelle et la destruction de l'Olivier mythique de la Cité au cours d'une bataille aussi brève que brutale, Gemina panse ses plaies. Entre les maisons du Port et celles du Massif, la rupture est consommée et le duc Servaint, hier en position de force, compte ses alliés en espérant survivre à la guerre civile qui s'annonce.
De son côté, Nox est devenu le seul gérant de l'enseigne du Saint-Vivant aidé de ses fidèles commis et par la flatteuse réputation acquise au fil des ans par l'épicerie. Il semble pourtant que le temps du vin et des pâtisseries est bel et bien révolu pour le fils adoptif du duc de la Caouane puisque tout le monde souhaite l'utiliser afin de raccourcir Servaint et de s'emparer de la Maison de la Tortue. Ajoutons à cela que Symètre, l'amie de Nox, est dans le viseur de la Recluse depuis qu'il a dévoilé des talents insensés pour modeler la pierre, et voilà notre héros dans de sales draps !
Guillaume Chamanadjian repart donc sur les chapeaux de roue dès les premières pages en poursuivant son intrigue politique à la Game of Thrones autour des maisons ducales de Gemina.
Cette fois, les choses sont en place et tout semble aller plus vite. de même, le français peut d'emblée ouvrir son intrigue principale vers des personnages jusque là peu voire pas exploité comme Iolana, la duchesse des Oreillards, et la puissante maison du Magot. Préparant le terrain pour un nouveau petit jeu de massacre, Guillaume Chamanadjian n'en oublie pas de creuser la psychologie de Nohamux, désormais tiraillé entre la colère qu'il éprouve envers Servaint et sa loyauté à la Maison de la Tortue.
Faut-il séparer ses sentiments de ses intérêts politiques ?
En voilà une bonne question !
Mais ce qui va faire tout le sel de ce volume, c'est l'exploitation à plein régime du motif récurrent de la dualité déjà entrevu dans le Sang de la Cité.

Deux visages, deux mondes
En effet, Gemina est dès le départ une Cité double.
Une cité fondée sur le mythe de deux soeurs jumelles métamorphosées en oliviers légendaires, scindée entre les maisons du Massif et celles du Port.
Une histoire qui se répète avec les deux Suçeurs d'Os (Nohamux et Daphné), deux faces d'une même pièce qui sèment le chaos là où elle tinte.
Et puis bien sûr le Nihilo, cette face obscure, magique, dangereuse, surréelle de Gemina que Nox commence à connaître comme sa poche et qui lui permet d'avoir une vision complètement différente de la Cité.
Enfin, voici qu'un navire qui brûle à l'extérieur du Port révèle ce que Gemina n'a pas voulu voir jusque là : que le monde extérieur existe et qu'elle devra composer avec, qu'elle le veuille ou pas.
On dit souvent que la littérature de l'imaginaire est une littérature d'évasion mais c'est bien vite oublier qu'elle a aussi une forte tendance à refléter les préoccupations de notre époque.
Trois Lucioles ne fait pas exception puisque Guillaume Chamanadjian installe dès les premières pages un sous-texte sur la guerre et la migration des peuples qu'elle entraîne, sur ces réfugiés, ces « migrants » qui s'échouent sur les côtes d'un pays bien plus riche mais qui refuse de les acceuillir et prefère les laisser mourir en dehors de ses puissants remparts.
Le personnage d'Adelis, jeune Levantine courageuse et émouvante, sera l'un des piliers de ce second opus, comme une métaphore de notre époque triste où l'on meure dans l'indifférence des riches mais aussi une image de l'humanité qui fuit la guerre, la famine et la maladie. Sa relation avec Nohamux, aussi belle que cruelle, aura une immense influence sur notre héros. Elle lui révèlera le sens plein et entier du sacrifice et du don de soi.
Efficace et remarquablement fluide, la narration de Guillaume Chamanadjian sait encore une fois magnifier sa Cité tout en nous faisant découvrir d'autres choses. La magie de l'envers-monde et une nouvelle maison sinistre, un Entre-Deux-Murs où tout semble de nouveau possible, la fin de l'innocence pour un jeune garçon qu'on oblige à choisir encore et encore. Si l'on peut regretter la propension à utiliser le deus ex machina du Nihilo un peu trop souvent, il faut admettre que ce sont avant tout les choix moraux de Nohamux qui font avancer l'histoire.
C'est de lui finalement que viendra le choix ultime d'ôter la vie, entraînant dans son sillage cette question cruciale : est-on finalement maître de son destin ou celui-ci trouve-t-il toujours son chemin pour bouleverser nos vies ?

Plus maîtrisé que son prédécesseur, plus dense et plus cruel également, Trois Lucioles offre non seulement la suite d'une intrigue politique passionnante mais parvient également à élargir son horizon et ses ambitions. Ce qui est sûr, c'est que l'on attend la suite avec une impatience redoublée !
Lien : https://justaword.fr/capital..
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« Trois lucioles » est le deuxième tome de la trilogie de Guillaume Chamanajian consacré à la ville de Gemina : le premier était paru au printemps 2021, le dernier est attendu pour le printemps 2023. Pour rappel, l'ouvrage s'inscrit dans une série plus vaste, celle de la Tour de Garde, et se construit en miroir avec une autre trilogie, elle aussi en cours de parution, celle de Claire Duvivier intitulée « Capitale du Nord ». On retrouve ici le protagoniste du premier tome, Nox, un jeune homme qui a pour particularité d'évoluer dans différentes sphères de la société de Gemina. En tant que potentiel héritier du chef du clan de la Caouane, il est en effet amené à côtoyer le gratin de la capitale et se retrouve impliqué, souvent malgré lui, dans des luttes de pouvoir entre les différentes maisons de la ville. Avoir pris ses distances avec Servaint suite aux événements dramatiques survenus à la fin du premier tome n'a manifestement pas suffi puisque tout le monde semble persuadé qu'il possède toujours ses entrées auprès du duc. le quotidien de Nox n'a toutefois que peu à voir avec celui de la noblesse puisqu'il passe l'essentiel de son temps dans une échoppe réputée du quartier du port, d'abord comme commis, puis comme gérant. Un métier qui lui permet de frayer avec les classes populaires de la ville et de parcourir celle-ci de long en large afin de livrer ses clients en vin et mets raffinés. Il est ainsi aux premières loges pour assister à l'effervescence qui s'est emparée de Gemina depuis que le projet du duc de la Couane de creuser un canal a été rendue public. Que ce soit pour cette raison ou une autre, Servaint n'ayant pas manqué de se faire quantité d'ennemis au cours de sa fulgurante ascension, on ne compte plus les complots ourdis visant à assassiner le duc. Et c'est vers Nox que tous se tournent pour se charger de la besogne. Comme si cela ne suffisait pas, des rumeurs inquiétantes se répandent concernant l'afflux massif de réfugiés derrière les immenses remparts de la ville, ce que tend à prouver la mise en quarantaine dans la baie d'un vaisseau à la provenance mystérieuse.

Prometteur, le premier tome de « Capitale du sud » prenait son temps pour mettre en place son intrigue et son univers avant une conclusion sous forme de feu d'artifice complètement inattendu. le rythme de « Trois lucioles » est plus énergique mais on retrouve globalement la même construction narrative. La ville de Gemina, clairement inspirée de Sienne et fortement imprégnée de l'ambiance méditerranéenne, se révèle toujours plaisante à arpenter et surtout toujours aussi immersive. L'auteur fait à nouveau appel à tous nos sens pour nous faire explorer la cité, n'hésitant pas notamment à s'attarder sur les spécialités culinaires ou les odeurs, ce qui participe grandement au charme du décor. On découvre toutefois une capitale beaucoup plus sombre ici, et presque inquiétante par moment, le sentiment d'angoisse s'emparant parfois du lecteur se rapprochant alors de celui se manifestant lorsque Nox arpente le Nihilo, une sorte de cité miroir privée de ses habitants mais hantée par des créatures de brumes terrifiantes et dans laquelle le protagoniste parvient à se matérialiser. Parmi les autres atouts de ce deuxième tome figure l'ouverture progressive des frontières de l'univers de la Tour de garde. Sans jamais nous entraîner un pas en dehors de la cité, le regard de l'auteur se tourne désormais davantage vers l'extérieur, qu'il s'agisse de la campagne qui entoure la capitale (mais qui demeure à l'intérieure des remparts) et même au-delà, ce qui permet de mieux cerner le contexte géopolitique du monde imaginé par Chamanadjian et Duvivier. On réalise alors que ce qu'on pensait être jusqu'à présent le coeur de l'intrigue, à savoir les luttes de pouvoir entre les grandes maisons de Gemina, pourrait finalement n'être qu'anecdotique, de plus grands enjeux et dangers faisant ici leur apparition. L'histoire prend ainsi une autre dimension, plus grave, et met en avant des thématiques que l'on n'attendait pas forcément mais qui font échos à des sujets d'actualité. La question du sort réservé aux réfugiés est notamment centrale dans ce deuxième volume et est traitée avec sensibilité, ce qui donne souvent lieu à des scènes bouleversantes et assez inattendues.

Le personnage de Nox est pour sa part toujours aussi attachant. L'auteur se détache ici quelque peu du récit initiatique classique du premier tome puisque notre protagoniste s'est plus ou moins brutalement séparé de ses différents mentors et vole désormais de ses propres ailes. On a donc affaire à un Nox moins naïf que dans le premier tome, ce qui n'est pas pour me déplaire. On sent que le personnage a grandi et mûri, si bien que, malgré sa colère contre son ancien protecteur, on ne le voit que rarement foncer tête baissée sans réfléchir aux conséquences de ses actes. Et c'est aussi cela qui en fait un héros aussi touchant : le jeune homme se préoccupe des autres, aussi bien ceux qu'il a laissé derrière lui dans la maison de la Caouane que ses connaissances du port, les employés de son épicerie ou ses anciens compagnons de jeu. Les lieux amicaux qui unissent plusieurs des personnages à Nox continuent ainsi d'être au coeur du récit et englobent d'une certaine manière le lecteur qui se sent rapidement lié par une même complicité et un même sentiment de camaraderie. Les personnages secondaires sont ainsi particulièrement réussis et souvent assez surprenants, preuve que Nox ne parvient pas toujours à cerner correctement la personnalité de celles et ceux qui gravitent autour de lui. Ces derniers ne manquent d'ailleurs pas de lui rappeler ses limites et faiblesses, faisant ainsi régulièrement prendre conscience au lecteur que Nox est loin d'être un narrateur omniscient mais un simple individu, perdu dans un faisceau d'intrigues qui le dépassent complètement. Difficile après la lecture de ce deuxième tome de deviner où la suite de l'histoire nous conduira. Tout juste peu ont supposer que les événements se déroulant en même temps à Denhaven auront des conséquences pour Gemina et que les références distillées ici ou là dans le roman concernant le jeu de la Tour de Garde (qui donne son nom à la série) joueront certainement elle aussi un rôle dans la conclusion.

Après un premier tome remarqué, Guillaume Chamanadjian confirme l'essai et nous offre un deuxième volume captivant dans lequel on peut identifier autant de ruptures que de continuités avec son prédécesseur, les deux étant les bienvenues. L'intrigue continue à nous surprendre, l'auteur possédant décidément un sacré sens du coup de théâtre, et les personnages sont toujours aussi attachants, à commencer par ce héros ordinaire dont la simplicité et la gentillesse font l'effet d'une vraie bouffée d'air frais. C'est avec beaucoup d'impatience que j'attends la parution du troisième tome, bien que la sortie ce mois-ci du deuxième volume de « Capitale du nord » de Claire Duvivier (« Mort aux geais ») devrait permettre de tromper l'attente.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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J'aime beaucoup la série Capitale du Sud. Contrairement à Capitale du Nord, je trouve qu'on rentre tellement facilement dans le récit. Il faut dire aussi que j'aime beaucoup le personnage de Nox qui cristallise à lui-seul tout ce que représente Gemina.

Alors qu'il prend ses distances avec son oncle "non-officiel", Duc de la Caouane, tout semble le ramener à son destin de négociateur puisque toute la Cité semble vouloir profiter de la querelle pour lui faire assassiner Servaint.
Par la vie de ce jeune homme qui n'aspire qu'à être épicier dans sa Cité chérie, boudant ses racines et même sa passion pour la poésie, on voit toute la politique de cette ville, au bord de la guerre civile, les tensions entre les différentes familles ducales. On voit aussi l'extérieur de cette Cité, une menace de guerre qui se profile à l'horizon avec les réfugiés. Surtout, on voit Nox, sevré à ces complots et autres machinations, cherchant à tracer sa propre voie selon son code de l'honneur personnel, désireux de n'être le pantin de personne.

L'auteur parvient à nous rendre compte de cette cité égocentrée, repliée sur elle-même, certaine de sa puissance derrière ses murailles. Cette Cité qui fleure bon notre Europe méditerranéenne avec ses oliviers, ses vins, ses épices, ses cigales... Tout une atmosphère dépeint avec beaucoup de finesse. Une Cité contée par les poètes.

Outre la politique, Nox incarne également la magie de cette Cité, ce Nihilo si étrange à maîtriser. Beaucoup de questions restent en suspens. J'espère avoir des réponses au tome prochain. Mais aussi ce mythe des deux oliviers, un mythe magnifique, très onirique, que ce tome-ci parvient une fois de plus à mettre en valeur dans une fin très marquante.

La fin est, en effet, comme dans le tome 1, très haletante. On enchaîne les péripéties, les actions. Notre héros en arrive à des conclusions et à des actes que l'on ne pouvait imaginer. Là encore, on sent le chaos voulu par l'auteur.

Enfin, Nox semble représenter, par ses racines, le pont d'attache entre Dehaven et Gemina, puisque les deux trilogies ont vocation à se rejoindre. Dans quel contexte, on l'ignore encore même si on peut le deviner, quelques traits étant déjà esquissés. Voilà de quoi me rendre curieuse.

Entre intrigues politiques et atmosphère poétique, j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre une fois de plus la vie de Nox dans cette Cité et j'ai hâte de lire le tome 3 pour avoir la conclusion de cette aventure.
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critiques presse (2)
Syfantasy
16 octobre 2023
Il s'agit d'une œuvre qui se glisse et se rappelle à l'esprit, pour l'évolution de son intrigue et univers comme pour ce qu'elle réveille en nous, d'immémorial ou de plus contemporain.
Lire la critique sur le site : Syfantasy
Elbakin.net
18 août 2022
Le roman n’en reste pas moins réussi : c’est une lecture agréable, dans un univers où la touche de fantasy reste toutefois assez légère, et on reste curieux de savoir comment tout cela va bien pouvoir se terminer.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Soudain, elle apparut. Laiteuse, aussi dense qu’un vêtement flottant au vent, la brume moutonnait presque à mes pieds. Je bondis, mû par l’énergie du désespoir. Ignorai la douleur sourde dans ma poitrine, et montai toujours. Heureusement, il ne me fallut que quelques enjambées pour arriver tout en haut de la tour. J’entrai comme une furie dans une chambre aux meubles détruits, la brume sur les talons. Je me jetai à terre, dans un recoin de la pièce, et, tandis que je sentais comme une caresse visqueuse sur le mollet, je repassai dans la Cité.
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  CHAPITRE 1



     extrait 2

     La Recluse avait rasé l’ancien poste de garde, qui menaçait de s’effondrer après les événements du Port, j’avais donc de Saint-Vivant une vue directe sur la butte du Moineau-du-Fou, et particulièrement sur le grand escalier. C’est ainsi que je remarquai une silhouette qui descendait les marches, une à une, avec une infinie précaution. Je terminai de sortir les tables de l’échoppe, déployai la toile au-dessus des pâtisseries, me sustentai d’un beignet aux poires et croquai dans une orange juteuse en prenant mon temps.

     Enfin, Scholas apparut. Depuis qu’il avait été blessé, ce jour funeste du mariage de Servaint de la Caouane et Vitia de l’Hirondelle, le vieil ingénieur claudiquait en s’aidant de béquilles. Il avait un temps envisagé de se construire une sorte de siège avec des roues, qui aurait été mû à l’aide d’un engrenage actionné à la main, mais le premier test sur les pavés irréguliers de la Cité avait donné des nausées à son assistant. Au deuxième test s’était posée la question des escaliers. Il y avait eu un accident, beaucoup de rires dans le quartier de la Caouane, mais de troisième test, point. D’ailleurs, il n’y avait plus d’assistant. Et Scholas avait abdiqué, sacrifié la créativité sur l’autel du pragmatisme, et dès lors ses arrivées étaient précédées par les martèlements maladroits de ses cannes et ses jurons bien sentis contre la Recluse qui négligeait de réparer les pavés.
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Je lis silencieusement, hormis le bruissement des pages et le bruit de ma langue sur mon doigt.
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  CHAPITRE 1



     extrait 1

     Une pluie fine tombait depuis le milieu de la nuit. Elle dégoulinait des tuiles en clapotant, ramassait la poussière accumulée pour la transporter dans les rigoles qui couraient entre les pavés. Les bruines de fin d’hiver étaient rares. Les vieux disaient qu’elles annonçaient les beaux jours. Mais, de manière générale, les vieux disaient n’importe quoi pourvu qu’on les écoute.
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Les chants sont souvent cruels, ils omettent de mentionner nos parts d'humanité. Celles qui font que nous sommes autant soumis à l'histoire que nous en sommes les responsables.
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Vidéo de Guillaume Chamanadjian
Extrait du livre audio « Les Contes suspendus, Capitale du Sud, T3 » de Guillaume Chamanadjian lu par Maxime Baudouin. Parution numérique le 24 avril 2024.
https://www.audiolib.fr/livre/les-contes-suspendus-9791035412678/
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