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Jean Rostand (Préfacier, etc.)
EAN : 9782710308553
192 pages
La Table ronde (01/01/1959)
3.77/5   15 notes
Résumé :
Avant-propos de Jean Rostand
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Jean d'Ormesson et Jacques Chardonne, que dans leur fleur je ne puis comparer pour ne les avoir pas lus jeunes, dans leur grand âge me révèlent une similitude de style édifiante car m'incitant à une prévention personnelle, à une surveillance de ma prose. Ils mettent en garde contre l'écrivain-vieillard, vivant sur des restes sûrs, garanti d'un public indulgent et amical, n'osant plus sortir de ses scies, acharné surtout à rendre encore un petit enseignement ultime, obstiné décidément à cette marotte d'écrire comme une routine mécanique, ne livrant pour cela que des morceaux courts dont les transitions mauvaises devraient passer pour de l'audace mais dénotent quelque abruption de l'esprit devenu pesant et alenti d'oublis involontaires – on y sent un déclin jusque dans la volonté farouche de ne pas déchoir et, pour cela, d'assurer autant que possible une manière étale qui affecte pour excuses la paix et la sagesse, la tranquillité d'âme, comme si la grandeur s'accordait avec la douceur. Il n'a plus grand-chose à dire, des fragments seuls, des pensées-retours qui sont au mieux des compléments de livres déjà publiés et au pire des fugacités erratiques sans beaucoup de substance, tout se déconstruisant dans une variété de l'évanescence qui n'avoue guère ses faiblesses, il y manque une cohésion et un génie qu'on ne distingue qu'en spectre, qu'on pressent dans un avènement passé, qu'une pitié douloureuse nous retient de considérer pour ce qu'elle est : un paysage en ruines – mais les ruines ont souvent une espèce de beauté qui « prend ».
Moi, je suis un critique impitoyablement objectif.
Il faut probablement lire Chardonne dont les vestiges expriment les relents nobles d'une société remarquable – Jean Rostand en dresse un éloge superbe et d'une sincérité patente en préface de mon édition, éloge que je soupçonne d'avoir été écrit au moins quinze ans plus tôt, sans parvenir toutefois à le prouver –, mais pas celui-ci dont l'inconsistance, quoique marquée d'une patte persistante d'auteur, marque manifestement une fin que d'autres qualifieraient de vénérable. On y devine un abandon et une tendresse, une discrétion même, que d'aucuns, pour se rassurer, estimeraient un recul, mais qui n'est qu'un progressif effacement des forces vitales, le regard devenant flou, la réflexion s'atténuant, un rêve atone prenant possession de soi au seuil de l'hébétude, le présent se mêlant à la mémoire. On ne résiste plus alors, gagné par des souvenirs qui deviennent tout ce qu'on peut raconter, l'imagination n'étant plus activement efficace à conquérir des terres nouvelles, à puiser au néant de l'esprit des figures pittoresques, formes et couleurs qui tranchent – et tout devient pâle, lointain, mouvant inexorablement, ce que l'écriture décèle. Même le partage s'éloigne dans une manière de débâcle, de renoncement, les lapalissades prennent de plus en plus la place, quoiqu'ornées des empreintes persistantes d'une façon, et on ne nourrit plus qu'une sorte d'antienne sur la vieillesse et les leçons épuisées de l'existence, manière de se figurer qu'on a encore quelque chose à transmettre, que ce jeu de l'écrit qui est tout ce qu'on connaît conserve une vertu et une nécessité, mais dont la matière pourtant sépare de la fougue, de la verve, de la faconde, du panache, de la truculence, en somme de la verte couleur de la précocité : tout disparaît.
Et cela m'a permis de songer que je voudrais, moi, quand je serai vieux, m'empêcher d'écrire avant de ne plus savoir parler que du temps qui fuit, en ressassements qui agréeront au badaud proverbial. Je veux, perpétuellement et à jamais, écrire pour les vivants effrénés ; je ne veux pas de livres d'outre-tombe, ces fantômes me dégoûtent, je méprise les morts qui flattent les anciens pour correspondre aux moeurs superficiellement respectueuses de l'époque. J'aspire à impressionner toujours d'une frappe inédite ou profonde. Si ma littérature cesse de donner des coups, si c'est moi qui désormais oeuvre toujours comme sous la commotion, je souhaiterais m'en apercevoir un peu et ne pas maintenir l'inertie d'une coutume d'écrire qui, avec si peu d'ambition, ne vaut ni plus ni moins que de remplir une grille de mots croisés. J'exagère un peu, ici, pour Chardonne qui mérite mieux qu'un cruciverbiste, je ne veux pas l'accabler, l'âge a posé sur lui son empreinte, l'a oblitéré, comme délavé sans doute. J'espère qu'à sa place je saurais, après quelque alerte, redonner du sang vif à mon style et à mes idées.
J'ai trouvé pour moi la leçon que Chardonne s'est refusé à expliciter : toujours examiner avec sévérité la vitalité de ce qu'on écrit.
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« le ciel dans la fenêtre » n'est pas un recueil d'aphorismes un peu faciles, trop tranchants pour laisser le moindre espace à un commencement de débat, il n'est pas l'oeuvre d'un moraliste, au sens classique que revêt ce vocable dans l'histoire de la littérature française.
Cet ouvrage , qui traite aussi bien des paysages charentais, de la compagnie des écrivains du début du vingtième siècle, dont a bénéficié Jacques Chardonne, de l'actualité, des grands problèmes du moment , est parsemé d'observations très fines , dont l'expression est concise, pure ; pertinente , souvent dans ses conclusions toujours quelque peu marquées par une ironie douce-amère .

L'art de Jacques Chardonne est de mêler dans cet ouvrage la douceur, le bien-vivre d'une région la sienne la Charente, et l'expression d'interrogations, dont les grands prosateurs sont coutumiers .Ainsi, du progrès techniques et de ses inévitables dérives : « Quand on pourra traverser la Suisse en trois heures, il n'y aura plus de Suisse. Un jour, les hommes auront de grands moyens mais n'auront plus de but. le vide est au bout de toutes ces routes de la vitesse. »
Des relations sociales et des conflits générés dans le monde du travail, l'éclairage de Chardonne apparaît naïf dans un premier temps puis lumineux dans sa chute : « On traduit leurs revendications par les mots grève, salaires, révolution, en réalité chose plus subtile de nature morale, touchant à leurs rapports avec des hommes (….) Un peu plus de psychologie et d'humanité seraient souhaitables ; il faudra bien y venir d'une façon ou d'une autre ».

Tout l'ouvrage est dans cette tonalité, oscillant sans cesse entre ce que nous pourrions nommer une tentation passéiste, et un constat final, parfois désabusé, parfois générateur d'espoir en ce qu'il nous rappelle à la simplicité de la beauté, à la puissance évocatrice d'un paysage, de l'harmonie d'une architecture d'une église romane.
Ainsi, la définition du bonheur, désarmante de simplicité et de pertinence : « le bonheur à Ronce (il s'agit de Ronce-les-Bains, commune du littoral charentais maritime) où l'aisance est à portée n'exigerait pas tant d'efforts .Ce bonheur, qu'est-ce donc ? A cette question, chacun répondra selon sa nature, et beaucoup de diront rien. Je dirai : C'est bonnement la lumière. Ici, elle existe en soi, onctueuse, teintée de nacre, comme les choses qu'elle éclaire ; lumière vibrante des terres basses, pareille en Hollande ; un nuage brusquement s'ouvre comme une fleur bleue ; beauté indéfinissable telles ces nuances de la vie, ces choses qui sont et ne sont pas, qui dépendent du regard : la foi, l'amour, une vie spirituelle du monde. »

Dans « le ciel dans la fenêtre », une série de personnages, familiers de l'auteur ou individus rencontrés au fil de la vie sociale, sont ainsi dépeints par une technique descriptive identique .Cette dernière engendre de la part du lecteur de l'affection, de l'empathie pour ce monde. le style de Jacques Chardonne, pur et simple, nous convainc de la justesse d'un attachement éprouvé pour cet univers qui n'apparaît jamais caduc.



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L'écriture dense et concise de Chardonne m'envoûte.La simplicité et l'humanité de ses propos délicatement et profondément questionnent, comme si de rien, sur l'essentiel.Il fait partie des auteurs dont la relecture assure la certitude d'un plaisir retrouvé et d'idées renouvelées.
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Journal de bord d'un aristocrate. L'intérêt du livre est l'exigence intérieure à laquelle l'auteur se tient pour ne jamais rien prendre au sérieux. C'est pour cela qu'il est moins bon dans les passages où il se sent obligé de parler politique, comme si le “bas-monde” (son engagement personnel malencontreux) le tirait prosaïquement par le bras. Comme tous les aristocrates, il devient maladroit lorsqu'on lui demande de choisir ; il aurait dû s'exiler. Ou faire comme Talleyrand lorsqu'il revient d'Amérique dans la France révolutionnaire : célébrer la cocarde.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
C'est une forêt de pins, pleine d'aromes; les branchages un peu convulsés sous une aigrette font une voûte ajourée et l'on voit au travers, dans les beaux jours, les nuages pareils à des amas de neige glisser sur un ciel d'azur frais; il y a des éclats dorés comme des taches de miel dans les sous-bois et ses feuillages légers, acacias, genêts qui recouvrent les dunes durcies sous les aiguilles de pin.
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Quelques paysages, le ciel dans la fenêtre, du silence, des amis, un amour m'ont suffi, avec le privilège de le dire. Ma vie fut remplie par elle-même, sans grand tourbillon de savoir ou d'inquiétude sur les fins de toutes choses.
J'ai cherché le plus étroit, la plénitude dans le moindre. Avancé en âge, je ne sens pas la mort plus proche et elle me laisse en paix; mais je dirais plus facilement : cela suffit maintenant; pourtant je ne voudrais pas mourir sans regretter la vie.
Dans toute attitude devant la vie, le siècle a sa part; on est porté au repliement quand la planète semble retourner à l'état de nébuleuse.
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Je n'y retournerai plus. Je ne désire pas revoir des paysages connus, de vieilles figures, et même je veux oublier ce qui déjà m'abandonne, hâter le dépérissement autour de moi, déchirer la page que je ne relirai pas, briser la branche à demi-morte, déblayer un espace qui se dépouille, non pour me déployer dans un désert, mais afin de me resserrer et de mieux adhérer au plus vivace, choix suprême; fait de quoi ?
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Pourtant, à Crans, une nouvelle m’attriste. La Suisse s’est préservée de la guerre ; elle s’est conservée quand les autres nations se détruisaient elles-mêmes et en cherchaient d’autres pour en finir plus vite. Cela m’a fait de la peine d’apprendre que l’on veut construire des autoroutes dans ce pays du recueillement et de la sagesse. Le paysage du village de Chardonne sera rayé par ce trait infernal ; les vignes déracinées et les beaux vignerons. Quand on pourra traverser la Suisse en trois heures, il n’y aura plus de Suisse. Un jour, les hommes auront de grands moyens mais n’auront plus de but. Le vide est au bout de toutes ces routes de vitesse.
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Description de La Frette sur Seine:

Jadis, des champs, dominant la Seine. au bas des coteaux, le long du fleuve, un village de paysans, noyé chaque hiver par les inondations; on plantait des arbres fruitiers qui gelaient en fleur au mois de mars. C'était aussi la coutume de construire des maisons contre la voie du chemin de fer et au bord de la route de Paris en plein vacarme." p.47

"Je ne sors guère de mon jardin et personne ne vient me voir. c'est là, devant un grand espace de ciel, de champs et de forêts, fait pour les yeux, que j'ai perdu presque toute curiosité en faveur d'un bénéfice encore indéterminé.
Pour la première fois, voici quelques jours, je suis entré dans le cimetière; il est à flanc de coteau, un reflet de la Seine par-dessus le mur. J'ai été surpris par son aspect d'uniformité. Il ne ressemble pas aux cimetières charentais de mon enfance et leurs cyprès bien nourris. Les tomes des riches étaient de sévères demeures entourées de grilles; les tombes modestes, mes plus visitées, les plus fleuries, chargées de couronnes en perles; à l'entrée il y a avait un gros bloc de pierre de taille dont on sciait une tranche pour les nouveaux venus et qui répandait à cette place comme une poudre de neige où les enfants s'amusaient à laisser l'empreinte de leur pas.
Ici, les tombes sont toutes semblables et bien alignées; elles viennent du même fournisseur qui fait une imitation de pierre bleuâtre pointillée de blanc, rectangle coupé d'une arête en son milieu. L'ensemble assez dénudé, convenablement égalitaire, n'a rien qui vous retienne.
J'allais sortir du cimetière, quand j'aperçus près d'un mur, à l'écart, dans une partie haute de ce terrain, une tombe admirable. Elle n'était pas très différente des autres; seulement elle était en pierre, une dalle avec un nom. Était-ce la pierre, sa densité et sa nudité singulière, ses proportions, j'ai longtemps regardé cette dernière trace d'un homme de goût; un homme que je n'avais pas connu quoiqu'il fût mon voisin. il se distinguait encore de tous les autres dans la mort par sa tombe, la disposition de quelques lignes,une voix presque secrète dans la pierre que l'on peut appeler le style, et qui avait tant d'accent dans sa discrétion. C'était le peintre Marquet.
Aussitôt j'ai pensé: là sera ma tombe, pareille à la sienne, dans la même rangée, près de lui. Je n'avais pas encore songé à ces détails.
J'ai acheté le terrain; en même temps j'ai fait connaître mes volontés pour ce jour. C'est là que l'on me déposera, à l'aube, avant que cette nouvelle ne soit connue; personne ne m'accompagnera, sauf ma femme et mes enfants.
Ces choses en ordre et toutes celles qui s'y rapportent, je fus rassuré. J'avais laissé un peu de vague autour de ces moments, par négligence.
A présent, je suis en règle avec la mort; il n'y a plus de question de ce côté, même sur la fin du monde; du moins de celles qui me concernent". p.83 à 85
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