AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782081231887
157 pages
Flammarion (03/02/2010)
3.55/5   10 notes
Résumé :
" Ainsi, mes souvenirs reconstitués ne sont qu'illusion.
J'aurai beau m'efforcer de faire vivre l'Algérie de Mamie, la réalité m'échappera toujours. Les traces se sont effacées, gommées par les ans, par la vie sans cesse réinventée. Alger se refuse à moi. Tel un mirage, elle se dérobe quand je crois la tenir. " Comment peut-on se sentir pied-noir en étant né après l'indépendance de l'Algérie ? Tiraillé par cette interrogation, Olivier Chartier part sur les tr... >Voir plus
Que lire après Les Ombres de BoufarikVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans les années 1930, une jeune femme quitte Alger pour se marier et vivre à Saint-Lunaire, en Bretagne. Mais elle reste ne contact avec sa culture et sa famille « pied-noires », langage, cuisine, souvenirs. Devenue une vieille dame charmante, elle séduit son petit fils, Olivier Chartier, qui se sent un peu pied-noir à son tour. Un jour, la vieille dame mourra, et Chartier, devenu journaliste, éprouvera le besoin de retrouver les souvenirs de cette grand-mère adorée et surtout, le plus important d'entre eux, le meurtre du père de cette dame, un petit personnage historique de l'Algérie française, Amédée Froger, maire de Boufarik, assassiné en 1956 « par le FLN ». Suivi d'un attentat manqué à la bombe, une bombe qui, le cortège ayant été retardé, explose sans faire de victime. Dans le contexte éminemment tendu de l'époque, cet attentat provoque une vague de violence, de ratonades, une tentative de soulèvement des pieds noirs, qui avorte. « L'assassin », qui nie être coupable, sera guillotiné, son exécution entraînant à son tour une vague de violences de la part du FLN.
Objectivement, en journaliste, croit-il, près de cinquante ans plus tard, Chartier reprend l'enquête, à la BN d'abord, puis aux archives de l'Algérie coloniale d'Aix, à Alger et en dernier lieu, à Boufarik. C'est cette quête que relate l'ouvrage, ce sont ces menus détails qui permettent de reconstituer une histoire, de faire revivre un personnage. Et l'histoire est bien moins claire qu'il ne le semblait, puis qu'il apparaît que l'assassinat et l'attentat à la bombe qui a suivi n'ont très vraisemblablement été qu'une provocation des pêcheurs en eau trouble, au moment où des gaullistes s'agitaient pour faire revenir le général. Cette partie de l'enquête, étayée de témoignages, semble assez solide, la personnalité d'Amédée Froger se dessine peu à peu, un homme bon, généreux, solidaire et social, mais aussi une culotte de peau de la guerre de 14-18, intransigeant réactionnaire, « colonialiste » attaché aux valeurs de l'Algérie française.
Mais l'intérêt de ce livre que j'ai beaucoup aimé n'est bien entendu pas là : on ne connaît que trop les provocations diverses de cette époque pour se frapper d'une intox de plus. Non, l'intérêt réside, d'une part, dans la reconstitution de l'ambiance de ces six années de violence, à travers les journaux - une liste interminable d'attentats, chaque jour, de meurtres, de ripostes et de contre-ripostes, de ratonnades ou de bombes déposées dans les cafés, avec provocations, les manoeuvres politiques, les manipulations, les petits meurtres entre amis, car on n'épargnait pas ceux de son camp, quand ils dérangeaient : double avantage, on se débarrassait d'un personnage gênant et on faisait monter la tension en accusant « les autres ». Pour moi, qui ai connu cette époque, j'ai été replongée dans cette horreur au quotidien dont plus personne ne parle honnêtement, maintenant que chaque camp a mis au point ses images d'Epinal. Second intérêt, les nuances : Froger, qu'on traite d'effroyable colonialiste, n'est pas particulièrement mauvais, bon maire paternaliste et tout petit colon (gérant d'une ferme), il n'a simplement, « rien compris au film », il a pensé que sa cause était juste, cru à l'idéal républicain d'une France civilisatrice, il n'a pas vu les injustices, les passe-droit qui sautent pourtant aux yeux du journaliste du XXIe siècle, quand il consulte les archives municipales. Un homme abusé, pas un salaud.
Enfin, il y a dans cet ouvrage un intérêt littéraire et humain qui dépasse l'histoire particulière, un intérêt presque proustien : travail sur la mémoire, sur l'insaisissabilité du passé, sur les erreurs du souvenir. L'immense frustration du voyage final en Algérie, du pèlerinage à Boufarik, est là, dans cette Algérie moderne, accueillante, mais qui se refuse : «Je n'ai pas trouvé les fantômes que j'étais venu chercher. (…) J'étais parti pour un voyage dans le passé et j'ai découvert une ville qui vit au présent. J'y ai cherché une place, sans la trouver ».
Ce livre m'a profondément touchée, parce qu'il traite de mon propre passé et de ma propre mémoire, mais je pense aussi que je peux en conseiller la lecture parce qu'il apporte sa petite contribution à la vraie histoire et qu'écrit sans haine, il est profondément humain.
Commenter  J’apprécie          140
Olivier Chartier a consacré une bonne partie de sa vie à courir un passé qui ne lui appartenait pas, et qui ne lui appartiendrait jamais. Sa grand-mère, en lui livrant les souvenirs de son enfance en Algérie, a fait de lui un pied-noir, un apatride, bercé de douces histoires de colons émérites. En fouillant dans les archives, en se rendant en Algérie, il comprendra que ce passé qui n'est pas le sien est révolu à tout jamais, et qu'il doit aujourd'hui demeurer dans l'ombre, pour ne pas susciter la haine. Sur les traces d'Amédée Froger, figure controversée du colonialisme, assassiné en 1956, il va comprendre que les souvenirs familiaux sont parfois bien éloignés de ce que la réalité historique veut bien reconnaître.

Un très beau livre sur la quête de soi et de ses racines, un éclairage sur les difficultés rencontrées par les pieds-noirs, nés en Algérie, qui y ont vécu toute leur vie, qui ont considéré cette terre comme leur terre légitime, et qui en ont été chassés sous les insultes. Une révélation sur les machinations politiques de l'époque, et surtout des gaullistes, écrasant la vie d'innocents pour s'accaparer le pouvoir, pour renverser le régime. L'homme n'est qu'un pion: esclave de son passé et de celui de sa famille, à la merci de l'appareil politique qui se joue de lui, il tente de se trouver, et de s'affirmer, dans ce monde hostile qui ne correspond en rien à ce qu'on lui a toujours vanté.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
L'école ne m'a pas enseigné la complexité de l'histoire de l'Algérie, ces jeux de billard à cinq bandes dans lesquels la mort d'un homme n'était que le marchepied d'une ambition politique. Effaré, je découvre la cruauté d'une époque où il fallait se garder non seulement de ses ennemis, mais aussi de son propre camp, où des hommes tentaient d'instrumentaliser le malheur d'autres hommes, où les alliances changeaient chaque jour.
Commenter  J’apprécie          150
Nous étions pieds-noirs, oui. Même moi, né après l'indépendance de l'Algérie, même si j'ai attendu d'être père pour mettre les pieds sur cette terre à laquelle me rattachent des souvenirs qui ne sont pas les miens. Je suis pied-noir au nom d'un tableau et de l'enfance de ma grand-mère.
Commenter  J’apprécie          80
Consciemment ou non, il n'a pas voulu me transmettre cette histoire et je ne saurai jamais pourquoi.
J'ajouterai ces questions à la litanie de celles que je ne lui ai pas posées, par négligence, parce qu'on veut croire que le temps n'est pas compté. "Regrets éternels" portent les tombes, et ces regrets ne sont que les mots qu'on n'a pas dits.
Commenter  J’apprécie          30
A nouveau je me sens étranger à cette ville. J'ai l'impression de voler mes pas sur ces trottoirs, de marcher avec sur le visage l'infamante étiquette : pied-noir.
Commenter  J’apprécie          50
En épigraphe : "Ils éprouvaient ainsi la souffrance profonde de tous les prisonniers et de tous les exilés qui est de vivre avec une mémoire qui ne sert à rien" Camus, La Peste.
Commenter  J’apprécie          30

Dans la catégorie : Algérie : 1900-1962Voir plus
>Histoire de l'Algérie>Algérie : histoire>Algérie : 1900-1962 (68)
autres livres classés : pieds-noirsVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (13) Voir plus



Quiz Voir plus

Petit quiz sur la littérature arabe

Quel est l'unique auteur arabe à avoir obtenu le Prix Nobel de littérature ?

Gibran Khalil Gibran
Al-Mutannabbi
Naghib Mahfouz
Adonis

7 questions
64 lecteurs ont répondu
Thèmes : arabe , littérature arabeCréer un quiz sur ce livre

{* *}