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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« le passé vous constitue et détermine tous vos présents possibles. J'ai cru pouvoir échapper à la règle. On peut changer de vie mais pas de souvenirs ».

Voilà l'un de mes premiers gros coups de coeur parmi les livres sortis en 2023. Je suis admirative de la façon dont Pierre Chavagné a réussi à introduire autant de violence dans tant de beauté, à nous offrir un texte à la fois si âpre, si brutal et si poétique, si cinglant et si beau. Cette combinaison donne un récit inoubliable, j'ai terminé ma lecture réellement le coeur au bord des lèvres.
Ne vous méprenez pas avec cet étrange titre, il ne s'agit pas d'un roman post-apocalyptique féministe dans lequel l'humanité décimée, après une catastrophe, trouverait son salut grâce à la femme. Grâce à une femme. Apocalypse il n'y a pas. Plutôt une déliquescence de la société, pas si éloignée de ce que pourrait devenir la nôtre dans quelques décennies, un ensauvagement sociétal ayant conduit une femme à choisir la fuite et l'oubli dans le monde sauvage des animaux loin de la violence des hommes, en plein coeur d'une forêt, un territoire appelé Paradis dans ce coin-là de la France. La nature contre la ville, la solitude contre la société, l'oubli contre la mémoire. Ayant été aperçue au loin par quelques personnes, cette femme est dénommée « La femme paradis » en rapport au lieu, tout simplement.

La poésie qui enveloppe ce récit de fuite m'a fait penser au très beau livre de Fanny Wallendorf « Jusqu'au prodige » lu récemment et paru en ce début d'année également. J'y ai trouvé la même grâce, le même respect pour la nature et les animaux sauvages, et cette alliance troublante entre la rudesse des conditions de vie en pleine forêt et l'authenticité qu'elle permet d'atteindre. La solitude aussi, ainsi qu'une certaine sororité.

« Sous le soleil violet de l'aube, les arbres vibrent tel un diapason frappé. Elle ressent sur sa peau l'ondoiement de l'air et à travers chaque atome de son corps, la foi irréfutable d'être à sa place. Elle abaisse ses paupières pour écouter religieusement le chant du monde qui s'éveille ».

Cela fait six longues années que cette femme survit au coeur de la forêt. Six années durant lesquelles elle a appris à apprivoiser les règles du monde sauvage, au prix d'une vie d'ascète particulièrement spartiate, vie rythmée par la pêche, le maraichage, la méditation, la construction et l'entretien de son habitat au sein d'une grotte dont elle a muré l'entrée, l'écriture aussi. Elle se nourrit de ce qu'elle glane dans la nature, farine de glands, baies, pissenlits, herbes, petits animaux capturés. Un couteau, un fusil sont toujours à proximité, fusil dont il faut user avec parcimonie les cartouches qu'elle possède en très faible quantité.
Et malgré sa solitude, nous ressentons qu'il émane d'elle une certaine harmonie à appréhender ainsi uniquement le moment présent. Elle semble avoir repris le contrôle de sa vie en la réduisant à l'essentiel, à savoir la survie. Sans passé pourrait-on dire si ce n'est des cauchemars récurrents et étranges qui viennent la hanter et dont le lecteur comprendra le sens véritable qu'à la toute fin. du passé, nous savons juste que son mari, un certain P., est mort. Cette fuite suite à ce drame l'a conduite ici, dans un ailleurs inatteignable, un monde brut dans lequel tout est élémentaire.

Cette existence va se trouver bouleversée lorsqu'un beau matin, un coup de feu claque. Une détonation qui résonne sur le causse. Cette détonation, preuve d'une présence proche, précipitera une série d'événements implacables se fracassant sur elle de manière inattendue, questionnant les forces qui l'ont amenée à choisir l'exil, la place qu'elle occupe dans le monde des humains, la magie de la littérature, le rôle de l'amour et de la poésie, et la trace qu'elle souhaite y laisser. Cette détonation va lui permettre de comprendre que nous sommes plus que des machines chimiques à produire des molécules, des endorphines et de la sérotonine influençant nos personnalités, nos vices, nos vertus, nos joies et nos peines. Où se loge l'amour dans tout cela ?

Ce récit de l'ensauvagement pour rejoindre les chemins noirs de l'oubli, la poésie comme seul ancrage au monde des vivants, ce récit d'une femme qui décide de se perdre, préférant la violence du monde sauvage à celle des hommes, est d'une beauté éclatante. C'est un éloge magnifique à la nature. Une nature appréhendée par une femme qui projette sur elle toute sa sensualité..

« Les rondeurs de la colline dessinent le buste d'une femme généreuse, soulignent son front, son nez, son épaule, son sein lourd jusqu'à l'auréole vert empire de son sexe clair que délimite un tapis de myrtilles sauvages ».

« Au-delà du précipice, la cime des arbres tangue dans le vent. Ils ne luttent pas, ne résistent pas, ils accompagnent le mouvement de leur force tranquille. Les dernières feuilles s'envolent. Hormis quelques pins et genévriers, une cohorte de squelettes s'endort pour mieux renaître. Les arbres acceptent ce que les humains refusent. Ils s'accordent au monde et ne tuent pas les membres de leur propre espèce. Leur stratégie est payante. Là où les hommes vivent des années, ils enjambent les siècles ».


« La femme paradis » est une histoire tortueuse comme un sentier de montagne. C'est une fuite « pour ressentir à nouveau les saisons, pour retrouver le temps ancien, dont le rythme s'accorde à celui de la vie », alors que l'humanité est devenue violente et folle. Pensons-nous de prime abord. Ce texte ébranle totalement nos certitudes à la toute fin lorsque tout s'éclaire et tout se précipite. Il pose en réalité la question fondamentale suivante : Que sauver quand tout s'effondre ?


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Vous ne vous demandez jamais, pourquoi sommes-nous la seule espèce à vivre ainsi ? Assoiffée de consumérisme ? de prestige ? de glorification de notre image ? de reconnaissance ? Lorsque je travaillais dans le commerce, que je traversais la forêt, avant d'arriver à mon travail et qu'en arrivant, le choc du merchandising, du bruits des caisses, du peuple faisant rouler leur caddie, des rangés abrutissants de produits, étaient tellement violents, que je me sentais comme agressée. Et cette impression de fausseté ? La connaissez-vous ? Cette sensation de pénétrer la maison de l'artifice et d'endosser le costume de la vendeuse ? Et cette fois, où ma responsable m'a verbalement maltraité, parce que l'une de mes têtes de gondole était presque vide… Et je me suis demandée, mais pourquoi ? C'est quoi son problème ?
A quel moment, la vitrine est-elle devenue plus importante que le dialogue civilisé ?
Qu'est-ce que cela pouvait apporter à sa vie ? La reconnaissance du PDG ? Comme si elle était un toutou qui veut la caresse de satisfaction de son maître ? Des actionnaires qu'elle ne verra jamais et qui se rempliront les poches parce qu'elle a bien fait son rôle de responsable ? Les clients qui seront très malheureux, très furieux ou complètement de fous de voir ma tête de gondole vide ?
Ou elle-même, triste de vivre dans cette société consumériste et décide de se défouler sur moi ? En colère de revêtir le rôle de manager ou enthousiasmée de se retrouver supérieure dans la hiérarchie sociale et qui prend son rôle très à coeur ?
Tout est bien carré, lisse comme le plastique. On aura le travail qui nous élèvera au rang des communs, une maison, une belle voiture, le chien, le chat, le mari et les enfants. Et si tout est balayé d'un revers de la main, car nous ne sommes finalement pas immortels, que restera-t-il de nous ? Si nous estimons que nous sommes ce que nous représentons dans la société ? Si notre valeur ne s'acquitte plus de notre humanité mais de notre échelon dans la société consumériste ? Deviendrons-nous des sauvages ou enfin des sains d'esprit ??


Le personnage de la Femme Paradis m'a carrément angoissée. Elle décide de vivre dans une grotte loin de la civilisation et loin des autres êtres humains. Sa violence du rejet est intense, au point d'assassiner quiconque se trouve sur son passage.
Avons-nous créer cette forme de société pour fuir ce qu'elle est devenue et qui est ancré en nous depuis l'aube de l'humanité? Ou est-elle devenue ainsi à cause de la violence de la société qui nous a écarté depuis longtemps de notre humanité ? le Dieu Argent est-il seul coupable de notre violence ? Ou le sommes-nous peu importe dans quel contexte, que ce soit dans le monde ou dans la grotte ? Pourquoi est-ce qu'il me semble que les animaux s'adaptent tandis que nous sommes la seule espèce complètement folle ? Et c'est peut-être cela qui m'a angoissé lors de la lecture de ce récit, de me dire que le Dieu Argent n'est pas seul fautif de notre cruauté. Et peut-être même, cette folie primitive, m'a semblé en réalité plus légitime que l'autre, au vue de ce que l'on découvre plus tard... Est-ce que je ne serais pas cette femme si je vivais la même chose qu'elle?

Merci à Petitebichette qui m'a encouragé à écrire mon p'tit billet.

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On entre dans cette histoire à pas de loup, à l'affût de ce qui se passe dans une forêt sauvage et primitive où ceux qui l'habitent ne le sont pas moins. Même les humains. Surtout les humains.
Pour survivre seule dans une nature prégnante, une héroïne sans nom occupe le récit avec des gestes souples et une volonté inflexible, l'iris capable au bout de six ans de capter les plus subtils chatoiements de lumière.
Une harmonie particulière s'est installée dans ses gestes quotidiens au milieu de la forêt, à l'écoute du moindre péril sans percevoir que la menace la plus dangereuse est bien au-delà, elle est tout près, enfouie dans les recoins les plus intimes...

Bien que ce roman reprend les éléments qui font le succès des romans dystopiques actuels, une catastrophe jamais citée, la rumeur d'une humanité dévoyée ou chancelante, de la radicalité et de la violence au milieu d'une nature triomphale ou à laquelle le genre humain doit s'adapter, il y a une petite voix particulière chez Pierre Chavagné. Chez lui, la narration est aussi limpide que le mystère prend de l'épaisseur au fil des pages. Loin de nous engager dans une intrigue à la ligne claire, l'auteur nous plonge dans un trouble qui étrangement s'attarde. Est-ce l'effet de l'écriture pénétrante qui repose sur un manque apparent d'émotions ? Ou celui des bribes du passé destinés à charrier tout au long des pages le mystère dont ils émanent ?
Peu importe, on ne lâche pas et on ne peut lâcher ce roman lorsqu'on prend conscience de la vulnérabilité de cette femme qui s'est bâtie des fortifications pour se protéger sans se rendre compte qu'elle s'est enfermée dans son propre piège.
Roman magnétique.
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Plus de trace de la main humaine sur ce coin de terre où la femme est étendue immobile, attendant. D'un bord, une colline, de l'autre une forêt de pins noirs et entre les deux un plateau d'herbes rases. En contrebas une rivière avec un unique passage à gué près duquel elle a bricolé un système d'alarme à l'aide de cordages et de boîtes de conserves afin d'être avertie de toute intrusion sur son territoire. Elle habite une grotte dont elle a muré l'entrée, une lourde porte en bois en protège l'accès. Depuis combien de temps est-elle là ?
Sa subsistance est piochée dans la nature, pissenlits, mûres, farine de glands, menthe. Elle a posé des pièges pour capturer de petits animaux. Elle prélève uniquement ce dont elle a besoin. À portée de main, un couteau, un fusil, quelques cartouches en faible quantité et dont le décompte est une obsession.
Dans ce milieu naturel, elle quête la dissonance, la présence humaine.
Et justement, hier, une manifestation humaine est venue perturber cette nature avec laquelle elle fait corps : une détonation. L'inquiétude surgit. le temps est venu pour elle de laisser une trace. Elle remplit un carnet et, pour le lecteur, son contenu alterne avec la narration extérieure.
Elle commence à écrire en introduisant abruptement la mort de son mari qui est le point de départ de son histoire. Elle ignore la cause de son décès. Ses écrits parlent de son territoire où elle guette le moindre indice de passage humain qui la glace immédiatement et fait monter la haine, instinctivement. Pourquoi être toujours aux aguets, de qui, de quoi a-t-elle peur ?
Lorsqu'elle s'assoupit, un cauchemar récurrent la hante, une flèche acérée transperçant son épaule, elle semble poursuivie, la proie d'un chasseur. Ce rêve peut-il être le miroir d'un évènement passé dont le sens lui échappe ?


Comme cette histoire est prenante ! Dès le premier chapitre, on a du mal à lâcher ce livre à l'écriture harmonieuse, affûtée et magnétique. On y ressent l'amour de la nature commun à l'auteur et à son personnage, cette femme si énigmatique dont le regard survole intensément ce qui l'entoure, en laissant les couleurs effleurer ses pupilles. Les descriptions nous remontent des odeurs, des sensations d'humidité, l'air piquant du petit matin, la chaleur près des feux qu'elle allume avec prudence. La totale obscurité de la grotte nous enveloppe, nous calfeutrant dans son intérieur protecteur.
Seule sur ce causse sauvage, l'ouïe de la femme s'est développée, le moindre son la renvoie à la faune et à la flore qui en est à l'origine. Son corps se modèle. Ici, ses pensées semblent concentrées, sa tête est occupée à calculer, cherchant des solutions pour construire et organiser son abri, ce qui la valorise et forge sa volonté.
Pour sa survie elle s'est érigé une loi refusant toute procrastination et s'en applique les sanctions en cas de manquement.

Le narrateur externe nous informe qu'elle a fui « pour ressentir à nouveau les saisons en elle ». Elle semble avoir repris le contrôle de sa vie en la réduisant à l'essentiel : la survie en milieu naturel.
Cela pourrait être un roman qui dénonce la société humaine en questionnant sur la prépondérance des contraintes qu'elle engendre. Maitrisons-nous notre vie, où est-elle un vol, un rapt de nous-mêmes ? Mais la forêt, qu'est-elle ? Apaisante ou cruelle ? « La survie dans le monde sauvage répond à une succession de choix, c'est une balance qui pèse le bénéfice d'une action et son risque inhérent. »
Mais une autre question se pose, cette femme est-elle ermite volontaire ou fugitive ? Sa motivation reste un mystère jusqu'au dénouement, aussi sec qu'une roche imprimant son relief sur ce plateau calcaire.
Ce texte prégnant, original et tragique, entrelaçant la nature et l'humain, interroge jusqu'au dernier chapitre, voire jusqu'aux derniers mots.

Moment fort de lecture que je dois à Pierre Chavagné, bien sûr, mais aussi à Babelio et aux Éditions le mot et le reste. Un grand merci à vous !
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« J'ai décidé de ne plus rien décider, d'assumer le masque de l'eau, de finir ma vie déguisé en rivière, en tourbillon, de rejoindre à la nuit le flot ample et doux, d'absorber le ciel, d'avaler la chaleur et le froid, la Lune et les étoiles, de m'avaler moi-même en un flot incessant. »

L'incipit de la Femme Paradis claque bien. On est déjà au coeur du sujet et il le faut bien, 180 pages c'est bien court pour dire le retour total à l'état de Nature.

Merci à Chrystèle, défricheuse infatigable et lectrice hors-pair, sans laquelle je n'aurai jamais. eu l'idée de ce livre. Ecrire après elle est toujours une gageure mais, une fois n'est pas coutume, ma lecture est un peu différente. Je tente:

Les sources d'inspiration de Pierre Chavagné sont évidentes: Thoreau pour le fond, Jim Harrison pour le souffle, Peter Heller pour le Nature Writing, Sandrine Collette pour le Manuel de Survie en Milieu Hostile (et Cormac McCarthy of course) !
Pour le résumé de l'action, la lecture du très beau billet de @HordreDuContrevent ( ma chère Chrystèle) est incontournable.

Retrouvons cette femme aguerrie (pas Chrystèle, la Femme Paradis), à la fois proie et prédatrice, au fil des saisons, dans sa belle forêt. Elle règne sans partage sur un petit royaume où l'intrus, quelqu'il soit, ne fera pas long feu. Depuis 6 ans, elle a fuit une civilisation à bout de souffle où des guerres civiles font ravages et où l'homme est redevenu un loup pour l'homme. Et de loups il va en être question. Elle sécurise son royaume, s'impose une discipline de fer, pratique l'auto-punition et la méditation.
Le récit de son ensauvagement est particulièrement réussi : elle traque, piège, torréfie des glands, mange des herbes à foison, bricole, construit et s'arme. Elle pratique une auto-médecine convaincante: la naturopathie c'est son truc. Son domicile troglodyte est un condensé de savoir-faire pour se protéger, s'alimenter, dormir et surveiller.
Bien sûr, on n'en restera pas là. Un coup de feu déchire un ciel serein, des cauchemars post-traumatiques la harcèlent, il va falloir tuer des gens et des loups.
La lecture de Belle du Seigneur causera sa perte : la lecture est l'ennemi de la chasseresse solitaire.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce récit haletant et glacial, formidable d'écriture précise, pointue, acérée. La narration offre quelques jolies pages de prose poétique:
« En forêt, chaque jour est une saison, un enseignement de lenteur. On apprend mieux quand on regarde survenir les choses, l'inutile est une nécessité. »
"Le vent est excitant, plus que l'amour. Il faut s'y abandonner et le laisser chanter, lui laisser emporter les mues des vies passées, devenir fou et vivre le présent consciencieusement. Seuls Dieu et le vent touchent monde dans tous les recoins. Alors chaque matin, accepter indifféremment ses caresses brulantes ou glacées sur la peau nue, accepter d'être au monde..."

Mais je ne l'ai pas trouvée si féministe que ça, mélange de Kill Bill et de Reine des neiges, elle se minéralise/végétalise au fil des pages, se vide de tout affect, de toute humanité.


Ce très beau livre est avant tout une réflexion saisissante sur l'incompatibilité des états de Nature et de Culture. Lire et plus encore écrire ouvre la voie de toutes les apocalypses. Dieu et l'Amour sont morts.
Nous sommes perdus les amis. Définivement.
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En première page, comme un heureux présage, une citation du maître, mon vénéré Jim Harrison.
Puis cette scène d'ouverture envoûtante et ma rencontre avec Elle, louve solitaire rôdant en lisière du monde, personnage étonnant, farouche, magnétique : il n'en fallait guère plus. Déjà j'avais compris qu'entre La Femme Paradis et moi, ça allait coller.

Pouvait-il en être autrement ?
Était-il possible de résister à cette histoire de survie nimbée de mystère, de ne pas se laisser embarquer par cette étrange ambiance de fin du monde et par cette héroïne incroyable, si forte et si singulière, de ne pas succomber au charme effrayant de cette survivante qui "s'est aventurée trop loin des hommes pour pouvoir revenir" ?
Aurais-je pu rester insensible aux descriptions superbes, aux évocations puissantes d'une nature brute, âpre, impitoyable, à la fois grandiose et violente, chargée d'une "fureur franche, sans cruauté ni morale" ?
Bien sûr que non.

D'Elle on ne sait presque rien. Ni son nom, ni son âge, tout juste la profession qu'elle exerçait (infirmière) avant l'avènement du chaos et l'initiale (P.) de l'homme qu'un jour elle aima.Quand et comment le monde a-t-il basculé ? Que s'est-il donc passé pour qu'elle choisisse de rejoindre les "chemins noirs de l'oubli", préférant "la violence du monde sauvage à celle des hommes" ?
Là n'est pas l'important. Tout ce qui compte aujourd'hui, c'est de survivre à l'apocalypse, de se fondre dans le décor, de sécuriser la grotte et de s'approprier un territoire, de connaître et de surveiller chaque recoin de la forêt, d'aiguiser cet instinct primaire dont elle a fait sa meilleure arme pour affronter les mille dangers du dehors.
Faire silence, guetter l'intrus, rester à l'affût.
Attendre.
"En forêt, chaque jour est une saison, un enseignement de lenteur. On apprend mieux quand on regarde survenir les choses".

Ainsi Pierre Chavagné jongle-t-il savamment entre violence et grâce, alternant avec brio les séquences de grande tension et les passages plus contemplatifs, propices à la réflexion et au vagabondage de l'esprit.
Très vite le lecteur prend conscience de la menace diffuse, il comprend les routines mises en place par cette femme ensauvagée (dont il a néanmoins du mal à apprécier le degré de folie...). Bientôt il se glisse avec elle dans la peau de l'animal blessé, il tremble en entendant au loin le bruit d'une détonation, il s'extasie sur la danse d'une truite ou la beauté d'un ciel au crépuscule, réaffirmant ainsi sa dernière part d'humanité (l'homme n'est-il pas "le seul être de la création à s'émouvoir d'un coucher de soleil" ?)

Très belle trouvaille, donc, que ce petit roman déniché au hasard d'une masse-critique (grand merci à Babelio et aux éditions "Le mot et le reste" !)
Je garderai de cette Femme Paradis le souvenir d'un texte intense, fulgurant, savant mélange de poésie et de bestialité.
Puisse-t-il rencontrer le succès qu'il mérite et éclairer de nombreux lecteurs quant à la véritable nature des forces qui les animent et les tiennent debout.
Oui, "l'amour existe, sinon nous ne servons à rien".
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Aujourd'hui, il faut que je vous parle d'un gros coup de coeur 🖤. Et oui comme cela direct. C'est le premier livre que je lis de Pierre Chavagné. Il s'agit là d'un court roman, même pas 150 pages. Mais il n'en fallait pas plus pour me bouleverser profondément.
Mais alors que nous raconte « La femme Paradis »
Depuis des années, une femme, donc on ignore le passé, vit en ermite dans la forêt. Au milieu d'une nature sauvage, dans des gorges difficiles d'accès. Elle cueille, chasse et pêche pour subvenir à ses besoins.
De la Femme Paradis, comme on la nomme, on sait juste qu'elle a perdu P, son compagnon et que la vie à fait qu'elle s'est retrouvée là, seule, évitant la compagnie des hommes.
Un jour, un coup de fusil détone sur le causse. Là notre héroïne est tout de suite en alerte. Qui dit fusil dit être humain. Qui est cet intru, peut-être même ces intrus qui entre ainsi sur son territoire ?
Car en effet, Elle, qui a été infirmière dans une autre vie, s'est approprié ce bout de terre, entre rivière, et forêt, ce bout du causse où elle a trouvé refuge dans une grotte sombre qu'elle aménage au mieux, qu'elle fait son chez elle. S'appliquant chaque jour qui passe à s'accommoder au mieux à son nouvel environnement sauvage. Fuyant on ne sait qui, on ne sait quoi. Un peu comme une survivante au chaos et à l'apocalypse.
Et en effet, cette intrusion sur son territoire va provoquer une suite d'événements qui va révéler cette femme à elle-même.
Là je ne vous en dis pas plus car je risquerai de divulgacher votre plaisir à découvrir ce fabuleux récit à deux voix.
Le narrateur qui nous parle d'Elle et Elle, la femme Paradis qui peu à peu à travers un cahier de bord qu'elle va écrire suite à cette détonation nous raconte son quotidien, ses pensées, ses craintes, sans envie de garder pour elle ce coin qui jusque-là semble l'avoir sauvée et protégée. de qui, de quoi, là aussi le laisse le mystère intact. Un mystère qui m'a tenu en haleine jusqu'à la toutes dernière phrase.
Car il faut que je vous parle de l'écriture de Pierre Chavagné. Une écriture qui emporte tout sur son passage. On y sent la nature, sa force, ses odeurs, humus des sous-bois, le vent dans les branches, l'eau qui coule dans la rivière. Une écriture qui vous immerge totalement. Un style vif et contemplatif à la fois.
Vraiment ce récit est une pure merveille. Je m'y suis plongée et je me suis rappelée tout le plaisir que j'avais ressenti en découvrant « Et toujours les Forêts » de Sandrine Collette. Il y a cette même urgence, cette même intensité.
Nous sommes là dans une histoire sombre mais pourtant il y a comme une faille qui laisse passer la lumière. Cette luminosité née de la puissance des mots et de la poésie qui s'en dégage. Il y a dans l'écriture de notre auteur des fulgurances qui vous prennent aux tripes. Et la première page donne l'ambiance de ce livre qu'il faut que vous découvriez d'urgence : « Mes souvenirs sont des crépuscules ; aucune de mes histoires n'a de commencement. »
C'est la dessus que je referme ma chronique car comme je vous le disais plus haut il serait dommage de spoiler plus l'histoire d'Elle, la Femme Paradis.
Ce livre avait tout pour me plaire et franchement il a répondu à toute mes attentes et bien plus encore !
Lien : https://collectifpolar.blog/..
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La femme paradis de Pierre Chavagné

❤️ 📜𝕸𝖔𝖓 𝖗𝖊𝖘𝖘𝖊𝖓𝖙𝖎📜 ❤️

Une femme a choisi de vivre une autre vie ,s'isoler seule dans une grotte et passer
en mode survie.
Pour cela soumise à une discipline rigoureuse ,elle pourra combattre ses ennemis,
hommes et animaux peut être ?.
Au fil des mois qui passent, elle se livre dans son journal intime.
Pierre Chavagné a construit son roman en ajoutant au récit les fragments du journal intime de la femme paradis .
Tout un processus ,vous vous en doutez ,est décrit par l'auteur pour cette survie que la femme , a décidé de réaliser .
Donc elle chasse, elle pêche, elle cueille. Comme les premiers hommes.
Au fil du temps elle améliore sa condition ,tout en restant dans les limites qu'elle s'est fixée.
L'intransigeance est la clef. Tout débute par une planification; on ne peut compter que sur soi-même et sur ses capacités à s'adapter à toutes les situations, au froid comme aux prédateurs les loups ! , à la faim comme à la peur.
On sent que derrière tout cela , qu' il existe une réflexion, sur un traumatisme extrême.
Cette douleur sera découverte et dévoiler par ? je ne le vous dit pas !!!!
Pour combattre quand même cette solitude qu'elle s'est infligée! elle écrit et elle lit.
Vous verrez pourtant que son passé va soudain la rattraper.
On pourrait au début considérer cet ouvrage comme un livre sur la nature et une aventure hors norme de l'extrême, mais ? pourquoi pas aussi une sorte de thriller en sourdine.
Je ne dévoile rien !! et je serais bref , mais je vous dit
que Pierre Chavagné a réalisé un roman puissant avec une l'histoire impitoyable !!
oui je peux vous le dire !! mais pas plus !!
alors prenez vos chaussures de marches et aller dire bonjour à la femme Paradis et à qui d'autre ? ah! je le sent vous êtes impatient de savoir?
Bonne lecture de ce grand et beau coup de coeur grâce une babeliote que j'aime bien .


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La femme paradis c'est le surnom que ceux qui l'ont aperçue lui donne.
Elle a fuit un monde qui partait en fumée, en violence, en désastre.
Elle se souvient avec tendresse de son amour qu'elle appelle P.
Après beaucoup d'errance elle se construit un monde protégé des sentiers, des regards.
Elle organise sa vie dans une grotte, au bord d'une falaise. Pour survivre elle règle ses journées avec une minutie implacable. Elle va jusqu'à s'auto-punir si elle enfreint ses propres exigences.
Elle s'interdit toute émotion.
Elle vit l'instant présent.
"A quoi bon ressasser mes souvenirs, des émotions brutales vont m'envahir, et tirer sur les coutures qui me font tenir."
Six ans qu'elle survit, six ans qu'elle s'astreint à planifier chaque minute par peur de chuter.
Un jour un coup de feu retentit. Elle n'est donc pas seule, elle traque l'intrus, celui qui peut la mettre en danger. Elle devient chasseresse. Elle est sauvage, sans pitié, froide et brutale. Il en va de sa survie.
Plus que le coup de feu c'est un livre qui déséquilibre sa vie. " La magie opère, le style l'a happée avec une telle vigueur qu'elle en oublie de déjeuner, comme elle n'a rien chassé ni cueilli depuis six jours, elle jeûne aussi au dîner".
Elle se ressaisit, mais tout va s'accélérer.
La dernière partie du livre m'a chamboulée...
Dans ce livre il y a la beauté d'une nature cruelle qui endurcit jusqu'à l'extrême celle qui y vit seule, sans parole, sans échange.
Un vrai coup de coeur ce bouquin !
Je ne suis pas fan des histoires de survie dans une nature hostile, mais la fin qui dénoue tous les mystères de cette vie en fait un livre bouleversant .
Le style très précis m'a donné l'illusion de "voir " ce livre plus que de le lire.
Michel, merci du conseil !
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Une femme vit seule depuis six ans, coupée de la civilisation, dans une grotte qu'elle a aménagée en maison troglodyte , en pleine forêt. Elle est en alerte permanente, prête à réagir immédiatement et brutalement à tout danger. Or, dans les premières pages, retentit une détonation; elle sait que le danger se rapproche. Va-t-elle pouvoir l'éloigner?
Ce roman sort totalement des sentiers battus et nous offre un portait de femme assez inquiétant, dans le genre survivaliste extrême. L'auteur décrit une guerrière qui se bat contre la nature tout en utilisant, parcimonieusement, toutes les ressources qu'elle lui offre pour survivre, contre les bêtes sauvages, contre les hommes qui rentrent sur son territoire ce qu'elle ressent comme une agression et une menace. Elle n'hésite pas à tuer sans état d'âme.
Il y a un autre personnage important, c'est la nature plutôt sauvage, cruelle, loin de l'image d'un jardin d'Eden ou de la représentation idéalisée qu'en avait faite Jean-Jacques Rousseau. C'est un combat de tous les jours pour survivre dans un milieu hostile même s'il n'est pas exempt de beauté.
L'auteur humanise, cependant, cette femme à travers les mots qui la relient à la civilisation : ceux qu'elle écrit dans un journal avec le besoin de laisser une trace de son passage et ceux qu'elle lit, qui lui apportent une sorte d'apaisement mais aussi un amollissement dangereux.
On ne sait pas pourquoi elle est là, ce qui nous pousse à tourner les pages avec beaucoup de curiosité et à être saisis par une sorte de tension de plus en plus palpable. Petit à petit, l'auteur nous livre des bribes d'information jusqu'à un final totalement inattendu.
Un roman original et réussi dans lequel l'auteur se glisse avec vérité et un talent certain dans la peau de cette femme revenue à l'état sauvage.
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