Ce livre en trois parties, m'a laissé sur le quai dès la première.
Il s'agit d'une parodie dans laquelle le narrateur, Albert Moindre, qui travaille dans un zoo et s'occupe des singes, raconte l'extinction des orangs-outans (I), puis l'extinction de notre monde actuel dans un genre post-apocalyptique (II) et enfin, la nouvelle organisation choisie par les quelques humains que l'on va suivre (III). Voilà pour une tentative de synthèse.
On est plus dans l'absurde, et le grand délire que dans un texte "classique" avec une intrigue et un fil narratif clair. Sauf que je suis restée hermétique à l'humour de Chevillard.
Plusieurs fois, je me suis perdue, je n'ai pas tout compris, j'ai tenté de m'accrocher, mais l'ennui a pris le dessus. J'ai eu le sentiment que l'auteur partait dans des envolées stylistiques, certes intéressantes et démontrant un talent d'écriture certain, mais en oubliant son lecteur.
Un livre pour personnes averties, adeptes me semble-t-il, d'originalité littéraire.
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Chevillard aime les situations absurdes et les prendre pour point de départ d'un roman. C'est le cas ici : il imagine l'extinction des orangs-outans après la mort des deux derniers représentants de l'espèce. Cela provoque un bouleversement total de la vie sur terre et plonge les humains dans une déchéance affreuse. La vie sur terre devient misérable. Un petit groupe d'illuminés menés par le narrateur va s'efforcer de faire revivre l'orang-outan en n'hésitant pas à s'aventurer vers de téméraires pratiques de reproduction médicalement assistée
Résumé ainsi, le roman peut se lire à la lumière de l'actualité de ce début de XXIème siècle : la crise écologique et les changements radicaux qui risquent de modifier sérieusement la vie de milliards d'êtres humains, la PMA, les utopies transhumanistes.
Mais ce roman est pour moi une incroyable virtuosité stylistique. La logorrhée de Chevillard est éblouissante et se déploie sans limites dans un océan de non-sens. Juste pour le plaisir de la belle phrase et de la langue. Peut importe ce qui est dit, pourvu que cela soit avec classe.
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Vous sentez déjà comme tout change, comme tout a changé ? Le bonheur ne tient plus à rien, il est tout entier hors de nous, dans les choses extérieures, impossible de l’avaler, de le boire, de l’absorber, afin qu’il coule en soi, qu’il se mélange à l’amalgame, qu’il soit la main plutôt que l’objet fragile et anguleux dedans, qui va choir et se casser ; l’espérance qui fut pâle et craintive, voilà qu’elle a le visage exophtalmique et cramoisi de la convoitise. Et voyez quand j’ouvre la bouche quels tristes coucous en sortent aujourd’hui.
"L'orang-outan était le subtil rouage. Il faisait la roue dans les arbres et toutes nos trajectoires individuelles s'en trouvaient heureusement modifiées. Le globe accomplissait même deux ou trois révolutions consécutives à contresens. Ainsi de loin reconnaissait-on notre planète entre toutes ; désormais, c'est un boeuf qui la traîne, elle ne sortira plus de son ornière."
Il ne parut pas concerné en nous voyant paraître, chargés de tout notre équipement. Nous aurions pu aussi bien ne transporter que des vitres. Un bateau, il n'en avait pas usage. Chapeau ni bottes non plus. Couteau, pour quoi faire? Boussole, inutile. Veux pas de ce vélo. Ton fusil, tu peux le garder. Chewing-gum, no thanks. Eteins-moi ça (lampe et radio) ! Merci de déplacer ta voiture, elle gêne. Hep ! tu oublies ton briquet ! Ainsi toutes nos épiceries, pharmacies, quincailleries ouvertes dans sa jungle firent faillite dans la semaine.
N'était-il pas pourtant, en l'absence de dieux et de Martiens avérés, notre seul public (...) ?
«Bêtes de littératures» avec Éric Chevillard
Hérissons, orangs-outans, tortues, flamants roses, insectes… Les bêtes peuplent les livres d’Éric Chevillard. S’interrogent à cette occasion les enjeux de la présence d’animaux, et par là d’altérités non humaines, dans la littérature. Comment rendre compte, avec l’écriture, d’intensités animales au-delà de l’allégorie ou de la fable ? Donner vraiment la parole aux animaux, est-ce pour autant se couper du symbolique ? Et l’humour dans tout cela ? L’entretien sera ponctué d’une lecture d’extraits de «Zoologiques» (Fata Morgana, 2020).
- Modération : Sandra de Vivies
La Fondation Jan Michalski, le 11 septembre 2021
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