Clavel Thomas – "
Un traître mot " – La Nouvelle Librairie, 2020 (ISBN 978-2-491446-09-3)
Un roman étrange, tout à la fois inquiétant, drôle, partisan tout en se montrant froidement objectif.
L'auteur anticipe de quelques années, en montrant que – dans un proche avenir – la justice, les gouvernements, les tribunaux médiatiques, seront entièrement noyautés par la bien-pensance gaucho-bobo telle qu'elle s'incarne aujourd'hui dans la trilogie "Le Monde, le Nouvel Obs, Télérama" (le magazine hebdomadaire "M" du "Monde" atteignant de tels sommets de cuistrerie qu'il en devient une sorte de référence) ou encore "
France-Culture, Arte", ainsi que toutes les caisses de résonance de ces incessantes diatribes dénonçant inlassablement l'abominable civilisation occidentale patriarcale, machiste, chrétienne (et juive)...
Un monde dans lequel les "crimes de vocabulaire" seront punis bien plus sévèrement que les crimes de sang (pp. 43, 90).
NB : l'auteur oublie de signaler que – pour qui a vécu de l'autre côté de ce qui fut le "rideau de fer" –, ce monde de féroces idéologues s'autoproclamant éclairés a déjà existé, dans les pays communistes européens, disparus il n'y a pas si longtemps, et continue de sévir en Chine pour éradiquer toute pensée ou religion autre que celle du parti.
Inutile d'en dire plus au sujet de l'intrigue, il suffit de se reporter à la quatrième de couverture.
L'auteur exagère-t-il ? Rappelons qu'en 2008 déjà, le très officiel rapport commis par la "HALDE" aux frais du contribuable s'inquiétait (par les plumes ô combien éclairées des dénommés Pascal Tisserant et Anne Lorraine Wagner) de voir enseigner, dans presque toutes les écoles de la doulce France, le poème "Mignonne allons voir si la rose" d'un très obscur poète dénommé
Pierre de Ronsard, texte qui, c'est bien connu, "véhicule une image somme toute très négative des seniors", sans oublier le machisme à peine sous-jacent...
Ce très édifiant rapport s'intitulait "Place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires", il est encore téléchargeable via le Web.
Thomas Clavel s'en est probablement inspiré pour créer son personnage d'inquisiteur idéologique.
Plus près de nous, en juin 2020, le film "Autant en emporte le vent" fut retiré du catalogue de son diffuseur HBO-Max pendant quelques jours pour lui ajouter une notice dite "de contextualisation" car le public – évidemment imbécile – est jugé bien incapable de se faire une opinion par lui-même.
En mai 2020, il fallut modifier le titre des "
dix petits nègres" d'
Agatha Christie... sans oublier les statuts de Colbert qu'il fallait abattre de toute urgence.
Rien de nouveau : les nazis brûlèrent les oeuvres de
Heinrich Heine, l'auteur du "Heidenröslein" et de la "Lorelei", poèmes extrêmement populaires dans le monde allemand ; dans l'Allemagne communiste, les classiques comme
Goethe et Schiller furent largement accompagnés de notices "de contextualisation" qui en faisaient des quasi pré-marxistes, sans oublier le film biographique sur JS Bach (excellent par ailleurs) qui "oublie" de mentionner sa profonde foi religieuse.
Les nazis créèrent un mot précis pour désigner cette standardisation imposée aux esprits : la "Gleichschaltung", terme qui contient tout à la fois l'idée de normalisation, de synchronisation, de mise au pas.
Seule nouveauté : l'extrême démultiplication que l'Internet offre aujourd'hui à la propagation de toutes ces fatwas, oukases et anathèmes lancés par des professionnel(le)s de la provocation idéologique.
Thomas Clavel montre dans ce roman combien nous sommes déjà engagés dans cette voie de la normalisation bien-pensante. Dans le dernier tiers de son roman, les personnages inventent un moyen d'en sortir...
Un roman bien écrit, une intrigue bien menée, un texte qui suscite la réflexion...