« Que se passe-t-il lorsqu'une postféministe rencontre un vampire postmoderne? » C'est la question à laquelle répondra cette folle cavalcade qu'est
Fuckwoman du Britannique
Warwick Collins, auteur de
la pissotière.
Cynthia Lelague, issue d'une longue lignée d'intellectuelles féministes, est une journaliste sage et discrète qui travaille au Angel Times de Los Angeles. Clark Kent au féminin, elle se transforme en sculpturale
Fuckwoman, la justicière qui traque et viole les délinquants sexuels que le L.A.P.D. a laissés filer. Son rédacteur en chef, Gore H. Emhard sorte de Perry White conservateur et phallocrate, l'envoie couvrir l'affaire.
Pas de suspens dans ce roman, Collins dévoile aussitôt l'identité de celle qui signe ses actes de petits mots humoristiques. Comme dans le film A vif de
Neil Jordan, qui évoque le recours à l'auto-défense et à la violence, on sait qu'elle erre dans la ville pour attirer les criminels et rendre la justice en lieu et place des institutions. le sujet tient en quelques mots. Jusqu'où ira-t-elle et qui l'arrêtera?
Mais Cynthia/
Fuckwoman n'a pas la noirceur d'une Erica Bain (Jodie Foster), d'une Lisbeth Salander (Noomi Rapace) ou d'une Foxy Brown (Pam Grier).
Fuckwoman est un récit échevelé, parodique, pétri d'humour, totalement libre et hors cadre. le roman tend davantage vers les oeuvres de
Marc Behm, dans la liberté de ton et le statut de l'héroïne qui ne dépareillerait pas aux côtés de Lucy de
Crabe ou de Cora, la"vierge de glace". On pourrait y ajouter un soupçon de
Carl Hiaasen, avec l'humanité des femmes blessées mais futées que l'on trouve dans
Queue de poisson ou
Jackpot.
Ce récit libre, fou, drôle, bourré de réflexions sur les femmes, le genre Noir, le cinéma, la politique, la ville de Los Angeles, cité des faux semblants et société du spectacle, nous conduit page après page vers le grand Face à Face.
Fuckwoman, devenue une icône malgré elle, bénéficie du soutien des femmes et des minorités via Crispin Frutos, rédacteur en chef du Blues des Tarlouzes. Elle affronte le terrible docteur Holocenter, psychiatre du L.A.P.D., symbole du Mâle Blanc Occidental. Collins nous offre un tête à tête digne du Silence des agneaux dans lequel
Fuckwoman ne serait pas à la place de Clarice Sterling mais prisonnière d'une camisole de force (vestimentaire et sociale!). Ce roman, que j'ai adoré, m'aura curieusement davantage fait réfléchir sur la place des femmes dans la société et le féminisme pro-sexe qu'un colloque suivi jadis sur le thème "Féminisme et post-modernité ». On s'étonnera que
Fuckwoman n'ait pas été porté à l'écran pourquoi pas par le réalisateur
Quentin Tarantino, metteur en scène honni - « Vous allez rejoindre la pathétique troupe en diminution constante des premiers fans adolescents de
Tarantino et vous pouvez passer le restant de vos jours à pleurer sur votre héros et ses erreurs. », qui aurait de quoi donner libre cours à son fétichisme en se repassant l'image de
Fuckwoman « ligotée comme un saucisson », et nous offrir une adaptation bien déjantée façon Grindhouse.