Difficile de trouver une île avec plus de personnalité que la Corse ! Et pourtant, malgré toutes les légendes, les blagues sur la paresse de ses habitants, l'halo de mystère et d'aventures qui entoure le maquis, je me suis rendu compte que je ne connaissais pratiquement rien de son histoire.
Ce qui est rassurant finalement, c'est que les historiens non plus ne connaissent pas tout des événements de l'île. Avec un terrain trop pauvre pour pouvoir être indépendante, et une localisation bien trop stratégique pour être laissée tranquille, la Corse a connu son lot d'envahisseurs, qui se sont généralement contentés de tenir d'une main de fer quelques points stratégiques, sans vraiment s'intéresser à son développement ou à ses habitants. le récit corse est donc composé de longues pages blanches, entrecoupées de drames.
Le propos du livre se poursuit jusqu'à l'époque moderne, et montre que les récents replis identitaires, accompagnés de violence, peuvent trouver des échos dans des décisions prises des siècles auparavant.
Je craignais un peu un récit hagiographique en commençant la lecture, mais mes craintes ont vite été dissipées. L'auteur renseigne soigneusement les certitudes, les débats en cours et les pures légendes. le bilan qu'il dresse du passage des différentes nations qui se sont succédé sur l'île me paraît également bien équilibré, en reconnaissant certains bienfaits tout en dénonçant les excès et les crimes. La population locale n'est d'ailleurs pas épargnée non plus par les critiques.
Le récit est passionnant, et si on sent que l'auteur aime passionnément la Corse, cet amour n'altère jamais son impartialité.
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La vendetta se développe [en Corse au XVIe siècle], car il suffisait à l'auteur d'un crime de se réfugier à Gênes, s'y faire admettre dans l'armée où il passait quelque temps, pour bénéficier d'un sauf-conduit qui le laissait tranquille. Les insulaires, même les plus paisibles, indignés de voir impunis les assassins de leurs parents ou de leurs amis, se crurent obligés de se faire vengeance eux-mêmes, ne serait-ce que pour se faire respecter à l'avenir. Cette sinistre pratique s'installa dans l'île et fut considérée, devant l'absence totale de justice génoise, comme le seul moyen de conservation. La Compagnie de Saint-Georges, de même qu'elle encourageait l'émigration, ne se privait pas, paraît-il, d'exciter les inimitiés particulières afin que chaque famille, occupée de ses propres affaires, n'ait le temps de s'occuper des affaires publiques.
« Cette réalité géographique, une terre entourée d'eau, avait toujours fasciné J. Depuis qu'elle l'aimait, elle se demandait pourquoi. Et depuis qu'elle avait choisi d'y bâtir une maison, elle se posait la même question : pourquoi une île ? »
Robert Colonna d'Istria, **La Maison**
Plus d'informations sur le livre de Robert Colonna d'Istria, **La Maison** : https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/la-maison
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