L'ENVERS
Elle regarde
De minuscules crabes dévorer
Le temps sous le décor
Jetons-nous vers ces brisants
Où fleurit l'aube à l'encontre de la lumière
L'aven où se mêlent les sorts
Avent d'une terre sans géographie
En amont un corps de roches volcaniques
Lave froide le vertige
Accuse l'eau d'être ensorcelée appelle à prendre pied
Sur cette rive que noient les algues
Miroirs des pierres oxygénées
Des blocs de soie grise
Et que lave la pluie
Transfiguraient le port
Ton nom qu'analysait la voix
En rameaux toujours verts
Des insectes couraient sous le soleil
Cela rayonne parfois nuit du tunnel
Un mince filet d'air traverse la touffeur
…
p.49-50
L'ENVERS
Le cœur ressemble aux jardins que j'aime, tout
encombré de broussailles, d'orties, fleurs sauvages, roseaux
droits dressés. Parfois, derrière quelque pierre brute, une
terre cultivée comme un jardin secret, fragile, assailli de
verdure. Puis cela disparaît. Les racines, lasses, renoncent à
creuser le lent terreau du temps.
S'il est une clarté, ce n'est qu'à la manière d'une sen-
tinelle toute pétrie de nuit, toujours sur le qui-vive (forme du
quant-à-soi).
p.56
LA PROIE
PASSAGE DE ROMAN II
J'allais dans la chaleur d'été
L'odeur que prend la terre
En juillet après qu'on a coupé le blé
Arbre noué sur son silence
En branches étroites sous la pesanteur
De ciel bleu et fruits verts
L'heure venait où toute chair
Rompt sa forme lentement
L'ombre monte des arbres lisse l'écorce noire
Dépouille le rêve de ses racines grasses
p.137
EXERCICE DE PARALYSIE (Journal de Méduse)
Le miroir m'admire en sa clarté terrible
Des yeux dansent dans le reflet
Percé à jour l'éclat de miroir
Aveugle l'avenir
p.57
LA PROIE
Passages de roman
La diseuse lisait les lignes de la main
Une cohorte de phrases banales gisait hors des lèvres
fuyantes
Que cela fut une vie
Quelques sillons sur une paume mince
Et nul pour voir vraiment
Entre les lignes la phrase interrompue
Elle au-delà se poursuivait de la balafre ancienne
Plus bas
Parmi les ligaments les artères du sang
p.121
Christian Prigent Une phrase pour ma mère
Christian Prigent - Une phrase pour ma mère - éditions POL - lecture d'un extrait d'"Une phrase pour ma mère", où le narrateur tente d'expliquer à sa mère l'origine de sa vocation pour la littérature, lors d'un entretien avec Benoît Conort et Pierre Vidal, dans le Cycle "La Poésie pour quoi faire", organisé par la Maison des Ecrivains et de la Littérature (MEL), à Paris, au Petit Palais, le 17 novembre 2010