De temps en temps, je sors des sentiers battus et je quitte mes lectures habituelles pour aller découvrir d'autres territoires littéraires.
Pour cela, le choix des libraires dans l'émission "La grande librairie" est un vivier important dans lequel je m'amuse à aller puiser. Hélas, ce n'est pas toujours le coup de coeur assuré.
Je ne tournerai pas autour du pot : ma lecture a été étrange.
Sans détester ce roman, sans jamais passer des pages, je n'ai jamais réussi à m'intégrer dans l'histoire, comme si le récit et moi avions navigué en parallèle, sans jamais nous croiser.
L'atmosphère du récit est étouffante et assez onirique. L'auteur, par le truchement de son personnage du capitaine Charles Marlow, utilise une forme de narration complexe, la rendant opaque et sans les notes en fin d'ouvrage, que j'ai consulté à chaque renvoi, j'aurais loupé une partie de ses insinuations, de ses comparaisons, de ses images.
Le récit est une charge contre la colonisation en général, même si ici elle concerne le Congo, qui, à l'époque de la publication, appartenait à Léopold II, notre ancien roi (qui ensuite se débarrassa du Congo en le donnant à la Belgique).
Par le biais d'une société belge (dont il est l'actionnaire principal), le voici donc propriétaire d'une vaste partie du territoire et il ne s'est pas privé d'en exploiter les richesses. Je n'irai pas plus loin dans les pages sombres de l'Histoire.
Le capitalisme débridé, décomplexé, c'est contre lui que Marlow mène la charge : une société peut accaparer tout un pays et exploiter la population, voler ses richesses, massacrer pour de l'ivoire. Non, non, rien n'a changé.
Ce qui frappe dans ce récit, c'est que l'auteur avait déjà tout compris : la civilisation n'est qu'un vernis et lorsque le vernis craque, c'est Néandertal qui apparaît (et j'insulte Néandertal). Les sauvages ne sont pas ceux que l'Homme civilisé désigne : les autres, les habitants du pays qu'ils ont colonisé. Que nenni, les sauvages, ce sont les Hommes Blancs, même si les Africains qui peuplent ce roman se font rhabiller pour l'hiver aussi.
L'auteur a une manière bien à lui de décrire la jungle, la rendant oppressante, vivante, faisant d'elle un personnage à part entière du récit.
La Nature peut nourrir, comme elle peut tuer.
Oui, le roman de Conrad est puissant, son écriture n'est pas simple, que du contraire. le côté sombre de l'Homme est bien mis en avant dans son récit, la remontée du fleuve sinueux étant une belle représentation, jusqu'à leur arrivée
au coeur des ténèbres.
Malgré tous ces points forts, malgré le fait que j'ai lu ce roman en deux jours, il me reste cette impression que je suis passée à côté, que la rencontre n'a pas eu lieu entre nous, que l'étincelle a manqué pour mettre le feu à ma lecture.
Il n'ira pas caler un meuble bancal : ce roman n'est pas mal écrit, il m'a juste été impénétrable, comme une jungle. Il aborde des thèmes forts comme le capitalisme à tout prix (quoiqu'il en coûte), le colonialisme et la folie, et ce, à une époque où le colonialisme n'était absolument pas mal vu.
Pas de chance pour ma première lecture de l'année… D'habitude, cela se termine par un coup de coeur, ce ne sera pas le cas pour ce début d'année. Pourtant, je ne regrette pas d'avoir lu ce roman.
Comme je vous l'avais dit, c'était une lecture singulière et ma chronique en est le reflet : le cul entre deux chaises.
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