Les premières représentations de la pièce semblent dater de 1633, elle n'a été publiée qu'en 1637, dans le sillage du Cid, et semble avoir eu du succès. le titre de la pièce fait référence au Palais de justice de Paris, endroit favorisant les rencontres, d'autant plus que des boutiques y étaient installées : librairies, merceries, lingères… Les gens du beau monde pouvaient s'y croiser, des rencontres galantes avoir lieu, dans un cadre pittoresque et typique. Au final, peu de scènes s'y passent réellement,
Corneille a utilisé le lieu pour « exciter la curiosité des auditeurs »plus que par nécessité dramatique. Comme dans ses autres pièces, il prend des libertés avec les règles, qui n'étaient pas si rigoureuses à l'époque, surtout pour la comédie, mais dans l'examen de 1660 il s'en explique longuement. La pièce se passe donc en cinq journées, et
Corneille considère que la placer dans une seule ville, même à des endroits divers, est suffisant pour respecter l'unité de lieu.
Célidée est aimée de Lysandre, qu'elle agrée et tyrannise un peu. Son père Pleirante presse le mariage. Mais Lysandre est aussi aimé par Hippolyte la meilleure amie de Célidée qui intrigue pour attirer Lysandre. Elle séduit Dorimant, qui l'indiffère, mais qui plaît à Célidée, et elle pousse cette dernière à éprouver Lysandre avec des rebuffades. Comme Célidée n'aurait rien contre Dorimant à la place de Lysandre, elle suit les conseils perfides de son amie. Lysandre, mal conseillé, fait semblant de courtiser Hippolyte, qui ne l'intéresse absolument pas. Célidée est désespérée, d'autant plus que Dorimant, malgré des avances explicites, n'a aucune envie de se rapprocher d'elle. Lysandre et Dorimant sont au bord du duel.
Sans doute moins potentiellement drôle que
La veuve, sa comédie précédente,
La galerie du palais, pousse en revanche d'avantage l'étude des moeurs et de caractères. Célidée préfigure déjà un petit peu Célimène, avec son envie d'avoir tous les jeunes gens à son service. Hippolyte n'est pas en reste, pas mal peste, l'esprit aiguisé et fin. Les deux jeunes amoureux ne sont pas sortis de leurs peines avec le mariage, ces deux-là vont s'en doute continuer à leur en faire voir de toutes les couleurs. D'autant plus qu'ils semblent tout d'une pièce, qu'ils ont du mal à comprendre les jeux de leurs fiancées. L'analyse du sentiment amoureux, de ses balancements, des étapes, est au centre de la pièce. En avance sur la fameuse Carte du Tendre, dont certaines tirades préfigurent la logique, avec aussi quelque chose qui pourrait annoncer
Marivaux (marivaudage vient vraiment à l'esprit à la lecture de la pièce).
Je trouve cette pièce vraiment excellente, jouant sur divers registres, avec des personnages, surtout féminins, vraiment bien rendus. Il manque peut être un peu d'esprit aux jeunes gens, s'ils étaient un peu moins univoques dans leurs sentiments amoureux, chacun pour sa belle, la pièce aurait pu être encore plus aboutie. Je trouve vraiment difficile à comprendre pourquoi les comédies de
Corneille sont si ignorées.
Les jugements, en particulier ceux de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècle, semblent avoir la vie dure. On peut citer celui qui prétend que toutes les comédies d'avant
Molière n'étaient que des comédies d'intrigues, et que c'est
Molière qui a été le premier à introduire les comédies de moeurs et de caractère. Alors que
Corneille, en rupture avec la comédie de son temps, essaie justement d'emprunter des voies nouvelle. L'immense talent de
Molière fait que tout le reste a été jugé inférieur, sans aller voir de plus près. Pourtant
Molière lui-même aurait déclaré « Sans
le Menteur j'aurais sans doute fait quelques pièces d'intrigues, mais je n'aurais pas écrit le Misanthrope » (
Le Menteur est l'avant dernière comédie de
Corneille).
Et bien sûr les parallèles entre Racine et
Corneille, dont on a largement abusé, ont fini par aboutir à des visions schématiques et caricaturales. Ainsi
Corneille serait celui qui « peint les hommes comme ils devraient être, et Racine tels qu'ils sont ». Évidemment les personnages des comédies ne rentrent pas dans ce schéma, ils sont donc soigneusement passés sous silence.
Ils appartiendraient à un premier âge de formation, dans lequel
Corneille ne serait pas encore
Corneille (de même ses dernières pièces sont aussi souvent ignorées comme appartenant à une sorte de troisième période de décadence). Or
Corneille est vraiment un auteur protéiforme, qui a évolué dans ses conceptions du théâtre, dans les approches, les thématiques, ce qui ne veut pas dire que seules les pièces d'une certaine époque sont abouties et digne d'intérêt. Simplement, nous sommes en face d'un auteur pluriel, difficile à enfermer dans une seule grille d'analyse. Ce qui semble énormément perturber certains critiques. Et lorsqu'on creuse les oeuvres moins connues, on découvre des véritables trésors, comme cette Galerie du palais...