Le côté huis clos sous couvert d'horrifique/SF avait d'emblée suscité ma curiosité mais cette lecture s'est révélée plutôt mitigée. J'ai bien aimé, sauf qu'il y a un gros « mais ».
Ce roman possède de nombreuses qualités, il faut dire que l'ambiance mystérieuse de cette étrange ville presque fantôme tient en haleine. Je ne voyais pas les pages défiler tant j'étais prise dans le récit et par son intrigue. L'auteur maitrise son rythme, ça peut paraitre un peu longuet le temps de planter le décor, mais rapidement, la tension et le suspens montent d'un cran, pour atteindre leur paroxysme. Il va sans dire que ça a pour effet de créer une sorte d'addiction durant la lecture, avec cette irrépressible envie de savoir ce qu'il se passe dans cette ville aux curieux habitants. À côté, l'auteur mélange plusieurs genres littéraires, c'est un pari risqué, mais qui ici fonctionne très bien, nous sommes à mi-chemin du polar, de la dystopie/SF et l'horrifique. Cette connivence de genres amplifie l'aura mystérieuse qui s'en dégage, j'ai adoré, je me posais beaucoup de questions sans n'avoir jamais aucune idée de la tournure qu'allaient prendre les évènements.
En revanche, j'ai été dérangée par deux éléments essentiels : les personnages et l'écriture. Commençons par l'écriture, je l'ai trouvé fade, l'action prime et l'auteur ne s'appesantit pas sur sa plume avec des élucubrations inutiles ou des tournures de phrases travaillées. Certes, cela donne du rythme à la trame, mais pour le coup, je trouvais ça trop visuel et oral pour un roman.
En ce qui concerne les personnages, ils me sont apparus lisses, il en résulte un sentiment d'inachevé dans leur construction. Excepté Ethan Burke, aucun n'a su se montrer marquant. Pour revenir à Ethan, même s'il bénéficie d'un peu plus de développement, je n'ai pas réussi à apprécier sa personnalité. L'auteur en a fait un cliché, c'est le stéréotype de l'américain, en suivant son parcours, il est difficile de le trouver réaliste. Entre son travail d'agent secret, ancien militaire qui a fait la guerre du Golfe, il est capable de ne pas se nourrir pendant x jours, de s'échapper avec des blessures aussi douloureuses et graves les unes que les autres, il peut perdre des litres de sang, sans que ça ne l'empêche de poursuivre son ascension... Justifier ses capacités physiques légendaires par son travail, c'est un peu léger, il me paraissait plutôt être un surhomme. Les scènes d'escalades ont eu raison de moi, je comprends la volonté de le montrer déterminé, mais c'était trop, j'avais l'impression de regarder Terminator.
Le dernier point qui a rompu toute possibilité d'attachement, c'est son machisme nauséabond, que l'on doit à l'auteur. Outre le fait que
Blake Crouch semble obsédé par le physique des femmes, dès le début, certaines phrases m'ont fait bondir : « cette femme est trop ronde pour être mignonne » ou « sans doute un authentique canon à vingt ans. La trentaine ou quel que soit son âge lui allait plutôt bien ». le livre date, mais pas assez pour que je puisse y faire abstraction, et je suis obligée de pousser la gueulante parce que oui une femme peut être jolie en étant ronde, et non, notre beauté n'est pas finie une fois les vingt ans révolus, ces injonctions en plus d'être abjectes, n'ont rien à faire dans un roman. C'est d'autant plus rageant qu'Ethan lui a 37 ans, mais est décrit comme étant séduisant, bien bâti... Sans oublier
qu'il trouve sa femme valeureuse de lui avoir pardonné son adultère, car lui ne l'aurait jamais supporté. Entre ces phrases horripilantes et descriptions axées sur le physique des femmes (alors même que les protagonistes masculins eux ne sont presque pas décrits), j'étais irritée au possible. Je ne pensais pas poursuivre cette saga mais le dénouement s'est montré assez convaincant en offrant une nouvelle dimension à l'histoire avec des thèmes prometteurs. Je laisserai donc une chance à la suite tout en émettant des réserves.
Ce fut donc une lecture typiquement en demi-teinte : il y a des qualités indéniables avec une intrigue haletante et une ambiance opprimante, mais le manque de développement des personnages, combiné à une écriture peu travaillée dessert ce roman. Je tiens malgré tout à nuancer mon propos, les bonnes idées qui ressortent de ce livre me donnent envie de lire la suite, et si cette chronique vous refroidie – chose que je peux concevoir - je pense qu'il mérite que vous vous forgiez votre opinion. Compte tenu de sa taille courte, vous n'y perdrez pas grand-chose et peut-être serez-vous moins sensibles aux défauts que je ne l'ai été.