Thomas un homme flamboyant mais...
Ce roman est une autofiction dans laquelle
Catherine Cusset rend hommage à son ami Thomas qui s'est suicidé en 2008. Son roman prend la forme d'un récit où elle s'adresse à Thomas, elle ne veut pas employer le "il" qu'elle juge trop distant. Elle a emprunté son titre aux paroles de la chanson "Avec le temps" de
Léo Ferré.
Elle a connu Thomas lorsqu'il avait 20 ans et était étudiant; elle-même avait 26 ans et était romancière et professeur d'université. Ils ont vécu une "amitié érotique" pendant quelques mois, unis par une même attirance physique sans amour.
Cette aventure s'est transformée en belle amitié, Catherine considérant Thomas comme son "âme soeur", elle devient son soutien, sa conseillère dans ses histoires d'amour.
Thomas part à 23 ans à New-York où il est étudiant à Columbia, préparant une thèse sur
Proust. C'est un homme intelligent, érudit et original. Libre, jouisseur et séducteur, cet intellectuel brillant devient le roi de la nuit et vit dans une démesure où l'alcool tient une grande place en particulier pour l'aider à surmonter ses terribles insomnies.
Mais c'est aussi un homme drôle dont le rire inonde ses amis et ses étudiants qu'il fascine.
Il enchaine les aventures et vit trois histoires d'amour qui se soldent toutes par un échec, c'est un homme au caractère entier, exclusif, jaloux, colérique, impatient, exalté, irrévérencieux...
D'abord étudiant en doctorat de littérature puis professeur, grand spécialiste de littérature, de cinéma et de musique il affronte également plusieurs échecs lorsqu'il présente sa candidature pour des postes universitaires.
Cet homme au grand corps maladroit qui a surmonté une nécrose des hanches à l'âge de six ans, est sujet à des sautes d'humeur et vit "des très hauts suivis de très bas". Surnommé "l'exalté du campus", il enchaine périodes d'exubérance et périodes de dépression où il n'éprouve plus aucun désir et ne veut que boire et dormir. Un jour le diagnostic de bipolarité tombe.
Tout au long de sa vie, avant son suicide à l'âge de 39 ans qui est annoncé dès les premières pages du roman, Catherine reste très proche de lui, elle essaie à un moment de le bousculer en le traitant de "bouffon pathétique" dans un texte qu'elle a écrit sur lui. Blessé, il lui rétorquera alors "tu sais, Catherine, j'ai quand même une vie intérieure."
Ce roman fourmille de références à
Proust car Thomas se sent très proche de
Proust et de son oeuvre.
Ce roman relate une belle histoire d'amitié entre un homme et une femme. Catherine a entretenu avec Thomas une relation pleine de tendresse et d'empathie. D'une écriture vive, elle parvient parfaitement à décrire la terrible descente aux enfers de Thomas et sa dérive vers l'inéluctable, le tout est raconté de façon chronologique, très linéaire.
Dans son récit
Catherine Cusset reste à la lisière de cette histoire, en position d'observatrice ce qui donne à son analyse une valeur universelle, elle ne s'étend pas sur ses propres ressentis, sur son incompréhension de la maladie de son ami sauf dans l'épilogue où elle se livre un peu. Elle a parfaitement trouvé la bonne distance pour nous parler de Thomas.
Le comportement de Thomas m'a dans un premier temps agacée avant de m'émouvoir quant j'ai compris l'extrême fragilité de cet homme, sa grande souffrance et sa maladie. J'ai éprouvé de l'empathie pour cet homme passionné à l'extrême sensibilité qui a passé sa courte vie d'une ville à une autre, d'un continent à un autre à la rencontre de ses multiples amis.
"La courbe de ta vie qui telle une voiture de sport fonce vers un mur contre lequel elle va se fracasser."
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