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EAN : 9781523726851
250 pages
CreateSpace Independent Publishing Platform (27/01/2016)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Ce roman d’Alphonse Daudet, qui se situe sous la IIIe République, se concentre sur le divorce, son sens et ses conséquences. Rose et Ninette sont les deux filles d’un dramaturge. En divorçant de sa femme, il doit s’ajuster aux autres changements que cela amène dans sa vie, alors que son ex-épouse reconstruit sa vie. À mesure que le temps passe, il sent la distance se creuser avec ses filles.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Quel méli-mélo que le divorce, et les bizarres combinaisons qu'il amène ! »

Voyez donc ce pauvre Regis de Fagan, célèbre dramaturge parisien, qui, à peine divorcé, est en proie à un chagrin, à un isolement tout à fait extraordinaire pour quiconque ne le connaissait qu'en bon viveur, festif et mondain… Et c'est précisément ce que recherchait son épouse : « un nom bien en vedette, l'occasion d'être de toutes les répétitions générales et à la première page des journaux. »
Mais lorsque les mondanités se sont estompées, que quelques accalmies furent imposées par Fagan dans cette frénésie de sur-représentation égocentrée, Madame Ravaut en fit un motif de divorce.
Quoi de plus absurde ? Certes, mais il n'en garde aucune rancoeur du moment que ses deux filles, Rose et Ninette, venaient lui rendre régulièrement visite 2 jours par mois :

« Et maintenant, dans l'angoisse de l'attente, il se demandait si bien réellement elles viendraient, si, au dernier moment, la mère rusée et fourbe, ou cette impénétrable Mademoiselle, n'inventeraient pas quelque prétexte pour les retenir. Non qu'il doutât de la tendresse de ses enfants. Mais il les sentait si jeunes, — Rose seize ans à peine, Nina pas encore douze, — si faibles toutes deux pour résister à une hostile influence ; d'autant que, sorties du couvent depuis le divorce, elles restaient livrées à la mère et à la gouvernante. Son avocat le lui avait bien dit : « La partie n'est pas égale, mon pauvre Régis ; vous n'aurez que deux jours par mois, vous, pour vous faire aimer. » N'importe, avec ses deux jours bien employés, le père se sentait assez fort pour garder le coeur de ses chéries ; mais il les lui fallait, ces deux jours, strictement, sans tricheries, sans mauvais prétextes. »

Tout est si étrange, nouveau et incompréhensible pour ces deux jeunes filles :
« Que de réflexions traversent ces jeunes têtes, quel désarroi de toutes leurs idées, en même temps que des êtres et des choses, jadis unis, dispersés maintenant, comme au lendemain d'un incendie ou d'un naufrage ! »

Comme il est déconcertant, en autres détails, de voir son père, censé vieillir, se prêter un cadre de vie qui ressemble à celui d'un éternel étudiant infertile :

« Rose et Ninette n'ont pu retenir un cri de stupeur devant le tout petit lit de fer, vraie couchette d'étudiant, sans rideaux ni tentures (…) »

Ou de voir, par un bouquet posé sur la table, les prémices évidents d'une séduction toute féminine… Et allez savoir pourquoi, la mère, qui pourtant elle-même vient de se remarier avec empressement, s'efforce d'espionner et de ruiner la liaison que Fagan pourrait avoir, et tout lui sert à cet espionnage, y compris ses filles bien sûr.

Elle se rend pourtant aux premières représentations de Fagan, toute fière à l'occasion de s'attribuer une part des mérites alors même qu'elle est divorcée : « Mme Ravaut, éclairée par la rampe, toute penchée hors de sa loge, sans la moindre gêne de sa fausse situation, se pâmait, poussait des cris connaisseurs, aux claquements de son éventail : « Ah ! très bien… ça, c'est gentil ! » et des sourires d'intelligence, d'approbation aux artistes en scène, à croire qu'elle était encore la femme de l'auteur. »

Mme Ravaut en sait même plus que Fagan au sujet de sa voisine, Pauline Hulin, qu'il affectionne : c'est qu'elle n'est que séparée de corps et non veuve comme elle l'affirmait…

Il est non seulement épié, délicatement persécuté, mais menacé en outre de ne plus voir ses filles, car le second mariage de Mme Ravaut devait l'amener à s'éloigner de Paris afin de suivre son mari, nommé à la préfecture d'Ajaccio.

« Vraiment, était-ce la peine de divorcer, s'il lui fallait subir les mêmes scènes de ménage, suivies de mutismes dont il connaissait bien l'énervante persistance ? »

Informé par correspondance du mariage de sa fille Rose comme un vulgaire cousin, Fagan prit aussitôt ses valises pour Ajaccio, se cachant pour rendre visite à ses filles, les observant, un soir, avec l'oeil inquisiteur d'un intrus derrière son masque lors d'un bal masqué.
Mais ses filles ne lui dissimulent pas que sa présence les gêne, les signes d'affection sont brefs et peu en adéquation avec les moyens extraordinaires qu'il déploie pour les rencontrer.

Cela attriste profondément Fagan, qui s'en retourne à Paris avec un sentiment d'échec et de solitude.
Tombant gravement malade, il fait télégraphier à ses filles de venir immédiatement à son chevet, mais elles ne sont pas pressées, se présentent au chevet de leur père quand il est guéri, et s'indignent de la présence de Mme Hulin à ses côtés.

Et malgré toute impertinence, Fagan, dont l'amour paternel est inconditionnel, a la bonté de s'occuper d'elles. Il consent à revoir leur mère, il consent à les doter, il consent à leur prêter son bras pour les conduire à l'hôtel...

« « Ah ! le brave garçon, il n'a pas de rancune… il signe au contrat, il vient à la noce… »
« On y tient tant à ce bras de père célèbre… » dit Mme Ravault à ses filles, en parlant des noces.
— Et ma dot, a-t-on parlé de ma dot ?
— Entendu… Mais, ce qui vaut mieux que tout, je lui ai rendu, je crois bien, son mariage impossible avec Mme Hulin. »

Mais au dernier moment, réalisant à quel point sa dignité personnelle était profondément affectée, Fagan renonce à paraître à la célébration du mariage et se contente d'observer au loin, le défilement fastueux des voitures, les toilettes claquantes de ses filles sur le boulevard, non sans quelques amers regrets :

« Avoir ses chéries, là, tout près de lui, brillantes et pimpantes, et ne pouvoir les embrasser, cela lui faisait trop de mal ! Et c'était bien une victime du divorce, ce pauvre homme, regardant ses filles, leur mère, sa vraie famille, s'éloigner à toute vitesse dans ce landau plein de rires et de rubans clairs, tandis qu'il restait au bord du trottoir, incertain et vague dans la nuit presque venue, avec cette femme et cet enfant, dont le grand deuil, qu'il accompagnait mais ne partageait pas, disait assez combien ils étaient, combien ils demeureraient probablement toujours étrangers les uns aux autres. »

A mesure que le temps passait, les « chéries » de Fagan devenaient de plus en plus semblables à leur mère.
Cette dernière les éduquait à sa manière, les gâtant avec un luxe, une impertinence, une fourberie et une nonchalance tout à fait parisienne. Et plus ses filles étaient influencées par leur mère, plus elles s'éloignaient du père.
Comment aurait-il pu en être autrement ? Deux jours de visite par mois n'avaient pas suffi à inverser cette tendance, particulièrement lorsqu'on est accablé par les sournoiseries de son ex-épouse…

Paru quelques années après le rétablissement du divorce en 1884, Alphonse Daudet publie un roman de moeurs sur les désastreuses conséquences du divorce, mêlé au sujet sous-jacent de l'ingratitude filiale, faisant allusion par ailleurs d'une autre manière au Père Goriot de Balzac, expressément cité dans l'oeuvre en tant que référence.
Mais ce n'est pas une opposition de principe, il se place sous un point de vue humain, dans certaines circonstances précises, et semble dire « ne précipitez pas un divorce en n'importe quelle situation » ; et plus précisément, voici ce qu'il pense à ce sujet :
« Alors vous êtes opposé au divorce ? » Lui demande un journaliste.
« Avec des enfants, oui, sans hésitation… »
(Voir l'article complet et commenté du 6 mars 1892 du journal « Les Annales politiques et littéraires)

Ce roman touche, émeut, tout en restant léger quelqu'en soit les coups d'aiguille et les espiègleries parisiennes qui tourmentent le pauvre père grâce à la plume si fine et tendre d'Alphonse Daudet. Il dénonce les moeurs sans esprit de polémique, sans être niais ni excessivement bienveillant. Ce délicat roman invite à la réflexion par le coeur plutôt que par l'esprit.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Et le courrier éparpillé sur le lit, deux petits billets au timbre de Corse, signés Ninette, furent lus tout haut par Mme Hulin au père impatient et trop faible pour les déchiffrer lui-même. Navrée, cette pauvre Nina, navrée dans sa première lettre de la subite maladie de son père, aussi du départ de l’escadre, mais gardant l’espoir que son père serait vite guéri et que l’escadre ne tarderait pas à revenir. Rose était à Bastia avec cousin pour faire ses adieux au jeune Rémory prêt à passer sur le continent. La seconde lettre annonçait comme prochaine l’arrivée à Paris de Rose et de Ninette accompagnées de M. et de Mme La Posterolle ; aussitôt, ces demoiselles accourraient voir leur cher petit père. Suivaient des recommandations hygiéniques, des conseils pour le frais du soir, la brume du jardin, l’emploi d’une certaine flanelle de mouflon avec l’adresse du fabricant.
« C’est très gentil, murmura de Fagan qui écoutait en caressant la blonde tête soyeuse du petit Maurice, très gentil, mais j’aurais eu le temps de mourir plusieurs fois sans les voir. »
Mme Hulin n’insista pas, de peur d’accroître une peine qu’elle sentait profonde et, le laissant seul avec l’enfant, elle passa dans la pièce à côté, où des gestes énergiques d’Anthyme l’appelaient depuis un moment.
Mademoiselle était là, une longue fille sèche, à lunettes, qui demandait des nouvelles de M. de Fagan.
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