Erri de Luca se laisse pénétrer par le vent qui porte la parole et il retranscrit ce qu'il a entendu, donnant vie aux mots par son souffle, ce que fait également tout lecteur à l'écoute du celui qui lui parle à travers les livres, ce que fait Moïse qui entend à travers les nuages la voix d'Elohim lui dicter les dix commandements qui seront gravés par le feu. «L'échange d'énergies passait entre la montagne et le ciel» p 82
«Quand l'écriture se débarrasse de son auteur, elle appartient à celui qui la lit et fait de chaque lecteur suivant son héritier direct.»
Ainsi en est-il de tout texte dont ceux qui composent la Bible. Et chaque interprétation enrichit la précédente et la suivante.
«
Et il dit» est inspiré par l'écoute, c'est un long poème, une suite que le vent joue à travers la poussière qu'il transporte, pleine des résidus venus de temps immémoriaux, du temps où la transmission se faisait oralement autour d'un feu. C'est de là que viennent les textes de la Bible, vent et poussière, feu du ciel et des campements nomades. Et le vent les porte vers les générations futures «L'assemblée du Sinaï transpirait de futur. Avec eux, les lèvres serrées, chantaient les assemblées à venir».
Encore faut-il accueillir avant de transmettre.
«Les paroles pénétraient dans les corps en se frayant un chemin entre les viscères, elles parlaient de l'intérieur....Le vent d'une voix à écouter se plantait dans leur corps» p 81
Et pour que le feu des paroles ne se perde pas totalement, il leur faudra la force de transmission véhiculée par les lettres qui «se sont chargées de l'énergie du Sinaï et la prolongeront».
«Le judaïsme a été pour moi une piste caravanière de consonnes accompagnées au-dessus et au-dessous de la ligne par un volettement de voyelles. Entre une ligne et l'autre, dans l'espace blanc, c'est le vent qui gouverne.» p 103