“Être faible”, nul besoin de nous l’entendre dire par la voix de l’Archange, “c’est être malheureux”. Toute faiblesse est souffrance et humiliation, quelles que soient ses manifestations ou son origine. La faiblesse fondamentale de l’homme, qui dépasse toutes les autres et s’en distingue par le triste privilège d’atteindre au paroxysme du malheur, a trait à la jouissance de ses moments de bonheur et à son aptitude à maintenir sur son front altier, ne serait-ce qu’un instant, les fleurs au mieux si fragiles et si rares ! -, qui viennent parfois le couronner. Il n’y a pas de terme, il n’y en aura jamais, aux plaintes qui montent de la Terre et du cœur en révolte de ses enfants, se lamentant sur ce terrible opprobre infligé à l’orgueil des hommes : les changements incessants que ses facultés et ses aspirations lui permettent d’appréhender, la fragilité dont il hérite et la vacuité sensible au milieu même des ravissements pour quiconque soulève un instant les voiles d’un présent chimérique, la vacuité, la perfidie absolue de cette vacuité, sur laquelle reposent en fin de compte toutes les pompes et les vanités du monde.
Le jour se leva, comme d'habitude; car il est étrange, mais vrai, que pour les infortunés, il semble miraculeux que les époques et les saisons continuent à se dérouler comme prévu au milieu de si puissantes déroutes et de telles ruptures de leurs attentes habituelles.
Les Derniers jours d'Emmanuel Kant:
Evocation des derniers jours d'Emmanuel Kant a Koenigsberg en 1804, librement inspirée du récit de Thomas de Quincey.
Réalisateur; Philippe Collin (1995).