Âmes moins sœurs à corps moins frères
et toujours moins de moins en moins
Cet aphélie nous intéresse
est-il encore possible de convivre
...à moins que justement cela
ne soit ce qui nous tienne
ensemble à l'impossible
Dévotion
pour Jacqueline Risset
À ma sœur épicène, à sa noèse bleue retournée
vers la terre
À Nicolas le géonaute, à Dany le rouge vert
À ma sœur Jacqueline, Dame de Près dans l’éloignement
de sa concession perpétuelle
Aux sœurs psychanalystes
À des clercs sans rites, aux reliques dispersées
Aux dévotieux qui jettent leurs dernières force dans
la mêlée pour l’ordalie
« parmi tels événements qu’il faille se rendre »
Suivant les conspirations du moment
Aux sénescents que nous pourrions, être, sages vieillards
dans les exécrations qui libèrent
À tout prix et avec tous les airs
... Mais plus à l’or
ni à la gazette du jour la prière hégélienne
Mais au poème quotidien avec ses noms changeants
Michel Deguy vient de disparaître le 16 février 2022.
Ils se préoccupèrent du droit…
Ils se préoccupèrent du droit des animaux
bientôt des végétaux
déplorant qu’il leur manquât leur état civil
Je répondis : littérature et la peinture
c’était l’état civil des renards et des chênes
La Fontaine et Buffon leurs officiers
Les poèmes où ils interviennent
racontaient l’hominisation
sans les anthro
pomorphiser
Michel Deguy vient de disparaître le 16 février 2022.
S’entendre
Écouter ce que ne dit pas – la pierre
ni la feuille ni l’oiseau ni la foudre...
L’ouïe consultante opérée par la langue
fait parler les choses en signes de sourd-muet
Un dialogue peut se nouer autour
des sémaphores du visible
La partie se fait plus grande que le tout
L’attenance devient métonymie
l’infini peut naître
Feu du ciel
Michel Deguy vient de disparaître le 16 février 2022.
Écologique
– Elle est perdue...
– Quoi ?
– La terre.
C’était la mer mêlée avec le soleil
Comment la retrouver ?
– Quoi ?
– La terre
C’est l’immensité
où le fini se jette à l’embouchure de l’infini
Michel Deguy vient de disparaître le 16 février 2022.
Lecture par Anna d'Annunzio
Entretien avec Philippe Rey & J.M.G. le Clézio (en duplex des Etats-Unis)
Entretien animé par Julien Viteau
« La poésie de Jean Fanchette est exigeante, elle est authentique dans chacune de ses paroles, dans la richesse de son rythme, la valeur de ses mots. Il n'est pas indifférent que dans le monde moderne, imbu de théorie et assourdi de certitudes, ce soit cette voix très ancienne, qui charrie toute la complexité et l'originalité de la culture mauricienne, il n'est pas indifférent que ce soit cette voix-là qui nous donne foi dans la poésie. »
J. M. G. Le Clézio
L'Île Équinoxe, anthologie poétique de Jean Fanchette, (Île Maurice 1932 – Paris 1992) poète, éditeur et neuro-psychanalyste rassemble, selon le plan laissé par avant sa mort, les différents recueils composant son oeuvre poétique. Empreints de rigueur formelle, ces écrits disent la nostalgie de l'île d'origine, abandonnée très tôt pour la patrie d'exil : « Je ne suis pas d'ici. Je ne suis plus d'ailleurs. » Cet arrachement ne laisse plus au poète qu'une « identité provisoire ». L'Île Équinoxe est traversée par la voix vibrante d'un homme qui, grâce à l'aventure du poème, peut se réapproprier un monde perdu.
« Je suis debout dans la trouble lumière
Arrimé à de petites choses, une odeur, une couleur
L'odeur du vent traverse l'espace salé de la lagune qui habite en moi,
Qui bat dans mon sang vagabond d'hémisphères »
L'Ile Equinoxe : Poèmes 1954-1991, Jean Fanchette
À lire – Jean Fanchette, L'Île Equinoxe, (préface de J.M.G. le Clézio, postface de Michel Deguy), réédition chez Philippe Rey, 2023.
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