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EAN : 9782849902639
267 pages
Editions des Equateurs (08/01/2014)
4.33/5   3 notes
Résumé :
11 juin 1957. Maurice Audin, jeune professeur à la faculté d Alger et militant communiste, est arrêté à son domicile par les parachutistes du général Massu. Il est soupçonné d héberger des membres de la cellule armée du Parti communiste algérien. Il est emprisonné, interrogé, torturé au centre d El Biar aux côtés d Henri Alleg, ancien directeur du journal Alger républicain et futur auteur de La Question, livre dénonçant la torture. Malgré les coups et la « gégène »,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le jeune homme était assistant en mathématiques à la faculté d'Alger, adhérant du Parti communiste algérien (PCA) et militant anticolonialiste. Il a 25 ans quand les militaires viennent l'arrêter, le mardi 11 juin 1957, à 23 heures, dans son appartement de la rue Flaubert, au coeur du quartier du Champ-de-Manoeuvre, à Alger. En 1957, Josette Audin et son mari vivent à Alger et sont âgés respectivement de 26 et 25 ans. le couple a trois enfants, une petite fille de 3 ans et demi et deux petits garçons de vingt mois, et un mois. Tous deux sont membres du Parti communiste algérien qui, à cette époque, est engagé dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. «Depuis le début de l'année 1957 les parachutistes font régner la terreur, ils se promènent dans les villes, arrêtent les passants, ceux naturellement qui sont suspects, c'est à dire les Algériens, pas les Européens, et tout le monde sait que le jour ils paradent auprès des filles et que la nuit ils font leur sale boulot», (témoignage de Josette Audin dans une émission »Le monde en soi», le 3 novembre 2001.)

C'est dans ce contexte que tous deux mènent des activités clandestines au sein du parti. En parallèle, le mathématicien est assistant à la faculté des sciences d'Alger. Sa thèse est presque aboutie lorsqu'il est arrêté dans la nuit du 11 juin 1957. (Elle sera finalement soutenue «in absentia» à la Sorbonne, six mois après sa disparition, par son directeur de thèse René de Possel.)

Josette son épouse s'inquiète auprès des soldats venus l'arrêter, et leur demande quand son époux va revenir. L'un des militaires lui répond : «S'il est raisonnable, il sera de retour ici dans une heure.». Maurice Audin est conduit dans un immeuble en construction d'El-Biar, sur les hauteurs de la ville, transformé en centre de détention par l'armée française. Torturé à mort, exécuté, il n'en est jamais revenu. le 1er juillet 1957, vingt jours après l'arrestation, un lieutenant-colonel tente de faire croire à Josette Audin que son mari s'est évadé lors d'un transfert. Alors, elle dépose plainte contre X pour homicide volontaire.
Josette Audin n'a même pas pu voir la dépouille de son mari : «Peut-être parce qu'il était européen, universitaire, les militaires ont essayé d'inventer une histoire. Les parachutistes de Bigeard ont imaginé un scénario de Maurice Audin s'enfuyant, s'étant échappé d'entre leurs mains. Evidemment, c'était complètement improbable, impossible. Non seulement ils ont torturé jusqu'à la mort, mais en plus, le fait de faire disparaître les gens participait à la terreur qu'ils faisaient régner sur la ville».

L'épouse du mathématicien témoigne être restée quatre jours en compagnie de parachutistes et de policiers (qui restaient à son domicile), n'ayant autre chose à faire que se ronger les sangs : «A cette époque on savait que les gens qui étaient arrêtés étaient automatiquement torturés, donc forcément, je ne pensais qu'à ça, qu'il était certainement torturé.» Elle assiste le lendemain à l'arrestation du journaliste Henri Alleg, ami de Maurice Audin, venu à leur domicile : »Il s'était présenté chez nous. Il a essayé de faire croire qu'il était là pour renouveler l'assurance de mon mari mais les parachutistes n'ont pas été dupes. Ils ont téléphoné au lieutenant Charbonnier qui est venu très vite le chercher.»

Josette Audin, morte samedi 2 février 2019, s'était battue toute sa vie pour que l'Etat français reconnaisse sa responsabilité dans la disparition de son mari, le mathématicien Maurice Audin, pendant la guerre d'Algérie. Elle aura passé la majorité de sa vie à tenter de faire la lumière sur les circonstances de l'assassinat de son mari, Maurice Audin.
Josette Audin est morte a' l'âge de 87ans , sans savoir comment a été tué son mari. Et c'est une tristesse supplémentaire pour tous ceux qui l'ont connue.
Comme Josette, c'est un devoir important que de participer à faire connaître les ressorts de l'affaire de l'assassinat de Maurice Audin, aujourd'hui établi, ainsi que celle des disparus de la guerre d'indépendance algérienne. Cet acte de l'Histoire devrait s'inscrire dans la perspective du droit à la vérité, mais aussi du devoir de mémoire, qui en est le corollaire.
Combien de temps devons-nous attendre encore pour arriver à la vérité ? Quand l'Etat français donnera-t-il cette fameuse dérogation qui donnera accès à ces archives ? Ces fameuses dérogations supposent encore que les documents auxquels on donnerait accès soient déclassifiés par l'autorité qui les a produits (ou en tous cas, l'institution qui en est l'héritière). C'est-à-dire que cela implique que le secret de la défense français soit levé, au coup par coup, pièce par pièce, avec l'aval des autorités concernées.

Autrement dit, un verrou puissant... et un verrou qui entrave drastiquement l'accès à autant de fonds d'archives susceptibles de crever un silence obstiné.

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Journaliste, écrivain et réalisateur de documentaires historiques et d'investigation, Jean-Charles Deniau n'hésite pas à mener des enquêtes sur des sujets qui dérangent, allant bien au-delà de la version officielle.
Dans "La vérité sur la mort de Maurice Audin", il va tout au bout du mystère en rencontrant régulièrement le général Paul Aussaresses, l'homme qui a brisé le silence sur la torture durant la guerre d'Algérie. Cet homme à qui Jacques Chirac a enlevé la légion d'honneur, a 94 ans, était aveugle et vivait en Alsace, aux côtés d'Elvire, son épouse, « une femme décidée et réfléchie » qui joue un rôle important dans la révélation de la vérité.
Commence alors un récit haletant, passionnant, documenté au possible car l'auteur ne veut rien laisser au hasard pour tenter de résoudre la dernière énigme de la guerre d'Algérie. Qui était Maurice Audin, cet homme dont deux places publiques, une à Alger et l'autre à Paris, rappellent la mémoire ? Ce jeune mathématicien, professeur à la fac d'Alger et militant communiste a été interpellé à son domicile, le 11 juin 1957. Henri Alleg, autre militant communiste arrêté mais qui s'en sortira, le croise au centre de triage d'El Biar. On ne retrouvera plus aucune trace de Maurice Audin, victime, comme tant d'autres d'horribles tortures.
La thèse officielle parle d'évasion mais cela n'est pas possible et ne cadre pas avec les habitudes du moment. Pour nous permettre de bien comprendre la psychologie des principaux protagonistes, Jean-Charles Deniau décrit d'abord le parcours de son interlocuteur. Après s'être battu pour libérer la France de l'occupant nazi, il va développer une haine viscérale du communisme d'abord en réprimant les grèves dans les houillères du Nord, en 1947, puis en Indochine.
L'auteur n'oublie pas la vie politique, les promesses non tenues de Guy Mollet qui bascule dans une politique répressive et double les effectifs militaires en Algérie en y envoyant le contingent, c'est-à-dire les appelés faisant leur service militaire. La bataille d'Alger commence et le général Massu charge Aussaresses de l'action. le 8 janvier 1957, celui-ci « savait que sa carrière militaire était fichue ».
Il faut lire ce livre pour découvrir tous les détails de cet engrenage de l'horreur mais une phrase a particulièrement retenu mon attention : « Je voudrais clairement mettre au jour la chaîne des responsabilités des civils –politiques et hauts fonctionnaires – et de la hiérarchie militaire qui ont poussé des soldats à se comporter en Algérie comme la Gestapo l'avait fait en France. »
Jean-Charles Deniau y parvient, réussissant même à rencontrer les derniers survivants de l'équipe dirigée par Aussaresses mais c'est avec ce dernier que se dénoue le mystère, avant qu'il avoue enfin : « Moi, je traîne une douleur qui ne me quitte jamais. »
Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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C'étaient des militaires à qui l'état avait confié la police et la justice , ils en firent une " justice policière " avec tous les débordements inévitables , alors que beaucoup d'entre eux furent des résistants au nazisme et eurent à en connaître les horreurs . Le pouvoir politique était tout de même donneur d'ordre mais sans directives écrites et semble s'être lavé les mains facilement des conséquences de ces entorses à la légalité .
La vérité partielle sur ces événements a abouti à ce livre , résultat d'une longue enquête journalistique rendue difficile par les années écoulées et cette politique du silence induite par une solidarité entre frères d'armes qui peut aussi se nommer complicité .
Que des militaires formatés à l'obéissance sans discutions , à l'admiration des chefs soient devenus des tortionnaires et des assassins sans presque aucun remord , on arrive à l'imaginer sinon à le digérer mais que ceux qui bien à l'abri des éclaboussures du sang des victimes , retranchés derrières les paravents de leurs fonctions politiques , non confrontés à la réalité de la torture et des liquidations aient pu et jusqu'à nos jours dormir tranquilles , cela dépasse l'entendement d'autant plus qu'ils ont largement critiqué de semblables faits par d'autres pouvoirs en d'autres lieux . L'hypocrisie de ces élites vertueuses est à mon sens significative d'une totale absence de sens moral , d'un mépris de la vérité qu'on doit aux citoyens vu que tant d'entre eux en furent les victimes collatérales . Peut-on s'étonner dès lors qu'un esprit de vengeance , certes , résultant d'une manipulation d'esprits faibles par des extrémismes religieux , viennent empoisonner des décennies plus tard la sécurité de nos métropoles ?
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critiques presse (1)
LeFigaro
03 février 2014
Un témoignage que confirme sa propre femme dans ce récit qui entend lever le voile sur une des énigmes de la guerre d'Algérie.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Le capitaine Yves de la Bourdonnaye Montluc dira plus tard à la journaliste Marie-Monique Robin : certains membres de l'équipe que j'avais récupérée étaient devenus complètement fous . Ils avaient pris l'habitude de tuer les prisonniers d'un coup de couteau dans le cœur .
Ces hommes , Massu , Aussaresses , Faulques .... , leurs exécutants , sous-officiers et soldats ont-ils liquidé tellement d'hommes au point d'avoir cessé de " penser " , comme me l'a dit un jour Pierre Misri ?
" Comment comprendre que le plus grand mal que l'homme peut générer ne soit pas le produit de la volonté expresse de faire le mal mais d'un mélange détonnant dintelligence stratégique et de vide moral " , écrit Hannah Arendt ( Eichmann à Jérusalem ) . Paradoxe . Ces militaires ont été d'authentiques résistants durant la Deuxième Guerre Mondiale
Ils ont lutté contre le fascisme et le " vide moral " , ils l'ont constaté chez les hommes de la Gestapo qui les pourchassaient . Mais , pour mener ce combat de la liberté et de la démocratie , ils ont du apprendre dans les commandos en Angleterre " à tuer sans laisser de traces , à être indifférents à leur souffrance et à celle des autres , à oublier et à se faire oublier .
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La question de l'inhumanité du mal reste ouverte , mais le pire serait de faire de ses hommes des êtres à part . Ils sont tragiquement humains et , s'ils n'ont pas eu la force de résister à la pression de leur hiérarchie -comme Jacques de Bollardière- ( " Non à la torture " Acte-sud Juniors ) , ils partagent largement la responsabilité de leurs actes avec la classe politique de cette IV éme République à la dérive qui les a poussés dans une spirale infernale . la période la plus dure du " maintien de l'ordre " se déroule en effet sous un gouvernement socialiste qui , en quelques mois , a balayé ses idées libérales pour instaurer une répression tous azimuts . Cette fameuse phrase du gouvernement général " à tout prix , à tout prix que Paul Aussaresses affirme avoir entendue à plusieurs reprises , n'est pas une simple exhortation mais une injonction . Massu et ses hommes qui n'étaient ni des mercenaires ni des francs-tireurs , ont suivi les directives et les encouragements oraux de ces politiciens qui venaient régulièrement à Alger les pousser au résultat . Le comportement de ces militaires est malheureusement classique . Comme l'a constaté Stanley Milgram : Des individus qui ne sont pas animés de pulsions sadiques sont , dans certaines circonstances , soumis à une autorité qu'ils jugent légitime , conduits à obéir à des ordres qu'ils n'auraient jamais exécutés d'eux-mêmes , comme infliger des décharges électriques de plus de 500 volts ....( expérience , bien connue , mise en place fictivement par Milgram et le prouvant )
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Je voudrais clairement mettre au jour la chaîne des responsabilités des civils –politiques et hauts fonctionnaires – et de la hiérarchie militaire qui ont poussé des soldats à se comporter en Algérie comme la Gestapo l’avait fait en France.
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Moi, je traîne une douleur qui ne me quitte jamais. (Général Paul Aussaresses)
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