Jean-Anatole : Le sentiment du tragique

Ce roman noir est tout simplement à couper le souffle. Il débute sur l'histoire d'un jeune homme, né par hasard en Algérie française et qui sera pris dans la tourmente de ces évènements tragiques que fut la lutte pour l'indépendance du peuple algérien. le caractère forgé dès l'adolescence de Jean-Anatole lui ouvre alors la voix de la magistrature et sa rectitude éthique, mais le fatum veille, comment passer par la rédemption appelée à grands cris sans se perdre dans la tragédie la plus pure et l'errance jubilatoire de l'alcool et sa rencontre de celui qui portera le fardeau à son tour.
Une écriture ciselée, précise dans sa narration, un rythme surprenant, un très bon roman noir dont je suis sûr les "psy" pourraient nous en dire sur l'ipséité de ce personnage étonnant.

Voici somme toute un récit crépusculaire. le désespoir fait littérature. Comme des rats pris dans une boite de Skinner, les héros de cette tragédie errent dans un labyrinthe qui les conduira inéluctablement au désastre. Pour qui se pique de psychanalyse, la noirceur est totale et la démonstration brillante. La psychose au bras de la perversion rejouant jusqu'à plus soif le traumatisme et ses conséquences vont bon train. La narration est ainsi faite qu'elle conduit le lecteur - presque malgré lui - à poursuivre sa lecture jusqu'au dénouement, comme une délivrance attendue, espérée, tant la caractérologie des personnages est poisseuse tel un papier tue-mouches collé à l'âme. Roger Marie Dionisi réussit le tour de force de créer chez son lecteur un mouvement simultané d'attraction et de répulsion pour ses personnages qui conduit finalement le névrosé moyen à conclure en creux au bonheur de sa petite vie.

Je l'ai pris pour passer le temps dans le train. A la sortie du travail j'ai pris d'assaut la première page.
Le lendemain matin je l'ai refermé à regret ayant terminé les 143 pages.
Je pense le reprendre bientôt plus posément afin d'en apprécier toutes les subtilités.
A consommer sans modération et avec délectation.

Une belle découverte. La plume virtuose de l'auteur illumine la noirceur de ce roman et m'a irrésistiblement entraînée sans répit dans les moindres recoins des combats de Jean-Anatole. Elle accorde à son âme (tourmentée depuis son plus jeune âge - on le serait à moins) un salut des plus inattendu...