C'est un roman intense et bouleversant !
Joffrine Donnadieu m'a encore bien secoué, même si j'ai trouvé son récit un petit peu moins trash que le premier. Mais peut-être que je m'habitue au style vif, parfois cru et sans fioriture de l'auteure.
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Pour moi, «
Chienne et louve » ne peut pas être lu indépendamment du premier roman «
Une histoire de France ». Il en est indissociable.
Parce qu'il faut lire le premier roman « coup de poing » et déchirant de
Joffrine Donnadieu. Déjà pour en apprécier et en apprivoiser son style moderne, sans tabou, très percutant et son histoire des plus audacieuses et des plus dérangeantes.
Il permet aussi de connaitre et de mesurer, ce que furent les drames épouvantables que Romy le personnage principal, a vécu dans son enfance et son adolescence.
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Avec «
Chienne et louve » , Joffrine a gardé toute la force dans ses mots et décoche toujours des uppercuts avec ses descriptions imagées. L'auteure a continué aussi de creuser davantage et admirablement bien, la personnalité troublée et troublante de Romy.
Lire le premier roman, permet aussi de comprendre ce qu'est devenue Romy aujourd'hui, avec ses choix d'une vie parfois débridée, ses attitudes parfois irresponsables et irrationnelles.
Il m'a permis, une fois de plus, de me projeter et me placer au plus près de la jeune fille, pour vivre avec elle ses joies mais aussi ses peines.
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J'ai donc retrouvé la petite fille Romy qui a bien grandi. Qui est devenue une jeune femme de dix-neuf ans, mais qui demeure encore fragile, encore déstructurée et désordonnée dans sa tête et dans son coeur. Romy est surtout très marquée par son passé tenace qui refait souvent surface.
J'ai frissonné lorsque j'ai entrevu en Romy, les dégâts irréversibles et leur ampleur, ceux qui furent causés par France, ce personnage cruel et pervers apparu dans le premier roman.
La jeune fille m'a semblé par moment, au bord de la rupture.
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Romy qui continue de maltraiter son corps, comme si c'était lui le responsable de ses maux et de ses angoisses intérieures, a quitté Toul et ses parents.
Elle est venue « s'installer », qui est un bien grand mot, à Paris pour étudier au Cours Florent. Car la jeune fille en quête d'identité, a peut-être trouvé son échappatoire comme un gros pansement à ses blessures à l'âme. Elle rêve de devenir comédienne.
Romy rêve d'incarner celle qu'elle n'est pas, celle qu'elle ne sera jamais, celle qu'elle ne veut plus être, ou celle qu'elle espère devenir un jour, à travers différents personnages de théâtre qu'elle admire.
La jeune fille s'acharne chaque jour à répéter ses rôles, s'use à se glisser dans la peau de ces personnages fictifs, dont certains sont déjà eux-mêmes bien perturbés, parfois au bord de la folie.
J'ai cru par instant, que Romy l'instable, allait se perdre dans ces rôles miroir si déstabilisants à jouer.
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Mais le rêve a un prix et les cours Florent ont un coût. Un rêve qui pousse Romy à avoir une double vie.
Lasse de sa vie de bohème et pour continuer à payer régulièrement ses cours, Romy va donc chercher une colocation.
Elle trouvera l'endroit où poser enfin ses valises, chez d'Odette.
Odette est une vieille dame étrange de quatre-vingt-neuf ans qui vit seule. Elle proposera à Romy qu'elle lui tienne compagnie en échange de partager l'appartement où elle vit, avec un loyer modéré.
Et c'est à ce moment que
Joffrine Donnadieu donne de la magie à cette rencontre improbable entre ces deux êtres que tout oppose.
La cohabitation entre la jeune fille et la vieille dame m'a semblé être une autre représentation théâtrale. Celle du théâtre de la vie, celle du théâtre d'improvisation où chacune devait par moment, se réinventé, adapter son rôle et son jeu en fonction du jeu aussi imprévisible que pervers qu'adoptait l'autre.
C'était comme une étrange chorégraphie où Romy la louve et Odette la jument, s'épiaient, se toisaient, se défiaient, parfois s'insultaient doucement, se brusquaient.
C'était comme une danse quotidienne, sur un fond d'une musique désaccordée, par des notes rauques de chantage, des notes éraillées d'humiliation, des notes enrouées de petites vacheries.
L'une et l'autre inséparables dans leur duo, avançait de quelques pas, sous l'impulsion des sentiments d'amour qui les traversaient parfois.
A d'autres moments, c'était des pas en arrière qui étaient effectués, lorsque se dressaient entre Romy et Odette, des sentiments de haine, de colère, de jalousie, de rancoeur ou de convoitise.
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Il y a tout ce que j'aime dans les romans comme ceux qu'écrit
Joffrine Donnadieu et qu'écrivent bien d'autres talentueuses auteures de sa génération.
Des histoires fortes, sombres, mais écrites avec une grande luminosité.
Des histoires qui me troublent, qui me font vibrer et qui me transportent dans une autre dimension par la beauté et la force de leur écriture.
Merci
Joffrine Donnadieu.