Mildred ou Le destin exceptionnel d'une résistante américaine dans l'Allemagne nazie

Rebecca Donner est une journaliste canadienne, romancière, petite-fille de la nièce de Mildred Harnack, l'héroïne de cette non-fiction.

Mildred est née en 1902 dans le Wisconsin, a suivi des études de littérature américaine, était professeur de lettres et s'est mariée avec un Allemand, Arvid Harnack, si bien qu'elle a déménagé à Berlin. Elle a vu la montée du nazisme et a lutté contre les oppressions, en étant active dans la résistance, en recrutant de nouveaux membres pour leur cercle et en fournissant des renseignements à l'Union Soviétique avec son mari qui travaillait au ministère de l'Economie.

Cette biographie qui met en avant le réseau de résistants qui a existé en Allemagne contre Hitler est captivante car tout est décrypté à partir de 1932, sur la mise en place d'une dictature, dans un pays où la liberté d'expression était pourtant reconnue. Les liens, entre la résistance et le communisme, entre la diplomatie et l'espionnage, sont présentés à travers la vie de quelques protagonistes, proches du pouvoir central.

Ce livre est très documenté. Il étonne au départ par sa forme, les notes de bas de pages étant remplacées par une partie finale consacrée aux sources et des photographies et documents étant insérés dans les pages de texte. Mais finalement, cette forme sert le fond par une immersion totale dans les causes et les épisodes de la deuxième guerre mondiale. A découvrir !

Ein grosser Pavé sehr sehr détaillé und ein bisschen lang...

Mildred Fish-Harnack racontée par son arrière-petite-nièce. Un récit très complet étayé d'anecdotes et de fragments de documents officiels, de lettres, de témoignages, de photos d'époque, d'extraits d'articles. Un essai à peine romancé sur la vie de Mildred mais pas seulement car on suit de très nombreux protagonistes qui ont croisé cette femme remarquable et l'on s'y perd un peu parfois. 
 
Cet ouvrage est presque une thèse sur cette oubliée des livres d'histoire, héroïne de la Seconde Guerre Mondiale, cette Américaine qui enseignait l'histoire de la littérature américaine à l'université du Wisconsin et qui y avait rencontré un étudiant allemand, Arvid Harnack, dont elle tomba amoureuse. Elle choisit de le suivre à Berlin à la fin des années 20. Ils assistèrent ensemble et interloqués à la montée du nazisme et créérent un cercle de résistants dès 1933. Elle sera guillotinée par les Nazis en 1943. 
 
L'écriture est fluide, les propos intéressants mais l'ensemble est un peu imposant à l'image de son titre. Un avis mitigé car ce livre a livré une bataille émotionnelle en mon for intérieur : j'étais en effet heureuse de retrouver la ville de Berlin que j'aime aujourd'hui, mais à une époque que je n'ai pas connue, heureuse également de réviser mon allemand que je perds quand je ne le pratique pas. Intéressée par les détails de l'Histoire à cette époque si tragique. Horrifiée par les horreurs de la guerre relatées ici, par la mise en place d'un état totalitaire d'une façon sournoise qui me fait mesurer combien la démocratie est fragile et combien nous avons raison de nous méfier de tous les signes dangereux que nous vivons aujourd'hui même si ce n'est pas franchement comparable. En résumé, un livre très documenté mais un peu long et un peu trop dense à mon goût. 

Mildred/ All the Frequent Troubles of Our Day 2021
ou le destin exceptionnel d'une résistante américaine
dans l'Allemagne nazie
Rebecca Donner
biographie
traduite de l'anglais (Etats-Unis) par Laurence Videloup et Perrine Chambon
Héloïse d'Ormesson, 2022, 424p


C'est une biographie, mais elle est écrite par son arrière-petite-nièce. Au fil des pages, on s'attache non pas tant à Mildred qu'au couple qu'elle forme avec Arvid, tous deux tournés vers le Bien et le Beau, épris d'idéaux comme un monde plus juste, où un homme ne se fait pas exploiter par un autre. Pour faire advenir ce monde meilleur, Arvid deviendra un espion pour l'Union Soviétique (mais Staline restera sourd aux alertes qui mettent en garde contre une invasion allemande) et adhérera même au Parti Nazi. On apprend qu'une concurrence meurtrière existait entre les différents services d'espionnage russes, et qu'une boulette de la part d'un des directeurs de ces services est à l'origine de l'arrestation de Mildred et d'Arvid.
Mildred est une Américaine de Milwaukke, d'un milieu très modeste et ayant pour père un alcoolique. Elle habite chez sa soeur aînée. L'école est un milieu qui lui convient. Elle étudie les Lettres amériaines, et plus précisément les auteurs qui se soucient du social et du politique. Elle traduira certains poèmes de Goethe, dont le titre original est un des vers.Elle rencontre un Allemand, un intellectuel, avec qui elle va à Berlin.
le sujet de la biographie est bien entendu Mildred, mais une Mildred qui s'engage dans la résistance allemande qui commence dès 1932, encore embryonnaire soit, qui se développera largement, mais qui ne sera jamais prise au sérieux par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. La France la considérera mais tard. Cette résistance se rencontre parmi les civils qui ne veulent pas d'un régime sanglant, racial et nauséabond (régime instauré par des ratés, Hitler un peintre raté, Goebbels un écrivain raté mais qui en revanche sait utiliser la radio par laquelle il fait entendre la voix magnétisante de Hitler) mais aussi parmi les hauts gradés de l'Armée.
Cet engagement la changera. de jeune femme radieuse, confiante en l'avenir, qui donne la priorité à ses idéaux et laisse en arrière ses désirs de grossesse, elle deviendra une femme sèche, apeurée, se sentant toujours surveillée, ne pouvant plus avoir d'enfants ; mais son engagement restera intact. Jugée une première fois, elle sera condamnée à six ans de travaux forcés. Ce verdict est insupportable à Goering qui obtiendra pour elle la peine de mort. Elle sera décapitée.
Ce livre nous en apprend beaucoup, ou bien agrandit nos connaissances. On voit la lente progression de Hitler vers le pouvoir sans aucunement user de la force, et comment il fait d'une démocratie parlementaire une dictature. Il compte sur la lâcheté des gens et le sens qu'ils ont de leurs intérêts. Une fois de plus, on constate le cynisme de certaines gens en temps de guerre : lors de la nuit des Longs Couteaux, les nazis confondent un critique musical et un membre des SA homonymes. Ils envoient le cercueil à sa veuve accompagné d'un mot d'excuse ; qu'on ne manque pas d'invention pour massacrer des hommes, ainsi on développe une camionnette mobile à gaz qui peut asphyxier jusqu'à quarante personnes en même temps ; ainsi on pratique des expériences inhumaines sur « les Lapins de Ravensbrûck ». On prend conscience des conséquences du fait d'avoir faim.
de façon plus anecdotique, on apprend le comportement lâche et tourmenté de Hans Fallada qui ne veut pas quitter l'Allemagne et concède un avant-propos honteux aux nazis pour son livre le roman du prisonnier ; Thomas Wolfe s'amuse et s'alcoolise tant en Allemagne qu'il ne s'aperçoit pas de la situation du pays.
On pense à certaines femmes d'aujourd'hui qui sont contre l'avortement, et au rôle qu'assignait Hitler aux femmes, privées de leur emploi, de s'inscrire à l'Université, de suivre un programme scolaire nourrissant. On pense à ce que font subir les Talibans aux femmes.
La construction du livre est intéressante : de longues parties sont consacrées à Mildred, de plus courtes à l'enfant, un jeune Américain qui servait de courrier entre Mildred et son père. Quelle responsabilité donnait-on à ce garçonnet qui maîtrisait sa fonction. Ces pages consacrées à l'enfant apportent un peu de fraîcheur. Quelques fragments d'interrogatoires sont donnés à lire. Un petit nombre de photos illustrent le texte. Les chapitres sont constitués comme des rapports, sans doute pour éviter tout pathos, relatant différents points, et qui résonnent comme des appels à rester toujours vigilants.
Des pièces manquent encore dans les archives. le dossier de Mildred est toujours classé.
On salue le courage de tous ces résistants.

A la question « Mais pourquoi restez-vous en Allemagne ? » l'américaine Mildred Harnack répondait toujours «Parce que je suis ici chez moi». Mais c'est en fait bien plus que ça.

Cette intellectuelle née en 1902 à Milwaukee aux Etats-Unis, arrive à Berlin à 26 ans pour y enseigner la littérature américaine. Mariée avec Arvid Harnack, un communiste allemand, elle se retranche derrière son intégration réussie et sa vie d'apparence épanouie pour justifier ce choix.

Mais Mildred n'est pas qu'une simple épouse. Rapidement, face à l'ascension d'Hitler, elle fonde avec plusieurs intellectuels allemands le Cercle, un mouvement de résistance qui s'oppose à la dictature naissante. Communiste convaincue, elle souffre pour les gens miséreux et les ouvriers exploités, et le nazisme lui paraît tellement inacceptable qu'elle décide de vouer sa vie à son combat contre le fascisme.

Cet essai est à la fois la biographie extrêmement bien documentée d'une femme qui méritait de retrouver sa place d'héroïne dans notre Histoire mais il est également une mine de renseignements et de copies de textes authentiques qui nous dévoile les actions de la résistance allemande et nous éclaire sur l'imparable survenue de la Seconde Guerre Mondiale.

Au-delà de la vie passionnante de cette femme hors du commun qui fit preuve d'une détermination et d'un courage sans faille, cette biographie de Mildred est une source historique d'une très grande richesse.

Alors il me semble essentiel, avec les évènements que vit l'Europe en ce moment, de lire et de relire ce terrible passé et de rester vigilant face à tout ce qui pourrait menacer l'avenir de nos démocraties. Mildred serait fière de savoir que son combat n'a pas été vain et qu'il éclaire aujourd'hui, 80 ans après, nos esprits en sommeil, persuadés qu'ils pouvaient dormir sur leurs deux oreilles.

L'autrice Rebecca Donner écrit dans ses notes «le soutien apporté par de nombreux allemands à Hitler est un fait reconnu qui laisse souvent peu de place à l'histoire de ses opposants». Avec ce livre et l'histoire de Mildred Harnack, son aïeule, elle a comblé ce vide de façon admirable et nous ne pouvons que lui être reconnaissants de tant de clairvoyance.

Mildred, née dans le Wisconsin en 1902, est une jeune femme férue de mots et de politique. Elle enseigne l'histoire de la littérature américaine à l'université. Elle y rencontre un étudiant allemand, Arvid, dont elle tombe amoureuse. Elle choisit de suivre à Berlin. Là, elle est le témoin de la montée inexorable du nazisme.

Mildred Harnack est l'arrière-grand-tante de l'autrice. Elle est également une des plus grandes résistantes au système nazi.

Dans le courant des années 30, alors qu'Hitler est encore moqué par certains, Mildred et son mari organisent des réunions secrètes dans leur appartement. Ils tentent de rallier des activistes afin de monter un réseau visant à dénoncer la politique du chancelier. Tous ont en commun une inquiétude sourde et profonde pour l'avenir de leur pays.

Lorsque la 2nde guerre mondiale éclate, Mildred et son cercle deviennent des atouts précieux pour les Alliés. Ils vivent dans la crainte constante d'être dénoncés mais leur ardeur et leur courage leur donnent une force phénoménale pour mener à bien les missions qui leur sont allouées.

Rebecca Donner met en lumière Mildred et ces femmes et hommes aujourd'hui tombés dans l'oubli. L'Histoire parle à foison des allemands collaborant avec les nazis, mais peu de ceux qui leur ont résisté. L'autrice a abattu un travail gigantesque de documentation et de lecture d'archives. Plusieurs années lui ont été nécessaires pour mener à bien son projet et se rapprocher des quelques personnes encore en vie citées dans le livre. Quelle émotion cela a dû être de pouvoir les rencontrer !

La mise en page du roman peut paraître exigeante pour le lecture, mais ne vous y fiez pas ! de nombreuses pages sont nécessairement informatives (date, lieu, événement) afin de comprendre le contexte dans lequel évolue Mildred, cependant l'histoire de celle-ci est contée avec une passion et une méticulosité bluffantes. L'aspect journalistique et historique fortement marqué se marie parfaitement avec le récit biographique de l'héroïne.

Certains passages sont bouleversants mais indispensables : la liste des tortures infligées aux prisonniers, les expériences de Ravensbrück, le chemin de Mildred jusqu'à l'échafaud, la lettre d'adieu d'Arvid à sa femme... Et que dire de Don, ce petit garçon à qui Mildred donnait des cours de piano, ce petit messager qui glissait des lettres codées dans ses livres et partitions... Ce même Don qui, revenant à Berlin à 18 ans, se tient devant l'appartement et se souvient.

Le devoir de mémoire reste essentiel. « N'oublie jamais. » lui avait dit Mildred.

Merci à l'autrice pour cette oeuvre qui porte à ma connaissance une femme extraordinaire, libre, humble et passionnée, qui paya de sa vie l'idée même de liberté. Ce livre fait partie de mes lectures les plus marquantes de ces derniers mois.