La littérature classique russe… tout un programme ! A part un recueil de nouvelles de
Gogol lu pendant mon adolescence dont je ne garde aucun souvenir et ma découverte pendant ma licence de lettres modernes d'Anna Karénine de Tolstoï que j'avais vraiment beaucoup apprécié, je ne connais que très (trop) peu les écrivains russes du XIXe siècle.
En me lançant dans ce monument mondialement reconnu, j'avais quelques réserves. J'avais peur de m'ennuyer ou pire, de ne pas tout comprendre. Un peu bêtement, j'ai toujours une petite appréhension en ouvrant un livre publié avant 1900, ce qui est clairement une erreur puisqu'à chaque fois, la découverte est sinon exceptionnelle, au moins très marquante.
Crime et Châtiment ne fait pas exception à la règle puisque c'est très agréablement surprise que je ressors de cette lecture… Convaincue malgré tout qu'elle aurait été encore meilleure si je l'avais faite dans des conditions traditionnelles et non à travers un livre audio qui n'est définitivement pas un format qui me convient.
Rodion Romanovitch Raskolnikov est le personnage principal de ce roman assez dense. Ancien étudiant en droit, il vit seul à Saint-Pétersbourg, sans le sou et quasiment sans attache. Il vend son dernier bien (une montre familiale) à une usurière du coin et fomente petit à petit son crime : il tuera la vieille femme et s'emparera de son butin. Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu et la hache utilisée pour le crime initial sert une deuxième fois, sur la soeur de l'usurière, rentrée trop tôt et donc au mauvais endroit au mauvais moment.
Plutôt chanceux dans son inexpérience, Raskolnikov parvient à s'enfuir, à cacher les preuves de sa culpabilité et à donner le change. Sa mère et sa soeur ne se doute de rien, les autres étudiants faisant partie de ses connaissances non plus ; seul Porphiri Petrovitch, le juge d'instruction chargé de l'enquête, soupçonne le jeune homme. Au début largement convaincu de son bon droit, Raskolnikov revient petit à petit sur son acte et la culpabilité finit par le ronger. Voilà le thème central du roman.
Alors oui, si vous êtes plus livre d'actions à toutes les pages, le tout rempli de dialogues,
Crime et Châtiment n'est peut-être pas indiqué. En revanche, si vous aimez entrer dans la tête d'un personnage et disséquer ses pensées, si vous aimez suivre des figures qui connaissent une évolution psychologique sur des centaines de pages, alors oui, ce roman de
Dostoïevski pourra sans doute vous plaire et vous satisfaire.
Etant une lectrice qui accorde principalement de l'importance à la construction des personnages, c'est le genre de texte qui fait résonner quelque chose en moi et qui me marque sur le long terme.
Dostoievski prend son temps, place ses pions, s'attarde sur des détails. Oui il y a de nombreuses descriptions mais non, il ne pouvait pas en être autrement. Et vous savez quoi ? Aucune ne m'a ennuyée car toutes participent à la création d'un décor, à la mise en place d'un contexte et de scènes visuellement fortes.
Plus qu'un voyage dans la tête d'un jeune criminel – un peu à la façon de la Bête humaine d'
Emile Zola chez les français – c'est aussi une peinture de la société russe du XIXe siècle : prostitution infantile, misère sociale, alcoolisme, maladie, mariage d'intérêt, infidélité… On suit ainsi, avec moins de développement mais ce n'est tout de même pas négligeable, la vie et donc l'évolution d'autres personnages secondaires : par exemple celles d'Avdotia Romanovna Raskolnikova, (appelée aussi Dounia ou Dounietchka) à savoir la soeur de Raskolnikov qui est dans une situation « amoureuse » assez étrange. C'est donc un assez large panel qui donne l'impression d'une Russie très sombre, en noir et blanc mais peut-être était-ce réellement le cas ? Un peu déprimant mais assez passionnant !
Je vous le disais en introduction, j'appréhendais surtout de ne pas tout comprendre pendant cette lecture. Encore une fois, je le répète, c'est une bête « angoisse » puisque dans ce roman de
Dostoïevski, comme dans le Anna Karénine de Tolstoï (et comme dans quasiment tous les textes publiés au XIXe siècle que j'ai pu découvrir jusque là), il n'y a aucune difficulté dans la langue. Certes les phrases sont plus longues, différemment tournées et certainement plus travaillées mais aucun problème de compréhension n'est à déplorer. Pour être plus claire : je n'ai jamais dû sortir mon dictionnaire pour chercher la définition d'un terme. Non, le vocabulaire est tout à fait accessible, il est juste utilisé différemment.
La seule réelle difficulté que j'avais déjà pu noter lors de ma lecture d'Anna Karénine – et qui est peut-être une généralité dans la littérature russe mais je ne me risquerai pas à l'affirmer -, c'est le grand nombre de prénoms, noms et surnoms que possèdent chacun des personnages. Et comme je n'ai jamais fait de russe de ma vie, j'ai en plus l'impression que tous les patronymes ont la même consonance, les mêmes sonorités.
Alors imaginez : notre héros (Rodion Romanovitch Raskolnikov) est souvent appelé par son nom : Raskolnikov mais aussi par son prénom – Rodion – lorsque ce sont ses proches qui l'interpellent, parfois Romanovitch qui – si je ne dis pas de bêtise – est un dérivé du prénom de son père et je pense même qu'il possède un surnom mais je ne me souviens plus duquel… ce qui monte la façon de le qualifier à 4 formes différentes. Et c'est quasiment la même chose pour tous les autres personnages secondaires et tertiaires (bien que ceux-ci gagnent tout de même moins de diversité, tout simplement car ils nous sont moins intimes).
Alors je ne vous cache pas qu'au début, il n'est pas toujours évident de faire le lien et on se rend parfois compte avec étonnement que le personnage dont on vient de parler est en fait le héros… cela dit, rassurez-vous,
Dostoïevski fait très bien son boulot et le lecteur parvient très vite à remettre les choses à leurs places.
J'aime dévorer des livres en deux ou trois jours mais je me rends compte que ceux sur lesquels je passe le plus de temps – généralement les classiques – sont ceux qui finalement, restent les plus marquants et les plus prégnants dans mon esprit.
Crime et Châtiment fait partie de ceux-là et je comprends dorénavant pourquoi il a eu (et a toujours) un tel retentissement. A moi
L'Idiot et
Les Frères Karamazov !
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