Écofascismes

[Extrait de l'article "TUGPÉUA #31 Spécial écologie"]

Vous trouvez l'écologie punitive ? Attendez d'avoir vu celle d'extrême-droite ! Non, il ne s'agit pas d'une hypothétique armée de fascistes tirant des balles écoresponsables depuis leurs tanks en forme de tondeuse à gazon : l'écofascisme est bien réel, et beaucoup plus subtil.
L'écologisme contemporain est en effet de plus en plus déconnecté de sa traditionnelle dimension socialisante afin de coller aux agendas politiques. Les idées anxiogènes qui la traversent, l'effondrement, le malthusianisme ou encore le rôle habituellement destructeur de l'être humain, font que certaines figures, militantes comme intellectuelles, penchent de plus en plus vers l'idée d'une société où la question écologique serait laissée à un leader unique et éclairé ; les pratiques jugées contre-nature, comme l'émancipation des femmes ou l'homosexualité, sont également pointées du doigt par ces vous l'aurez compris très sympathiques messieurs (pas sûr qu'on réduira notre bilan carbone en brûlant tout ce qui pense pas comme nous…).
Le cas le plus fascinant à mes yeux est celui de la Nouvelle Droite, qui fait de la « métapolitique ». Reprenant les théories de Gramsci sur l'idée d'une guerre culturelle entre les différents courants politiques, ces intellectuels fascistes influencent le débat public de manière discrète par la presse et un réseau de personnalités bien rodé. Leur rapport à l'écologie n'est pas moins surprenant : ils rêvent non pas d'une Europe ultra-catho mais païenne, renouant avec une nature pure, barbare et ancienne. Bref, il s'agit de méchants qu'on serait contents de croiser, mais de préférence dans une oeuvre de fiction.
En seulement 200 pages, Antoine Dubiau dresse les grandes lignes des rapports entre fascisme et écologie, l'histoire encore récente de l'écofascisme français, et les différents traits de ce nouveau courant politique. J'ai un petit désaccord avec l'idée que le concept d'effondrement est colonial car pensé uniquement pour l'Occident (rappelons que René Dumont, militant tiers-mondiste — on va y revenir—, le prônait déjà en 1973) ; du reste, il s'agit d'une référence incontestable, courte, accessible, et passionnante.
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Comment l'écologie peut amener à l'extrême droite et comment l'extrême droite peut amener à l'écologie ? Dans ce livre, Antoine Dubiau s'emploie à analyser la réappropriation de l'écologie par l'extrême droite et plaide en réponse pour une clarification de l'écologie à gauche.

Face à la manifestation de plus en plus tangible du réchauffement climatique, les climato-négationnistes se font de plus en plus rares, et tous les courants politiques sont amenés à s'approprier la question écologique. Bien que l'ancrage de ce courant politique soit historiquement marqué à gauche, une culture écologique réactionnaire fait son chemin depuis les années 70 et le courant de la Nouvelle Droite.
Ses idéologues conçoivent l'écologie comme une continuité de leurs pensées conservatrices, et l'emploie à d'autres finalités que la lutte pour le vivant : contre l'uniformisation culturelle, contre les déplacements de population, contre certaines formes de progrès, pour la préservation de la race dont la nature serait le berceau (déterminisme géographique). La nature serait un modèle que la société devrait protéger et reproduire : « L'écofascisme repose sur une certaine idée de la nature, alors conçue comme un ordre, dont le dépassement des bornes entraînerait une forme de décadence. En pleine crise politique et écologique, la société moderne se trouverait précisément dans cette situation déliquescente. »