Après Carnet Ocre* paru en avril 2018, l'éditrice de l'Atelier des Noyers,
Claire Delbard, fait paraître dans sa collection Carnet de couleurs un nouveau petit bijou de sensibilité et de délicatesse intitulé Roses. Là encore c'est Anouk van Renterghem qui associe son talent à la poésie de
Louise Dupré dans une fertile complicité. La patte de l'artiste se fait douce et énergique à l'image de la couleur dont il est question.
Le pluriel du titre pourrait faire penser à première vue à la reine des fleurs mais non, même si celle-ci est présente en signe d'espérance parmi les autres beautés du jardin « qui tiennent tête à la réalité ». Dans ce nouveau carnet poétique,
Louise Dupré continue d'explorer une couleur dans toutes ses nuances, le rose. Ce dernier n'est pas une teinte mièvre placée là pour faire joli, mais une couleur vivace et volontaire, qui possède son énergie propre, qui sait accorder douceur et douleur sans rien effacer.
Le rose ne trahit pas
la douleur
il l'apprivoise, la rend
supportable
et tu peux poursuivre ta route
presque sereine
en refermant
tes premiers tombeaux.
C'est le rose de l'amour, de la vie qui repart, « une chanson du coeur / qui piaffe / dans sa cage », celui des livres de l'enfance avec ses rêves interdits, de la féminité qui se cherche à l'ombre des poètes, celui des ongles vernis qui fait contrepoint à « l'opacité de ciels / sans fenêtres » et conjure « le battement affolé / de la terre ». Chaque souvenir a son revers, chaque touche de rose aussi. Il colore les cicatrices tôt survenues, les blessures secrètes, les tourments du coeur, mais le sang apprivoisé, maquillé, trace un chemin d'innocence et de résistance, « minuscule victoire / sur la nuit », qui aide à surmonter tout ce qui fait mal, en soi, autour de soi.
Tu ne pourras jamais
abolir les haines
aux quatre coins du onde
et pourtant tu essaies
de maquiller le rouge
impitoyable
qui embrase les drapeaux.
Louise Dupré fait partie de cette « généalogie / des femmes / qui n'ont jamais renoncé ». Aussi continue-t-elle, vaillante dans la détresse, de « marcher / les yeux tournés vers l'intérieur » en faisant confiance aux « petites consolations lovées dans les boucles du poème ».