L'homme atlantique de
Marguerite Duras se lit comme une nouvelle de 30 pages. Ce petit livre a été publié en 1982, deux ans avant
L'amant, roman couronné, entre autres, du Prix Goncourt de 1984. Ce minuscule bouquin fait écho à la bande-sonore du fil
m de Marguerite Duras
Agatha ou les lectures illimitées. le texte apparaît comme une longue lettre d'amour que
Marguerite Duras aurait rédigée à
Yann Andréa. Une longue lettre d'amour qui parle de blessure, de rupture, de mort, de mer, de Dieu… Cette dernière est rédigée au vous, comme si la narratrice voulait créer un effet de distance entre elle et l'être aimé, comme s'il fallait éloigner cet amour. le spectateur, tout comme le lecteur, participe à cet éloignement par le biais du regard. Il est à noter que dans le fil
m de
Duras, le spectateur peut apercevoir
Yann Andréa dans divers plans.
Marguerite Duras présente son texte en abordant la perte de l'être aimé :
“Je l'ai pris et je l'ai mis dans le temps gris, près de la mer, je l'ai perdu, je l'ai abandonné dans l'étendue du film atlantique. Et puis je lui ai dit de regarder, et puis d'oublier, et puis d'avancer, et puis d'oublier encore davantage, et l'oiseau sous le vent, et la mer dans les vitres et les vitres dans les murs. Pendant tout un moment il ne savait pas, il ne savait plus, il ne savait plus marcher, il ne savait plus regarder. Alors je l'ai supplié d'oublier encore et encore davantage, je lui ai dit que c'était possible, qu'il pouvait y arriver. Il y est arrivé. Il a avancé. Il a regardé la mer, le chien perdu, l'oiseau sous le vent, les vitres, les murs. Et puis il est sorti du champ atlantique. La pellicule s'est vidée. Elle est devenue noire. Et puis il a été sept heures du soir le 14 juin 1981. Je me suis dit avoir aimé.
Marguerite Duras”
L'homme atlantique m'a plongée dans un univers comme seule
Duras peut créer. J'aime sa plume, sa poésie, sa sensibilité. Par le biais de cette nouvelle, c'est une vague d'émotion qui déferle sur le lecteur, une vague d'émotion triste, magnifique, sublime… Cette vague puise sa source au coeur même de
la douleur, dans la transparence de l'écume… Elle est tantôt violence, tantôt délicate…
“Vous pensez que c'est moi qui vous ai choisi. Moi. Vous. Vous qui êtes à chaque instant le tout de vous-même auprès de moi, cela, quoi que vous fassiez, si loin ou si près que vous soyez de mon espérance. (p. 10)”
C'est l'écho de cette vague rugissant dans le coeur de l'amoureuse sachant que tout est fini que le lecteur entend. Il perçoit que la mer reprend son fruit qu'elle a couché sur le sable, l'instant d'un moment lumineux, magique… Il ne reste qu'un film pour fixer le corps de l'autre dans l'enceinte du temps… le corps incommensurable de l'autre dans
la douleur du temps…
“Tandis que je ne vous aime plus je n'aime plus rien, rien, que vous, encore.
Ce soir il pleut. Il pleut autour de la maison et sur la mer aussi. le film restera
ainsi, comme il est. Je n'ai plus d'images à lui donner. Je ne sais plus où nous en sommes, dans quelle fin de quel amour, dans quel recommencement de quel autre amour, dans quelle histoire nous nous sommes égarés. (p. 27-28)”
Le fil
m devient une autre façon de raconter une histoire et sa fin… Comme le mentionne la narratrice :
“Je suis dans un amour entre vivre et mourir. (p. 31)”
J'adore…
https://madamelit.me/2016/10/21/madame-lit-lhomme-atlantique-de-marguerite-duras/