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EAN : 9782707306111
30 pages
Editions de Minuit (30/11/-1)
3.8/5   38 notes
Résumé :
« Je l’ai pris et je l’ai mis dans le temps gris, près de la mer, je l’ai perdu, je l’ai abandonné dans l’étendue du film atlantique. Et puis je lui ai dit de regarder, et puis d’oublier, et puis d’avancer, et puis d’oublier encore davantage, et l’oiseau sous le vent, et la mer dans les vitres et les vitres dans les murs. Pendant tout un moment il ne savait pas, il ne savait plus, il ne savait plus marcher, il ne savait plus regarder. Alors je l’ai supplié d’oublier... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
L'homme atlantique de Marguerite Duras se lit comme une nouvelle de 30 pages. Ce petit livre a été publié en 1982, deux ans avant L'amant, roman couronné, entre autres, du Prix Goncourt de 1984. Ce minuscule bouquin fait écho à la bande-sonore du film de Marguerite Duras Agatha ou les lectures illimitées. le texte apparaît comme une longue lettre d'amour que Marguerite Duras aurait rédigée à Yann Andréa. Une longue lettre d'amour qui parle de blessure, de rupture, de mort, de mer, de Dieu… Cette dernière est rédigée au vous, comme si la narratrice voulait créer un effet de distance entre elle et l'être aimé, comme s'il fallait éloigner cet amour. le spectateur, tout comme le lecteur, participe à cet éloignement par le biais du regard. Il est à noter que dans le film de Duras, le spectateur peut apercevoir Yann Andréa dans divers plans. Marguerite Duras présente son texte en abordant la perte de l'être aimé :


“Je l'ai pris et je l'ai mis dans le temps gris, près de la mer, je l'ai perdu, je l'ai abandonné dans l'étendue du film atlantique. Et puis je lui ai dit de regarder, et puis d'oublier, et puis d'avancer, et puis d'oublier encore davantage, et l'oiseau sous le vent, et la mer dans les vitres et les vitres dans les murs. Pendant tout un moment il ne savait pas, il ne savait plus, il ne savait plus marcher, il ne savait plus regarder. Alors je l'ai supplié d'oublier encore et encore davantage, je lui ai dit que c'était possible, qu'il pouvait y arriver. Il y est arrivé. Il a avancé. Il a regardé la mer, le chien perdu, l'oiseau sous le vent, les vitres, les murs. Et puis il est sorti du champ atlantique. La pellicule s'est vidée. Elle est devenue noire. Et puis il a été sept heures du soir le 14 juin 1981. Je me suis dit avoir aimé. Marguerite Duras

L'homme atlantique m'a plongée dans un univers comme seule Duras peut créer. J'aime sa plume, sa poésie, sa sensibilité. Par le biais de cette nouvelle, c'est une vague d'émotion qui déferle sur le lecteur, une vague d'émotion triste, magnifique, sublime… Cette vague puise sa source au coeur même de la douleur, dans la transparence de l'écume… Elle est tantôt violence, tantôt délicate…

“Vous pensez que c'est moi qui vous ai choisi. Moi. Vous. Vous qui êtes à chaque instant le tout de vous-même auprès de moi, cela, quoi que vous fassiez, si loin ou si près que vous soyez de mon espérance. (p. 10)”

C'est l'écho de cette vague rugissant dans le coeur de l'amoureuse sachant que tout est fini que le lecteur entend. Il perçoit que la mer reprend son fruit qu'elle a couché sur le sable, l'instant d'un moment lumineux, magique… Il ne reste qu'un film pour fixer le corps de l'autre dans l'enceinte du temps… le corps incommensurable de l'autre dans la douleur du temps…

“Tandis que je ne vous aime plus je n'aime plus rien, rien, que vous, encore.

Ce soir il pleut. Il pleut autour de la maison et sur la mer aussi. le film restera ainsi, comme il est. Je n'ai plus d'images à lui donner. Je ne sais plus où nous en sommes, dans quelle fin de quel amour, dans quel recommencement de quel autre amour, dans quelle histoire nous nous sommes égarés. (p. 27-28)”

Le film devient une autre façon de raconter une histoire et sa fin… Comme le mentionne la narratrice :

“Je suis dans un amour entre vivre et mourir. (p. 31)”

J'adore…
https://madamelit.me/2016/10/21/madame-lit-lhomme-atlantique-de-marguerite-duras/
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Il n'est pas rare de voir au cinéma des adaptations d'oeuvre littéraire, le contraire est moins courant. Mais est-ce réellement ce dont il s'agit avec l'homme Atlantique de Marguerite Duras ?

L'homme Atlantique est un opuscule de Marguerite Duras publié aux éditions de minuit en 1982. le texte est bref, intime. La narratrice parle à un homme, à moins que ce soit à nous, lecteur :

« Votre seule absence reste, elle est sans épaisseur aucune désormais, sans possibilité aucune de s'y frayer une voie, d'y succomber de désir. »

Le texte est original par sa genèse. Il constitue à l'origine le monologue prononcé par Marguerite Duras dans le film L'homme Atlantique en 1981. le film est une création elle-même assez atypique, car montée à partir de « rushes » du film Agatha ou les lectures illimitées. le spectateur voient des images de l'océan hors-saison, de Yann Andréa déambulant dans un hôtel fermé, qui alternent avec l'écran noir. Cet écran noir, avec la voix de Marguerite Duras pour unique médium, donnent alors la pleine puissance aux mots, qui deviennent premiers alors même que nous sommes au cinéma. L'homme atlantique devient alors un objet artistique à la croisée de la littérature & du cinéma qui mérite une trentaine de pages de votre temps afin de le rendre seulement poétique.

« Tout étant prêt pour ma mort, j'ai commencé à écrire ce dont justement je sais qu'il vous serait impossible de pressentir la raison, d'apercevoir le devenir. C'est à votre incompréhension que je m'adresse toujours. Sans cela, vous voyez, ce ne serait pas la peine. »

Il y a aussi quelque chose de l'ordre du cinéma qui se regarde, lui. de la littérature qui se raconte et peut-être aussi de la littérature qui dit le cinéma et du cinéma qui montre les mots. L'Homme atlantique a été une expérience unique dont la brièveté égale la force de proposition.
Fan de Duras, ne passez pas à côté.

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🌊 « Vous et la mer, vous ne faites qu'un pour moi, qu'un seul objet, celui de mon rôle dans cette aventure. Je la regarde moi aussi. Vous devez la regarder comme moi, comme je la regarde, de toutes mes forces, à votre place ». (P. 14)

🌊 Il y a dans l'amour et la mer, au-delà de la sonorité similaire, l'attrait vers l'inconnu, l'annonce d'une tragédie imminente, un tremblement subtil, une agitation naturelle, un certain émoi, un abandon et une confiance aveugles.

🌊 Réunissez donc l'homme et l'eau, et laissez le trouble vous submerger, et dites l'amour, la souffrance, la religion, l'essentiel. Faites-en un film, dirigez cet homme, faites lui voir la mer, faites lui sentir le vent saturé d'iode, ouvrez lui les yeux vers l'horizon, au-delà de vous, au-delà de tout, ne voyez que lui. Pour qu'il ne voie que vous. Abandonnez-vous au point de ne plus pouvoir le faire, de ne pas réussir. « Tandis que je ne vous aime plus, je n'aime plus rien, rien, que vous, encore. » (p.27)

🌊 Dans « L'homme atlantique », Duras explore l'amour, la mort de l'amour, l'Autre à travers une caméra. Il y a la considération de l'être aimé à travers un champ réduit, qui ne peut par essence saisir l'entièreté de l'amour, de la passion, dévastatrice et impalpable. En trente pages, Duras fait naître une réflexion sur la représentation, sa nécessite et son incapacité à rendre compte du réel. Un petit bijou comme je les aime.

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Il reçoit des injonctions - au futur qui est impératif, au pluriel de politesse - sur son regard, qui se doit d'être sa manière d'être. Il avance le long de la rive de l'océan, quelque part dans l'hémisphère Sud sans doute, près d'un chien et d'une mouette tragique.
Il est sorti du champ de la caméra. Son absence soudaine symbolise une rupture amoureuse, un abandon.
Elle commence alors la narration à la première personne, elle a entrepris d'écrire, de faire un film. Elle se trouve sur la terrasse d'une maison, près de tourterelles au vol de velours dans un buisson de rosiers.
Elle décide qu'il réapparaîtra dans l'image. Mais cette fois il regardera la caméra, comme si « c'était elle, la caméra, qui la première avait voulu [le] tuer. » (p. 26).

Excipit : « C'est ainsi que vous vous tenez face à moi, dans la douceur, dans une provocation constante, innocente, impénétrable. 
Vous l'ignorez. »

[La lecture en voix off de l'intégralité du texte peut bien avoir une durée compatible avec celle d'un film.]
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C'est l'histoire d'un homme face à l'Atlantique, qui regarde la mer de toutes ses forces. Il est filmé par une femme. Cette femme veut montrer la perte de l'amour et la douleur de l'absence. C'est le cinéma qui le lui permet.
Je trouve ce petit texte intitulé "L'Homme atlantique" très émouvant ; c'est la transcription de la bande-son du film que Marguerite Duras a réalisé en 1981. Je ne l'ai pas encore vu mais j'en ai beaucoup entendu parler car il semble être un petit chef d'oeuvre expérimental grâce aux images que l'on peut regarder les yeux fermés.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
On dit que le plein été s'annonce, c'est possible. Je ne sais pas. Que les roses sont là, dans le fond du parc. Que parfois elles ne sont vues par personne durant le temps de leur vie et qu'elles se tiennent ainsi dans leur parfum écartelées pendant quelques jours et puis qu'elles s'effondrent. Jamais vues par cette femme qui oublie. Jamais vues par moi, elles meurent.
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Je me suis dit que je vous aurais aimé. Je croyais qu’il ne me restait déjà de vous qu’un souvenir hésitant, mais non, je me trompais, il restait ces plages autour des yeux, là où embrasser comme là s’étendre sur le sable tiède, et ce regard centré sur la mort.
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« Vous regarderez ce que vous voyez. Mais vous le regarderez absolument. Vous essaierez de regarder jusqu'à l'extinction de votre regard, jusqu'à son propre aveuglement et à travers celui-ci vous devrez essayer encore de regarder. Jusqu'à la fin. » (p. 8)
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Tandis que je ne vous aime plus je n’aime plus rien, rien, que vous, encore.

Ce soir il pleut. Il pleut autour de la maison et sur la mer aussi. Le film restera ainsi, comme il est. Je n’ai plus d’images à lui donner. Je ne sais plus où nous en sommes, dans quelle fin de quel amour, dans quel recommencement de quel autre amour, dans quelle histoire nous nous sommes égarés.
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Vous avancerez. Vous marcherez comme vous le faites quand vous êtes seul et que vous croyez que quelqu’un vous regarde, Dieu ou moi, ou ce chien le long de la mer, ou cette mouette tragique face au vent, si seule devant l’objet atlantique.
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