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Une histoire coloniale. La mère, ancienne institutrice, et le père s'installent dans cette Indochine lointaine tenté par les écrits propagandistes de l'époque. le père meurt et la mère reste seule avec deux enfants à sa charge, Joseph et Suzanne. Elle jouera du piano dans un cinéma de quartier pendant dix ans, histoire de faire des économies pour obtenir une concession de la Direction générale du cadastre. Mais faute de leur avoir versé quelque pot-de-vin,on lui attribue une parcelle incultivable. La mère s'entête à faire désespérément pousser quelque chose sur ces terres stériles. Elle a l'idée de créer un grand barrage qui protégerait ses terres ainsi que celles de ses voisins, des assauts dévastateurs des grandes marées. le barrage évidemment ne tiendra pas longtemps et c'est ici que Marguerite Duras commence son roman.
Joseph a vingt ans, Suzanne en a seize. La vie s'écoule misérable au milieu de ces terres putrides et ingrates. Tout n'est que délabrement. Un vieux bungalow, une vieille auto qu'on rafistole comme faire se peut. Une vie de misère agrémentée de temps à autres par les visites de ces inspecteurs du cadastre qui viennent constater les avancées des plantations. Mais des avancées, il ne peut y en avoir. Une vie de misère.
Et pourtant l'énergie et un fol espoir n'ont pas quitté cette mère qui refuse l'inévitable, à savoir le départ définitif de ces deux enfants pour des horizons plus souriants. Elle se détruit le mental et la santé tant son désir est grand de voir pousser quelque chose. Elle veut reconstruire un barrage et montrer à ces fourbes du cadastre que c'était possible. Mais bon ce projet fou et tous les autres ne sont que châteaux en Espagne. Des illusions. Désillusions... Toute ambition sera vouée lamentablement à l'échec. Restera le moyen de soudoyer un riche propriétaire terrien attiré par les charmes sauvages de la jeune Suzanne. Lui faire payer son droit de visite en quelque sorte par quelques généreuses donations.
C'est un roman dur, violent qui nous montre l'existence d'êtres pathétiques et misérables qui se débattent et luttent contre des éléments déchainés. L'Océan et les agents du Cadastre. L' acharnement de survie, l'amertume de voir tout s'écrouler, le dépit. Et puis ces paysages coloniaux. Cette Indochine mystérieuse qui ne se livre pas si facilement et que l'auteur connaît très bien puisqu'elle y a vécu. Désespérément noir, désespérément beau !

Livre fort et poignant malgré quelques longueurs au début.
Enfin ! c'est du Duras, comme j'aime . (Ceci n'engage que moi bien sûr )



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Un classique Durassien, même s'il inaugure l'oeuvre littéraire de la grande écrivaine, ça fait du bien.
Parce que la plume, l'intelligence, le talent et un certain regard sont au rendez-vous.
Cette histoire de colons pris au piège des rouages vénaux et corrompus de la colonisation dans l'Indochine des années 20, est rendue passionnante et attachante par le tableau réaliste qu'en a fait Duras.
Un tableau d'où émerge une nature qui, loin d'être de carte postale, se montre sans concessions à l'égard des plus faibles que sont les colonisés, disponible et exploitable source d'enrichissement pour les colonisateurs. Un tableau où l'on voit s'opérer dans les grandes villes cette scission de classes entre ceux qui, sans scrupules et sans vergogne, pillent les richesses du pays "occupé", au prix de l'asservissement et de la déshumanisation des autochtones.
Un tableau qui n'aurait pas la force que lui confère ce - barrage contre le Pacifique - sans les figures expressionnistes de "la mère", symbole de la lutte sisyphienne contre l'absurde implacable de l'administration coloniale, "Joseph", son fils aîné, jeune et beau garçon tiraillé entre l'amour mortifère pour une mère devenue despotique, castratrice et maladivement possessive, et l'amour pour une vie qu'il pressent davantage qu'il ne connaît, "Suzanne" sa belle et jeune soeur, objet de convoitise des hommes qui peuplent cette histoire, et "monnaie d'échange" pour la mère dans sa lutte contre ses échecs et son appauvrissement... M. Jo... jeune fils de colon, richissime imbécile inutile, qui va s'éprendre passionnément de Suzanne, "Lina" riche femme mariée à un homme alcoolique, qu'elle va quitter pour Joseph, dont elle va tomber follement amoureuse, devenant, plus âgée que lui, son amante et un substitut maternel... Il y a aussi "le caporal", Carmen", le fils "Agosti"... mais à vous d'aller à leur rencontre.
Ce livre, outre les thèmes déjà évoqués, traite avec beaucoup de sensualité de celui du corps, de la virginité, de la sexualité, de son "exploitation", celui de l'argent est central, de l'amour et d'une quête d'un absolu vers lequel on se sent poussé sans l'avoir précisément identifié.
Les personnages sont en permanence tiraillés dans leurs contradictions que, pour la plupart, ils n'arrivent pas à faire émerger du marigot existentiel dans lequel elles sont plongées, à l'instar de Joseph et Suzanne dont la relation frère soeur est imprégnée d'une ambiguïté très "tropicale"...
En conclusion, un excellent bouquin écrit par une Duras au début de son envol vers les sommets de la littérature.
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Mon mari et moi habitions dans le Lot-et-Garonne depuis peu quand, voulant découvrir la région, mon mari me concocta l'un de ces petits week-ends surprises dont il a le secret. Il m'emmena à Duras. Nous nous baladâmes, nous visitâmes le château et, au dîner, il m'offrit Un barrage contre le Pacifique.

Jusqu'alors, même si le nom de l'auteur me disait bien quelque chose, je ne savais rien de l'oeuvre de Marguerite Duras, je ne savais rien non plus de sa vie ni de son expérience indochinoise. Mais immédiatement, ce roman aux parfums d'orient me mit l'eau à la bouche. Tandis que je découvrais des paysages aussi peu familiers pour moi que ceux de la planète Mars puisque je ne voyage qu'en Europe, je m'aidais en faisant défiler dans ma mémoire les très belles images du film de Wargnier "Indochine". Je pense que c'est à ce prix que la magie du roman a opéré sur moi.

J'ai aimé le dépaysement du récit ; la lutte contre la misère des colons français, ces "oubliés du bout du monde". Le style Duras m'a quelque peu rebutée au premier contact mais j'ai été heureuse d'avoir persévéré car je me suis finalement assez vite acclimatée à son écriture. Il est probable que je lirai d'autres Duras dans l'avenir.
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Dans ce roman bien antérieur à L'amant, Marguerite Duras pose déjà les bases de cette autobiographie fulgurante et si moderne, ici dans un style sage et sobre, classique. La pauvreté ronge cette mère et ses deux enfants qui rêvent d'évasion à tout prix, quitte à renier leurs valeurs, inexistantes. Ce livre écoeure par le manque de dignité des héros, fait d'autant de passivité que de fureur vaine (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/11/26/un-barrage-contre-le-pacifique-marguerite-duras/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Avec le recul, c'est sans doute le roman de Duras que je préfère.

Parce que la folie rôde, parce que la pauvrete écorche, parce que l'océan est inexorable, parce qu'il y a tout déjà de ce qui va faire l'univers de la romancière - et surtout parce qu'elle ne le sait pas encore et n'en joue pas.
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"Un Barrage contre le Pacifique ", publié en 1950, n'est pas le premier roman de Marguerite Duras mais c'est celui qui en a fait une écrivaine reconnue et appréciée grâce à sa modernité.

L'action se situe en Indochine française dans les années 30. Une ancienne institutrice, mère de deux enfants déjà grands, Joseph et Suzanne, essaie de faire vivre une concession malgré les incessantes incursions de l'océan dans ses cultures : bâtir des barrages pour arrêter les vagues devient sa raison de vivre.
Ce roman raconte la difficulté de la vie des petits blancs par rapport aux riches planteurs ou membres de la bourgeoisie coloniale, commerçante ou financière. C'est aussi une dénonciation des abus des fonctionnaires de l'administration coloniale.

Mais ce roman est surtout l'histoire d'une relation entre une mère et sa fille, Suzanne, qui n'est autre que Marguerite Donnadieu qui deviendra plus tard Marguerite Duras. En effet, "Un Barrage contre le Pacifique" inaugure des figures féminines qui hanteront les futurs romans de Marguerite Duras, tout d'abord par la présence de la mère, une femme en lutte mais une femme livrée corps et âme à l'amour de son fils. Et puis, la femme à la recherche de l'amour absolu ou de l'absolu de l'amour, de l'amour comme une nécessité mais de l'amour toujours impossible. Enfin, on retrouve essentiellement la douleur des femmes, la souffrance féminine, la fatigue d'exister des femmes et leurs efforts toujours recommencés. Ce roman est vraiment magnifique!
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Elle a tout donné, la mère. Sa jeunesse. Ses espoirs. Ses économies. Quinze ans d'économie. Elle a tout donné pour une parcelle de terre, là-bas, en Indochine.
Inexploitable.
Chaque saison, la mer de Chine recouvre tout.
L'océan Pacifique, elle dit, la mère. L'océan parce qu'il faut bien ça, cet adversaire-là, pour avoir raison de son obstination.

Sysiphe transplanté en Indochine, elle va s'acharner, construire des barrages qui céderont. S'endetter. Vendre tout ce qu'elle a. Ou tenter. Jusqu'à sa fille...

M.Jo, hériter d'une fortune colossale, s'éprend de la jolie jeune fille. Qui va s'employer, entre cruauté et dégoût, à le manipuler. Elle-même conditionnée par une mère et un frère aîné qui la poussent, puis la repoussent. L'encouragent dans leur dessein de fortune, puis la maltraitent. Lui reprochent tantôt de s'offrir comme une traînée, tantôt de ne pas offrir assez.

Le rapport de Duras à son passé, à ses racines, impossibles à trancher. Ses premières années en Indochine, sa mère victime d'une arnaque, de plus en plus aigrie, de moins en moins capable de renoncer. Et ce frère tout en violence retenue. Une flamme vive, qui les attire l'une et l'autre. Les maintient ensemble. Sans lui, plus rien.

Comme d'habitude, d'une précision chirurgicale dans les intentions. Dans les émotions. Elle dépose, telle heure, tel jour. Et vous entendez telle douleur, tel cri.
D'une sensualité exacerbée.
Duras.
C'est comme ça qu'on devrait décrire ses livres. Ne rien ajouter.
Duras.
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Une fois n'est pas coutume, ce matin 27 janvier, j'ai décidé de me faire un plaisir égoïste en "démontant" des écrivains que je n'aime pas –rien de personnel, bien sûr…- , de préférence décédés, puisque plus là pour se défendre... vu qu'ils s'expriment forcément beaucoup mieux que moi...

Donc, après Céline, Marguerite...

A sa décharge, Un Barrage contre le Pacifique partait avec des fondations branlantes puisqu'il s'agissait d'une lecture de classe imposée. En plus, je ne suis pas fan de romans autobiographiques, bien que l'exotisme indochinois eût pu peut-être compenser ces a priori.

Même avec le recul rien n'y fait ;

Je l'avoue, le côté pathétique de l'histoire de Suzanne, même mâtiné d'une ironie sur soi bienvenue, ne m'a pas touché. Sans doute le point commun avec Céline est-il la peinture désenchantée des travers de la vie et de l'humain, si éloignée de mes convictions -littéraires et tout court... -. Quitte à être affreusement lucide, autant en rire, avec Boris Vian ou Cavanna, Frédéric Dard ou Alexandre Jardin...

Encore une fois je peux admettre un intérêt historique : sans doute la parution en 1950 de cet ouvrage peignant, dans une grande désillusion, la face sombre du colonialisme, a-t-il positivement préparé le « civilisateur » français à la décolonisation au même titre que la claque de Dien Ben Phu.

Le style m'a paru plat, les dialogues creux. L'influence du nouveau Roman, qui déstructure l'intrigue et aseptise les personnages, a beaucoup gêné le jeune lecteur que j'étais alors. Depuis, j'ai un peu pris goût à ces expérimentations, mais plus chez Gide, Mauriac ou Beckett que chez Duras. Celle-ci, en effet, laisse le lecteur démuni face à l'effacement de l'intrigue, là où les auteurs du Nouveau Roman proposent des sons, des tableaux, une instantanéité. Tout en restant mutique sur ses motivations, elle nous parle d'elle, notamment dans ses rapports amoureux ou maternels compliqués… est-ce alors au lecteur de se glisser dans la peau d'un thérapeute ? Personnellement, je n‘en avais pas envie, et la vocation ne m'est toujours pas venue depuis.
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J'avais des préjugés envers Marguerite Duras, de méchants même.
Je trouvais cette femme interviewée inintéressante et le film l'Amant obscène et vain.
Or, boum badaboum, j'ai été stupéfaite à la lecture de ce roman, comprends les personnes qui l'encensent, me dis qu'il faudrait au fond ne rien savoir d'un auteur, de sa vie privée, de l'image qu'il véhicule, et surtout éviter les ragots des magazines people....
Il faudrait tomber dans un livre comme on ferait un voyage imprévu, comme on serait enlevé (je pense à L'enlèvement de Michel Houellebecq). Voilà.
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"Moi monsieur j'ai fait la colo,
Dakar, Conakry, Bamako.
Moi monsieur, j'ai eu la belle vie,
Au temps béni des colonies.

La chanson de Michel Sardou évoque les relents de cette blâmable nostalgie qui peut animer le vieux colon rentré en métropole et se remémorant l'époque glorifiée où il avait "pleins de serviteurs noirs" et "quatre fille dans son lit".

Marguerite Duras a bien connue cette époque. C'est celle de sa prime enfance dans les années vingt et trente, non pas en Afrique mais au Viet Nam, la Cochinchine de l'époque. Ce n'est cependant pas la nostalgie qui l'anime dans cet ouvrage en partie auto biographique. Il aura eu en tout cas, pour nous lecteurs de ses lendemains, le mérite de révéler son talent. Un talent qui lui vaudra plus tard le prix Goncourt, en 1984, avec L'amant.

Un barrage contre le Pacifique, c'est l'histoire d'un combat en peine perdue pour rendre des terres cultivables. C'est surtout le symbole du combat tout aussi vain contre l'administration, quand on n'a pas les moyens de la soudoyer. Voilà donc l'épreuve que vit "la mère", veuve que l'on ne connaîtra que sous ce vocable, et ses deux enfants Joseph et Suzanne, en butte à l'administration coloniale toute puissante et corrompue. Pour cette famille aux antipodes tant du monde que de la suffisance, le statut de colonisateur n'a rien du temps béni de colonies.

Dénonciation douce amère d'un climat qui a embrumé le paysage de l'enfance de Marguerite Duras et qui plus tard fera le sujet de l'une des nombreuses causes de ses engagements.

"Entre le gin et le tennis,
Les réceptions et le pastis,
On se serait cru au paradis,
Au temps béni des colonies.
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