Un grand coup de coeur pour ce récit-documentaire, mettant en avant
le parcours époustouflant de ce jeune Americano- Yéménite, Mokhtar,
qui aurait aimé aller à l'université, mais de fâcheuses circonstances l'obligent à travailler comme "portier" dans un immeuble de haut standing, de San Francisco, lorsqu'il découvre, par un heureux hasard et l'impulsion
de son amie, Miriam...l'histoire incroyable de la fabrication du café,(au travers la vision d'une monumentale sculpture, sur le trottoir d'en face )...et la place prépondérante de son pays d'origine, le Yémen, dans cette épopée et l'évolution du commerce du café !
Il se lancera dans des recherches, des formations auprès d'experts,
voyagera, au Yémen, retrouvera des membres de sa famille, ira en
Ethiopie...fera des emprunts, expérimentera...au péril de sa vie...car
il retourne au Yémen...alors que la guerre civile éclate dans le pays !
Un vrai parcours des plus surréalistes : un mélange d'un Indiana Jones et d' un ingénieur agronome...
Un récit qui aura causé un immense travail à son auteur: une centaine d'heures d'entretiens avec Mokhtar Alkhanshali, sur trois années, sans omettre ses propres vérifications, des interviews, des recherches dans les
Archives historiques....Les lignes suivantes de l'auteur nous expliquent
la genèse de ce récit- documentaire "Le jour où je l'ai entendu dire cette blague, Mokhtar portait un tee-shirt sur lequel on pouvait lire :FAITES DU CAFE, PAS LA GUERRE.
Ses actes et ses propos sont toujours imprégnés d'un sens de l'humour que j'espère avoir su retranscrire et qui nous renseigne sur sa vision du monde, même face aux pires périls. (...)
Mokhtar se montre à la fois humble devant la grande histoire dont il a intégré les annales, et irrévérent envers le rôle qu'il y a joué. Mais son itinéraire n'est pas nouveau. Il s'agit essentiellement du rêve américain, qui demeure très vivant mais aussi très menacé. Son histoire parle aussi du café et des tentatives de Mokhtar d'en améliorer la production au Yémen, où cette culture est née il y a cinq siècles. "(p. 17)
Une histoire incroyable.... que celle de ce fruit, le Café... mais pas seulement... C'est surtout le vrai parcours, époustouflant d'un homme autodidacte, un franco-yéménite...
une sorte de Candide , quelque peu "baratineur", qui nous entraîne dans ses aventures aux quatre coins du monde, d'un homme aussi modeste qu'entreprenant et engagé, même si il a perdu des années d'indécision
et d'inaction , en cherchant un véritable objectif...à concrétiser, dans ce monde...!
Un documentaire qui mélange l'économie, la terre des ancêtres, l'épopée
du Café, et l'histoire des hommes...un large panorama géopolitique et
économique du monde, l'interaction entre les pays, par ce fruit du"Café" devenu essentiel, "carburant économique" et "carburant des hommes"...
"Toute tasse de café requiert donc une vingtaine de mains, du producteur au consommateur. Et pourtant, elle ne coûte que deux ou trois dollars. Même une tasse à quatre dollars relève du miracle, compte tenu du nombre de personnes impliquées, compte tenu de l'attention et de l'expertise prodiguées aux grains dissous dans cette tasse à quatre dollars. Une attention et une expertise telles que en fait, même à quatre dollars, on peut soupçonner que, au cours du processus, des gens – peut-être même des centaines de gens – ont été escroqués, sous-payés, exploités."
Cet ouvrage dynamique me fait songer aux excellents textes d'Eric
Orsenna sur le papier, le coton, etc. Une histoire planétaire des hommes à travers la production de telle ou telle culture, faisant partie intégrante du quotidien des individus, de leurs échanges, de leur transmission ou non de leurs savoirs-faire...
Parallèlement, nous apprenons beaucoup de l'histoire du Yémen,
territoire aux multiples tragédies, conflits...guerres tribales. Ce Yemen,
pays d'origine de notre jeune entrepreneur, qu'il va mettre à l'honneur,
faire redécouvrir au monde, sous des images plus positives, comme
celle de la terre initiale du café, même si le Yémen et l'Ethiopie s'en
disputent depuis toujours la primeur !!
Un documentaire qui offre une mélange très réussi d'un destin
individuel et de l'histoire d'un pays méconnu, le Yémen...Bravo et
Merci à l'auteur...sans omettre"notre admiration" face au parcours
extraordinaire de son "Héros", Moktar...
Une lecture qui sort quelque peu de mes lectures habituelles...je suis
très enthousiaste de ce premier contact avec cet écrivain-journaliste, dont j'ai réservé à la médiathèque un texte antérieur, "Les Héros de la
frontière", afin de poursuivre ma connaissance de cet auteur, dont je viens d'apprécier amplement le style plein de vitalité ,de dialogues et le choix des thèmes !
Je ne peux m'empêcher d'achever ce "billet" par une "anecdote" de
l'histoire littéraire:
"Harar était aussi la ville d'adoption d'Arthur Rimbaud. le jeune poète français, qui devint une source d'inspiration majeure pour les surréalistes, s'exila dans une maison délabrée des hauteurs de la ville. Toxicomane et parfois trafiquant d'armes, il fut également, pendant une courte période, marchand de café. (p. 225)
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Une onde de légère euphorie se répandit dans la pièce, et Mokhtar choisit ce moment pour leur parler du passé et de l’avenir.
Il évoqua la naissance du café, raconta qu’il avait été cultivé pour la première fois ici, au Yémen, qu’il s’agissait d’un élément central de l’histoire du pays : le café était leur héritage imprescriptible. La plupart des hommes semblaient surpris. Le savaient-ils déjà ? Mokhtar n’en était pas sûr. Il poursuivit en expliquant que les Néerlandais avaient dérobé des semis, les avaient plantés à Java et en avaient donné aux Français, qui à leur tour les avaient plantés en Martinique, puis les Portugais en avaient volé aux Français pour les planter au Brésil. Le café représentait désormais un marché de soixante-dix milliards de dollars, et tout le monde semblait gagner de l’argent grâce à cette fève – tout le monde sauf les Yéménites, qui avaient été à l’origine de ce commerce.
Historiquement, lorsqu’ils n’étaient pas envahis ou colonisés par des puissances extérieures, depuis les Ottomans jusqu’aux Britanniques, les Yéménites s’entre-déchiraient. Ce n’est qu’en 1990 que le pays devint la première démocratie parlementaire multipartite de la péninsule arabique. Des élections eurent lieu en 1993, puis, en 1999, le maréchal Ali Abdallah Saleh fut élu président du pays nouvellement unifié. Sa popularité fut de courte durée et le Printemps arabe emporta le Yémen dans ses rêves d’un Moyen-Orient plus démocratique et plus équitable. Face aux pressions internes et internationales, Saleh finit par démissionner et fut remplacé par Abd Rabbo Mansour Hadi. Toutefois, une année durant, le vide politique engendré par le Printemps arabe avait enhardi les mouvements insurgés.
Il resta trois mois au Yémen et fut malade tous les quatre ou cinq jours. On lui avait dit de faire attention à l’eau prétendument potable, aux fruits, à tous les produits potentiellement risqués car, étant américain, il n’était pas habitué aux bactéries tolérées par les autochtones. Mais il avait beau savoir qu’il devait éviter certains aliments dans certains villages (ou, plus précisément, la plupart des aliments, tous les produits crus, toute l’eau, tous les jus, tous les fruits, dans tous les villages), il ne pouvait pas refuser. Il était un invité – un invité qui devait se montrer respectueux, mettre en valeur son propre héritage yéménite et ne pas souligner son caractère étranger ou précieux. Alors il mangeait tout ce qu’on disposait devant lui et croisait les doigts. Il eut la diarrhée à de trop nombreuses reprises pour en faire le compte ou s’en soucier. C’était, tout bien considéré, un petit prix à payer pour jouir de la générosité légendaire des Yéménites.
Toute tasse de café requiert donc une vingtaine de mains, du producteur au consommateur. Et pourtant, elle ne coûte que deux ou trois dollars. Même une tasse à quatre dollars relève du miracle, compte tenu du nombre de personnes impliquées, compte tenu de l’attention et de l’expertise prodiguées aux grains dissous dans cette tasse à quatre dollars. Une attention et une expertise telles que, en fait, même à quatre dollars, on peut soupçonner que, au cours du processus, des gens – peut-être même des centaines de gens – ont été escroqués, sous-payés, exploités.
Mokhtar continua à se rendre dans les zones tribales, à des heures ou à des jours de Sana’a, et emportait toujours sa dague, ainsi qu’un pistolet SIG Sauer. Son chauffeur avait un fusil semi-automatique. Quand il était dans des régions plus troublées ou inconnues, il se faisait accompagner par un homme supplémentaire, muni d’un AK-47 et d’une grenade. Il n’y avait rien d’inhabituel dans tout cela. Le Yémen comptait au moins treize millions d’armes à feu pour vingt-cinq millions d’habitants, ce qui en faisait, après les États-Unis, le pays le plus armé au monde. Les hommes déambulaient dans les rues avec des kalachnikovs. Ils les apportaient même aux mariages.
Philippe vous présente deux coups de coeur !
- le premier est La parade de Dave Eggers aux éditions Gallimard
A retrouver sur notre site : https://bit.ly/3p6CcMf
- le second est Au nord du monde de Marcel Theroux aux éditions Zulma
A retrouver sur notre site : https://bit.ly/3uDFDLn