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EAN : 9782072906435
192 pages
Gallimard (03/09/2020)
3.4/5   131 notes
Résumé :
1968, palais du Potala au Tibet. L'ancienne demeure du Dalaï-lama est occupée, depuis l'exil en Inde du chef spirituel, par une petite troupe de très jeunes gardes rouges fanatisés, étudiants des BeauxArts dirigés par un garçon particulièrement cruel, surnommé « le Loup ». Bstan Pa, ancien peintre du Dalaï-lama, est retenu prisonnier dans les anciennes écuries du palais. Il est repéré par le Loup qui veut lui faire avouer ses crimes contre-révolutionnaires. Les jeun... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
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Les prémices du conflit entre la Chine et le Tibet visant l'annexion ont commencé en 1966. le 14 ème Dalaï Lama est exilé en Inde depuis 1959. Nous sommes en 2020. Rien n'est réglé pour les tibétains.
Daï Sijie choisit ce contexte de dominant-dominé pour son nouveau roman.

En 1968 le Palais du Potala, résidence et lieu d'étude et de recherche des Dalaï-lamas successifs, est occupé par des gardes rouges. "Le loup" chef de ces jeunes révolutionnaires fanatiques chinois enferme Bstan Pa, le peintre officiel du Dalaï lama dans les anciennes écuries du palais. Il veut lui faire avouer un crime contre révolutionnaire imaginé de toute pièce. Qui gagnera? le prisonnier ou le bourreau?

Dai Sijie pose une plume extrêmement fine sur cet épisode terrifiant de 1968. Il me semble qu'il n'a pas choisi certains détails par hasard. Les gardes rouges sont étudiants aux beaux-arts. Ils détruisent avec acharnement, avec délectation des pièces d'une grande valeur artistique. Ils étudient l'art et couvrent les stupas d'immondices. Cependant, leur attirance pour l'art ne les empêche pas de profaner les reliquaires des dalaï-lamas, de brûler des piles d'ouvrages calligraphiés à l'encre d'or, de renverser les statues, de détériorer les portraits. Décidément, le fanatisme est un rouleau compresseur destructeur irréfléchi et barbare que rien ne peut arrêter, même pas la passion.

Bstan Pa le sait et pour tenir, pour faire face à la souffrance physique et morale, il va dérouler sa vie comme on déroule un tanka, avec précision et délicatesse. Les souvenirs sublimes affluent nous donnant à nous lecteurs atterrés l'occasion de lire une histoire exceptionnelle, lui donnant à lui la force de tenir.

Ce texte alterne en permanence l'harmonie, la méditation, la sensualité le raffinement et la cruauté, l'horreur, l'acharnement, la destruction.


Le loup et ses sbires cognent de la façon la plus ignoble qui soit et la beauté, sorte d'anesthésiant trouve encore et encore un espace où il se faufile et s'impose.
Qui pliera le premier? Qui sera vainqueur?

Ce texte relativement court peut être le symbole du bouddhisme et de l'esprit des dalaï-lamas, apôtres de la non violence. Il fait partie intégrante du conflit Chine-Tibet. Enfin, à titre individuel, il donne une place de choix à l'harmonie vitale que chacun a en soi et peut développer pour contrer les agressions extérieures.

Je remercie vivement l'auteur, les éditions Gallimard et l'opération Masse critique privilégiée pour m'avoir fait vivre ce moment unique où beauté et laideur s'affrontent. Un livre marquant à plus d'un titre.


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En 1968, le Tibet est occupé par la Chine, Le Dalaï-Lama en exil, et son palais du Potala aux mains de gardes rouges, acharnés à anéantir objets sacrés et oeuvres d'art bouddhiques. Emprisonné et torturé pour crime contre-révolutionnaire, le vieux Bstan Pa résiste mentalement en se remémorant sa vie de peintre : son apprentissage auprès d'un maître, sa progression jusqu'à sa nomination au service des plus hautes autorités tibétaines, son bonheur de consacrer son existence à la méditation et à la beauté.


En opposant un vieux sage versé dans l'art et la contemplation à une bande de très jeunes révolutionnaires haineux et violents, dans un face à face où, malgré les apparences, l'asservissement de l'un aux autres est loin de paraître définitivement acquis, Dai Sijie réussit à incarner tout le conflit entre une Chine encore aujourd'hui obsédée par la sinisation de son voisin et un Tibet que l'occupation chinoise n'a jamais réussi à vider de sa culture et de son identité.


Face à l'obscurantisme, au fanatisme et à la barbarie, le récit nous fait découvrir, dans un luxe de détails colorés, le raffinement de l'art des tankas, ces rouleaux peints caractéristiques de la culture bouddhiste tibétaine et servant de supports à la méditation. Après avoir suivi leur élaboration minutieuse et l'apparition de leurs couleurs sous les doigts et le pinceau parfois à un seul poil de Bstan Pa, c'est un crève-coeur d'assister à leurs autodafés aux côtés de leur créateur qui, privé de son art, garde la force de continuer à peindre mentalement.


Après la littérature vecteur d'émancipation dans Balzac et la petite tailleuse chinoise, Dai Sijie choisit cette fois la peinture pour un nouvel acte de résistance à la violence et à l'aliénation au travers de l'art et de la création. Il nous livre un très beau texte, d'une grande puissance d'évocation et d'une poésie lumineuse, malgré la brutalité qui endeuille ses pages.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ma première participation à Masse Critique ! Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour cette découverte.

Peu de peuples, dans la seconde moitié du XXème siècle, ont été traités aussi cruellement que les tibétains, prisonniers dans leur propre pays, obligés de contempler la destruction d'un des plus riches patrimoines du monde et de voir nier jusqu'à l'existence de leur culture. Et peu de sujets font autant partir les chinois au quart de tour. Après l'invasion du Tibet en 1950, la Chine de Mao toléra quelques années son système orthogonal au communisme. Puis la révolution culturelle éclata. Elle fit plusieurs millions de morts, causa des destructions colossales, déchaina une violence et un niveau de cruauté inimaginable… Et suscita l'enthousiasme des intellectuels d'extrême-gauche français. le Tibet la subit de plein fouet. Ses milliers de monastères furent détruits, les trésors qu'ils contenaient brûlés…

Mettre en scène un moine spécialisé dans la peinture sacrée à cette période est donc un choix acéré. L'histoire se construit en alternant les moments du passé, sa formation et ses années dans les sphères du pouvoir, et le présent, où un groupe de Gardes Rouges l'a pris pour cible. Une façon de mieux illustrer l'ampleur des destructions, et la folie collective ayant déferlée sur un pays qui ne cherchait que la paix. La documentation est impressionnante, les références aux lieux, aux coutumes et aux rituels religieux denses et pointues.
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Le Potala, ancienne demeure du dalaï-lama au Tibet, est tombé aux mains des gardes rouges de la révolution culturelle chinoise.
Ces jeunes étudiants de l'école des beaux-arts, complètement fanatisés, ont emprisonné un vieux peintre de tankas qui, sous la férule bienveillante de son maître Snyung Gnas, fut longtemps au service de grand chef spirituel.
Bstan Pa, torturé, malmené, assiste impuissant à la profanation des oeuvres d'art bouddhiques et se remémore une vie dédiée à la peinture sacrée.

Le récit est construit de façon à ce que le contraste entre l'harmonie de la tradition séculaire raffinée et la brutalité dévastatrice révolutionnaire soit criant et nous choque.
Essentiellement narratif, il renvoit à d'innombrables notes en fin de volume.
112 notes pour 170 pages...c'est beaucoup.
Pour qui a patience et passion, c'est autant d'enrichissement et de connaissances accumulées, pour les autres, cela peut paraître laborieux et scolaire.
Dai Sijie connaît son sujet à la perfection et on le sent touché par l'anéantissement de ce qui reste l'expression d'une philosophie ancestrale.

Tout en reconnaissant à ce roman une valeur historique incontestée en terme de recherches et de références, j'avoue avoir été trahie par ma concentration et m'être quelque peu dispersée.
Je me demande dans quelle mesure un tel livre ne devrait pas se lire par bribes, par paragraphes, en parrallèle avec une autre lecture, afin de ne pas tomber dans le piège de l'impatience.
Il ne s'en goûterait que mieux...
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Nous sommes en 1968. Mao a lancé sa Révolution Culturelle et le Tibet en paye un lourd tribut. Bstan-Pa désormais un viel homme est arrêté et pris en main par le Loup, un jeune révolutionnaire cruel et pervers. Bstan-Pa a été le peintre officiel du Dalaï lama toute sa vie. Il est donc un ennemi du Peuple. Depuis sa geôle, il va se remémorer toute cette vie au service de son maître puis du Dalaï lama, mais surtout au service de l'Art et d'une spiritualité des plus raffinée et évoluée.A travers ce viel homme, Dai Sijie dépeint à la perfection une société avec ses croyances, ses valeurs, ses rites et son Art splendide. Son raffinement et la façon dont l'auteur décrit avec précision les Tankas , l'immense respect qui anime les tibétains pour le vivant, les matériaux utilisés pour peintre, la beauté des temples etc, tout ceci met en exergue la brutalité et la vulgarité du comportement des révolutionnaires. de fait il apparaît clairement que l'idéologie de Mao est pour certains révolutionnaire prétexte à l'expression de ce qu'il y a de plus vil et Violent en eux. Les caves du Potala m'ont énormément appris sur le Tibet et son art et m'ont donné très envie d'aller admirer ses oeuvres picturales. Cependant le vocabulaire tibétain et les multiples références sur les lieux, les Maîtres, les faits historiques ,les objets,les rituels etc rendent la lecture un peu ardues. J'avoue ne pas avoir toujours été les consulter en fin d'ouvrage pour mieux m'immerger dans l'histoire.Je sais malheureusement que je ne retiendrai qu'une infime partie de toute cette richesse culturelle mais ma connaissance du Tibet et de son Art splendide est cependant bien plus précise aujourd'hui. C'est un ouvrage que je recommande vivement aux amoureux du Tibet et de l'Art, pour les autres, reste le plaisir d'une histoire poignante écrite avec poésie et extrêmement visuelle. Je suis heureuse d'avoir été sélectionnée lors de la dernière Masse critique privilégiée pour découvrir ce roman et j'en remercie Babelio ainsi que les éditions Gallimard.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
29 septembre 2020
Il dénonce la folie des gardes rouges de façon si éblouissante qu'on aurait aimé en lire plus.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Au cours de ce dernier périple, l’état de santé du lama Snyung Gnas s’était tellement détérioré qu’il avait perdu connaissance sur la route qui conduisait à Dingzhou, où la délégation devait prendre le train pour Pékin. Le chirurgien britannique de la compagnie du chemin de fer, qui l’avait opéré en urgence, avait extirpé de son estomac un caillou bariolé de la taille d’un œuf. Il s’y était formé au fil des ans, à cause de la fâcheuse habitude qu’avait le maître de lécher du bout de la langue la pointe de son pinceau imprégné de pigments minéraux, avant de le poser sur la toile. Un geste qu’il avait reproduit des centaines de fois par jour durant sa longue carrière de peintre.
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Quand les yeux sombres de la femme se détachent avec éclat sur la toile blanche, un sourire de satisfaction se dessine sur les lèvres du peintre, car il sait mieux que personne qu'il est impossible de rater un portrait quand les yeux sont réussis.
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Des corneilles faisaient des va-et-vient et rejoignaient l’avant-toit qui abritait la fenêtre, tenant entre leur bec rouge des brins de paille, de crin, ou de la laine abandonnée par une brebis à la pointe d’une ronce. C’était un ballet incessant, ponctué de froissements d’ailes et de croassements chamailleurs. L’une d’elles s’était enhardie jusqu’à pénétrer dans l’atelier, où elle s’était promenée en sautillant sur le plancher, à la recherche de matériaux pour garnir son nid. Elle avait fini par jeter son dévolu sur une croûte sombre, patinée par la poussière, qui s’était brisée alors qu’elle la saisissait dans son bec, dévoilant en son cœur un lumineux fragment d’azurite tombé d’un pinceau trop chargé. Le bleu était la couleur préférée de l’enfant, plus particulièrement l’indigo, avec ses subtils reflets violets, légèrement rougeâtres, comme ceux d’une flamme. Malgré son jeune âge, il l’avait déjà testé sur une toile imprégnée d’un enduit de kaolin, et il avait été enchanté par la finesse des glacis et la richesse des dégradés que permettait cette couleur.
La corneille avait continué d’explorer les taches sur le plancher. Un instant, elle s’était arrêtée devant une éclaboussure vermillon, dont l’intensité, par comparaison, rendait son bec plutôt terne, car Snyung Gnas enrichissait toujours de gomme sa poudre de cinabre finement broyé, pour donner de la brillance à ses vermillons. Elle s’était ensuite approchée de deux constellations vertes : l’une plus mate et granuleuse, dans laquelle Bstan Pa avait reconnu la malachite qu’il avait toujours tant de mal à broyer, mais qui avait l’avantage de résister au temps et à la poussière ; l’autre, particulièrement intense et lumineuse, était ce mélange d’orpiment et d’indigo qu’on appelait le vert perroquet.
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Comme tous les Tibétains, il ignorait la tragédie de la mort. Elle ne marquait que le bref passage d'une forme de vie à une autre, non une disparition définitive dans les abîmes d'un mystère insondable.
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A Pékin, il avait passé un temps fou à broyer lui-même une améthyste et à en pulvériser les grains car la finesse du pigment était déterminante dans l'art des tankas... Plus les particules pigmentaires étaient écrasées, plus elles absorbaient la colle et plus elles absorbaient la lumière... "Broie encore, mon enfant", lui avait inlassablement répété son maître au cours de son apprentissage."L'améthyste est comme le cinabre. Si tu la broyait tous les jours pendant vingt ans, la couleur en serait toujours plus belle."
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Picasso, art et littérature : ce que nous disent les objets Picasso ne jetait rien. En plus de l'immensité de son oeuvre, ce sont des milliers d'objets, les plus divers, qui ont été retrouvés après sa mort dans les demeures qui furent les siennes. Parmi eux, des rognures d'ongles, des mèches de cheveux, des boîtes d'allumettes. Une découverte, presque une révélation pour Diana Widmaier Ruiz-Picasso. Cette semaine, Lucille est la lectrice invitée de l'émission et présente deux ouvrages : Balzac et la petite tailleuse chinoise (Dai Sijie) et Peau d'Homme (Hubert & Zanzim).
Une émission présentée par Guillaume Erner, en partenariat avec France Culture.
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