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Maid " est un mot élégant en anglais pour désigner les domestiques et évoque les uniformes amidonnés ] .
Cette phrase provient de l'avant-propos qui ouvre ce livre. Témoignage coup de point d'une autre Amérique, celle des pauvres, celles des précaires.
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Maid", donc, avec en sous-titre "Le journal d'une mère célibataire".
Stéphanie, à la suite d'un geste violent de son copain, décide de foutre le camp en pleine nuit , avec leur fille. Elle atterrira dans un foyer de sans-abris, et commencera une descente dans les enfers de la précarité. Devenue femme de ménage pour une boîte ( le seul boulot qu'elle ait pu décrocher), elle découvrira le monde merveilleux des aides et allocations, devant sans cesse justifier de ses revenus. Trop , elle n'obtient, rien, mais pas assez et elle ne peut nourrir sa fille, le tout étant d'une logique absurde qui rappelle le sublime film de
Ken Loach " Moi, Daniel Blake "., qui, lui,se passe en Angleterre , ( mais les systèmes pour que "les gens qui ne sont rien " se sentent encore plus "rien" sont les mêmes ...). de logements insalubres, en amour inconditionnel pour sa petite Mia, elle raconte, les disputes avec son ex (manipulateur), sa famille qui ne l'aide pas, sa solitude abyssale, ses envies d'amour, le mépris de classe, le calcul permanent pour ne pas être dans le rouge, l'inquiétude , la honte et ses clients, qu'elle apprend à connaître à travers leurs maisons.
♫ Nettoyer, balayer, astiquer
Kaz la toujou penpan♫
Parce que c'est un peu (que ça ) sa vie... Tous les jours , passer un temps infini en voiture (calculer le prix de l'essence...), nettoyer les maisons des autres, ne récupérer sa fille que le soir.
Avant d'avoir sa fille, Stephanie voulait aller à la fac, et devenir écrivain. Alors tous les soirs , elle étudie.
Contrairement à ce que le titre dit, ce n'est pas écrit sous la forme d'un journal. Je n'ai pas trouvé de talent spécial dans l'écriture (poésie, humour ou autre). Stéphanie raconte ses pensées, les faits, en essayant de respecter la chronologie sans fioritures ; elle n'en a pas le temps...
C'est juste un témoignage précieux sur la vie d'une femme précaire, qui essaie d'élever sa fille dignement. Elle a commencé par un blog, qui parait-il était "plein de verve" et qui a attiré l'attention de journaux , puis d'un éditeur et désormais Netflix a adapté son histoire. J'ai commencé la série, tout a l'air d'être plus "glamour" que dans le livre.
Il y a des journalistes (dont
Florence Aubenas) qui ont exercé ce métier, dans l'idée d'un article, d'un livre, mais qui pouvaient retourner à leur ( "jolie") vie en cas de "craquage", et puis il y a les
Stephanie Land...
Elle aimerait que son livre soit lu par chaque membre du Congrés américain, pour que les mères célibataires soient davantage comprises, et donc aidées.
Il vous suffit de traverser la rue pour trouver ... ce livre, qui parle des invisibles.. J'aurai aimé qu'il continue un peu pour raconter sa remontada , puisque ce n'est pas spoiler que de dire qu'il se termine sur un happy end, savoir tout le bien qui arrive (après) à
Stephanie Land , parce qu'on s'attache drôlement. Mais c'est un autre sujet,
Maid ne raconte que la vie d'une "invisible" .
A lire, parce qu' imaginer la précarité n'est pas pareil que de la vivre (par procuration ) de l'intérieur, même si cette histoire ne se passe pas
en France...