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EAN : 9780393328073
96 pages
W. W. Norton & Company (02/12/2008)
5/5   1 notes
Résumé :
A collection of brilliant short-story gems, including "A Sunset in Sunshine City"―an ode to memory and nostalgia inspired by Eisner's transition to life in Florida after his "retirement" in 1985.
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Ce tome contient 7 histoires courtes complètes et indépendantes, écrites, dessinées et encrées par Will Eisner, en noir & blanc.

A sunset in sunshine city (28 pages) - Henry Klop a 70 ans et il a décidé de prendre sa retraite. Tout sa vie il a travaillé pour installer et développer son propre restaurant qui est devenu une affaire prospère, non sans mal. Il a résisté à tous ceux qui lui proposaient de franchiser son affaire, y compris Jerry un de ses deux gendres. Il est veuf, sa femme étant décédée quelques années auparavant. Il a acheté un bel appartement en Floride où il compte jouer au golf et profiter de la vie. Ses deux filles Rita & Helen lui ont organisé un buffet de départ où ses connaissances sont venues lui souhaiter une vie paisible, là-bas sous le soleil. Rita l'a accompagné jusqu'en Floride et l'aide à faire connaissance avec sa voisine Olga Longo, une jeune femme de 50 ans. The Telephone (8 pages) - Un installateur de téléphone termine d'en mettre un dans l'appartement d'une vieille dame, lui promettant qu'elle pourra ainsi contacter le monde entier. Jenny et Harry s'étaient promis un amour éternel et que le premier à décéder contacterait l'autre depuis l'au-delà. Un jour, quand le téléphone sonne, Jenny sait que c'est Harry qui la contacte. Detective story (12 pages) - Durant les années 1930, deux forces ont façonné la vie des habitants du Bronx : le banditisme organisé et l'occultisme. Après 25 ans passé à travailler comme adjoint administratif dans une banque, Max Million peut enfin s'installer à son compte et ouvrir un bureau de détective privé. Il ne lui reste plus qu'à attendre sa première affaire : madame Barkus l'engage pour retrouver Benny Motzer parti sans payer 6 mois de loyer.

The long hit (8 pages) - En 1934, Hockie Lozania exerce la profession de tueur à gages. Il vient de remplir un contrat pour Don Angelino. Il va lui rendre compte, et celui-ci lui passe une nouvelle commande : faire passer Dave Bungey de vie à trépas. La nuit venue, Lozania abat sa cible dans son lit, mais en fait il s'agissait de la femme de Dave Bungey. Il va rendre compte à Don Angelino, et après s'être fait passer un savon, il lui promet d'accomplir le contrat quel que soit le temps que ça lui prendra. Winning (8 pages) - Cette année se déroule la quinzième édition du grand marathon de Big City : 5.000 participants. C'est un beau temps pour un marathon et les concurrents habituels sont là : Shawn O'Murphy (immigrant irlandais ayant gagné l'édition précédente), Yula Bonner (coureuse scandinave), Egon Shulz (gagnant du marathon de l'Ohio), Ian Grace (pasteur ayant gagné il y a 2 ans), Jim Trott (un cardiologue de Philadelphie), Albie Cermak (disqualifié il y a 3 ans pour avoir pris le métro)… et Benny la cinquantaine, aucun entrainement. The appeal (6 pages) - Un homme rentre chez lui et trouve 4 hommes attablés dans son salon. L'un d'eux lui indique qu'il est en position d'accusé et lui présente la victime Monsieur K. Human (7 pages) - Il y a des milliers d'années de cela, un hominidé se tenant sur ses membres inférieurs apprend à se servir de ses mains pour fabriquer une lance avec un bâton aiguisé. Il découvre un autre hominidé en train de tailler une pierre pour qu'elle soit effilée et coupante.

Dans les années 2000, l'éditeur WW Norton a entrepris de publier l'intégralité des oeuvres de Will Eisner, réalisées à partir de A contract with God (1978), passé à la postérité comme étant le premier (ou peu s'en faut) roman graphique américain. Tout naturellement, après avoir lu la douzaine d'oeuvres majeures de l'auteur, le lecteur continue de parcourir sa bibliographie pour trouver une dose supplémentaire. Sous une couverture qui ne paye pas de mine, et un texte de quatrième de couverture peu alléchant, il découvre un recueil de 7 histoires complètes indépendantes de longueur variable. Il commence la première et retrouve tout de suite les sensations familières des oeuvres de l'auteur : des personnages très humain et imparfaits, un humour en creux un peu vachard, et un humanisme dépourvu de naïveté. À 70 ans, Henry Klop a bien mérité de profiter de son argent, de quitter un quartier où il a vécu toute sa vie, mais qui a bien changé, et pourquoi pas de se lier d'amitié avec une autre femme, voire plus si affinité, ses 2 filles étant installées et mariées, autonomes. L'histoire d'après est un fait une suite de 8 gags en 1 page autour du téléphone, à nouveau avec des individus chacun animé par des motivations très différentes.

Dans les 6 autres récits, le lecteur fait connaissance avec un petit monsieur rondouillard qui réalise le rêve de sa vie (exercer le métier de détective privé) avec des indices fournis par une voix désincarnée, avec un tueur à gages vieillissant, avec un homme banal au possible déterminé à finir un marathon, avec un monsieur générique confronté à une situation incompréhensible et avec un homo sapiens fort débrouillard. le lecteur se prend au jeu de ces nouvelles (des récits courts) dès la première, agréablement surpris par leur diversité, décontenancé par la participation d'un fantôme dans l'une d'elle, par un passage par la préhistoire, par un hommage affiché à le Procès (1925) de Frantz Kafka (1883-1924). Il s'agit donc bien d'un recueil de nouvelles ayant comme point commun de faire connaissance avec un ou plusieurs personnages, et d'être mises en images par un maître bédéaste. Dès la page d'ouverture, le lecteur retrouve la capacité de l'artiste à se jouer des contraintes formelles : un dessin qui semble d'un seul tenant, mais qui correspond en fait à l'équivalent de 4 cases, 3 montrant Rita en train de téléphoner à Helen, et l'autre son père devant la devanture de son restaurant vendu. Quelques pages plus loin, Henry Klop se promène une dernière fois dans les rues de son quartier, des images de ses souvenirs s'entremêlant à ses déambulations, avec un texte ondulant sans phylactère ni bordure, à mi-chemin entre la ritournelle et les phrases courtes d'un conte. le lecteur rencontre une ou deux pages de texte très aérées sans image, avec la police si caractéristique d'Eisner, un palmier qui pousse à la verticale entre les cases de gauche et celles de droite, des cases sans bordure, des cases sur fond noir.

Comme d'habitude, le lecteur regarde des personnages à la présence incroyable, à l'identité unique, au naturel épatant, pleins de vie à chaque case. S'il s'arrête de temps à autre sur page, il voit comment l'artiste exagère un peu une posture ici, les traits d'un visage là. Will Eisner s'inspire parfois de la mise en scène du théâtre, et d'autre fois de la pantomime, et ça fonctionne de manière organique. Il représente des individus aux morphologies réalistes, avec un petit défaut, ou de l'embonpoint, ou les marques de l'âge, ou des émotions peu flatteuses. le lecteur ressent chaque état d'esprit, chaque émotion comme si c'était la sienne, sans dramatisme larmoyant, sans hystérie ou exagération factice. Les dessins créent une proximité extraordinaire avec chacun, chaque personnage devenant familier en 2 ou 3 cases maximum, et tout de suite sympathique même ceux qui se comportent sans égard avec les autres. Charmé par ces personnes qu'il découvre, le lecteur peut aussi ne pas prêter attention aux décors. Une magie semble à l'oeuvre : il n'oublie jamais où se déroule une scène, chaque endroit est unique et différent, chaque lieu est représenté de manière particulière. le lecteur éprouve la sensation de courir aux côtés de Benny, et de pouvoir ressentir ce milieu urbain caractéristique de New York, de marcher à côté d'un homme préhistorique dans une nature intacte. Il peut s'assoir sur le fauteuil un peu usé dans le salon, ou regarder l'océan depuis le balcon d'un appartement, le soleil de la Floride n'étant pas du tout celui de New York, et tout ça en noir & blanc.

D'histoire en histoire, le lecteur se rend compte que chaque état d'esprit lui parle, soit parce qu'il en déjà éprouvé un de semblable, soit parce qu'il est capable de se mettre à la place de la personne qu'il regarde. En plus de cet amour de l'être humain, de l'acceptation de ses défauts (sans occulter ses qualités), il se rend compte qu'il sourit régulièrement. Il lui faut un peu de temps pour comprendre que l'amour de Will Eisner pour l'humanité ne l'empêche pas d'être réaliste et montrer du doigt les comportements intéressés ou incohérents. À son corps défendant, le lecteur sourit quand Jerry divorce de sa femme pour une plus âgée mais plus riche. Il sourit tout autant quand il se rend compte de la manière dont Henry Klop console sa fille, tout en réussissant à y trouver son propre intérêt et même prendre une sorte de douce revanche. Les gags en 1 page sont essentiellement visuels : même si certains sont prévisibles, le lecteur est emporté par l'habileté et l'élégance de la narration visuelle. La reconstitution de la préhistoire est squelettique, mais le lecteur sent l'air frais et pur. L'hommage à Franz Kafka n'est pas noyé dans les aplats de noir, ce qui n'empêche pas le lecteur de se prendre l'absurdité sinistre de l'arbitraire en pleine face.

Ce recueil de 7 nouvelles prouve sans doute possible la gentillesse de Will Eisner, son humanisme, sa maîtrise exceptionnelle de l'art de la bande dessinée. le lecteur néophyte se laisse prendre au charme doux de la narration et à la personnalité de chaque individu. le lecteur amoureux de Will Eisner retrouve tout ce qu'il est venu chercher et se rend compte qu'il n'y a pas une seule histoire à jeter, même quand il s'aventure à ajouter une pincée de surnaturel, ou qu'il évoque la vie préhistorique.
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