J'ai d'abord été attirée par ce titre mystérieux et balancé, et par cette magnifique couverture aux tons de bleus craquants. C'est mon premier roman de
Mathias Enard (il paraît que
Zone est différent et très bien).
De beauté, on pourrait dire qu'il en est forcément question puisque le héros s'appelle
Michel-Ange…
Mathias Enard s'est inspiré d'un fait historique réel, l'invitation de Michelangelo à la cour du sultan Bayazid à Istanbul, il a ensuite imaginé, senti, brodé, ciselé un court roman qui préserve le mystère de son titre. L'artiste a 30 ans, il a déjà sculpté la Pieta, le David, quand, en froid avec le pape Jules II, il répond à l'appel du sultan pour aller construire un pont sur les rives du Bosphore, un pont nourri de la vie de cette ville, elle-même trait jeté entre Orient et Occident, entre cultures hellénique, juive, ottomane.
Sur place, le sculpteur, le « Franc malodorant », est à la fois fasciné et rebuté par cette civilisation, il ne cesse de se promener, de se faire réciter des vers, de dessiner (« …le dessin, la blessure noire de l'encre, cette caresse crissant sur le grain du papier »). Il connaîtra le frémissement du désir, les tourbillons de la débauche, le souffle cruel de la trahison et de la désillusion…
Plus qu'un pont sur la Corne d'or, le livre nous parle de ponts entre Orient et Occident bien sûr, entre poésie et sculpture, entre un homme écrasé de mille soucis et une femme mystérieuse, entre Rome et Istanbul… D'une écriture ciselée, sensuelle, musicale,
Mathias Enard nous entraîne des rives du Bosphore aux quartiers chauds de Constantinople, il nous fait participer à l'acte de création de l'artiste, pont jeté pour sublimer les chagrins, les déceptions, pour inventer son chemin d'artiste, pour laisser de soi une trace, parfois inattendue.
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